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Peut-être enviez-vous aux riches la somptuosité de leurs festins, le nombre des plats, la délicatesse des vins, la pompeuse ordonnance de la table, et la foule des convives et des flatteurs : mais apprenez que leur sort n'est pas meilleur que celui du cuisinier. Ce dernier craint les reproches de son maître, et, au milieu de toute cette somptuosité, le maître redoute la critique de ses convives. Ainsi, sous un rapport ils sont égaux; mais sous un autre, le maître est bien plus malheureux, car ses censeurs ne deviennent que trop souvent des rivaux implacables, dont la basse jalousie le poursuit jusqu'à une ruine entière.-Qu'importe, direz-vous? du moins les plaisirs de table sont de joyeux plaisirs. — Ah ! parlez-vous ainsi quand vous sortez de ces brillantes orgies l'estomac surchargé, la tête appesantie, les yeux éblouis et tout le corps affaibli et languissant ; et plût à Dieu que vous n'eussiez à endurer que ces douleurs passagères ! mais qui pourrait énumérer toutes les maladies incurables dont ces festins sont la source et le principe? La goutte, la paralysie, l'hydropisie, et mille autres infirmités punissent le riche de son intempérance, et le conduisent au tombeau par une recrudescence de douleurs et de souffrances. Et maintenant, quels plaisirs peuvent compenser de pareils maux? et qui, pour les fuir, n'embrasserait la vie la plus dure?