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Œuvres Jean Chrysostome (344-407) De sacerdotio libri 1-6 Traité du Sacerdoce
LIVRE TROISIÈME

15.

Veux-tu que je te présente sous une autre face cette lutte si féconde en dangers de toute sorte? Transporte-toi à quelqu’une de ces (589) solennités publiques qui ont lieu pour les élections ecclésiastiques, observe : autant d’individus qui les composent, autant de langues acérées pour déchirer la réputation du prêtre. Les électeurs se partagent en factions diverses; nul accord dans le collège des prêtres ni entre eux ni avec leur chef: personne ne s’entend; l’un veut celui-ci , l’autre celui-là. La cause de cette confusion, c’est que personne ne considère la seule chose qui soit à considérer, les qualités intérieures. D’autres motifs décident de l’élection. « Un tel est d’une bonne naissance, je lui donne ma voix, » dit l’un : «et moi, réplique un autre, je donne la mienne à un tel parce qu’il est riche, et qu’il peut se passer des revenus de l’Eglise» : on choisit celui-ci parce qu’il a passé d’un camp dans un autre auquel on appartient soi-même; celui-là parce qu’on a avec lui des rapports de société ou de parenté; un autre parce qu’il a su capter notre bienveillance par des flatteries. Mais a-t-il les vertus et les talents nécessaires? c’est ce dont personne ne s’embarrasse.

Pour moi, je suis si loin de regarder ces titres de recommandation comme suffisants pour s’assurer du mérite du candidat au Sacerdoce, qu’en lui supposant même de la piété, ce qui est pourtant un grand point, je ne me hasarderais pas à l’admettre aussitôt, s’il ne présente encore les témoignages d’une prudence consommée. J’ai connu des hommes longtemps voués à la solitude et aux jeûnes; ils étaient agréables à Dieu aussi longtemps qu’ils avaient le bonheur d’être seuls et à eux-mêmes, et de n’avoir à se préoccuper que de leur salut personnel : ils faisaient tous les jours de grands progrès dans la sainteté; mais transportés sur le théâtre du monde et forcés de redresser les égarements des peuples, les uns dès le début ont fait voir qu’ils étaient au-dessous d’une si grande tâche, et ont dû y renoncer; les autres, obligés de rester, se sont écartés de la sainte austérité de leur première vie, et se sont perdus, sans aucun profit pour les autres.

Il peut même arriver qu’un homme aura blanchi dans les fonctions subalternes du ministère, sans que je le juge digne d’être promu à un grade plus élevé, uniquement par respect pour sa vieillesse. Pourquoi l’élèverait-on si l’âge ne l’a pas rendu plus digne? Je ne dis point cela pour déconsidérer les cheveux blancs, ni pour exclure ceux que l’on irait prendre dans la solitude: il nous en est venu plus d’un qui ont honoré leur ministère d’une manière éclatante; je veux montrer que, si une grande piété, un grand âge ne font pas que celui qui possède ces avantages soit digne de l’épiscopat, à plus forte raison les motifs exprimés plus haut seront-ils insuffisants. Toutefois, on met encore en avant des considérations plus absurdes. Par exemple, il y en a qu’on admet dans les rangs du Sacerdoce pour les empêcher de se jeter dans un parti contraire; on en élit d’autres pour leur malice même, de crainte qu’irrités d’un refus ils ne fassent beaucoup de mal. Se peut-il quelque chose de plus inique? Quoi! des misérables, des hommes pleins de vices, les honorer quand on devrait les punir! leurs actions mériteraient de leur interdire le seuil de l’église, et ils en recevront la récompense en montant les degrés du sanctuaire! Et lions chercherons encore les causes de la colère de Dieu, nous qui livrons les choses les plus saintes et les mystères les plus redoutables en proie à des pervers ou à des incapables! Ainsi on confie l’autorité à des mains tantôt impures qui en profanent la sainteté, tantôt débiles qui n’en peuvent supporter le fardeau, et voilà pourquoi l’Eglise est plus agitée que l’Euripe.

Autrefois je me suis moqué des princes séculiers, parce que, dans la distribution des honneurs ils regardaient moins aux mérites des personnes, qu’à la richesse, à l’âge, au crédit. Mais je n’ai plus trouvé ce désordre si étrange, depuis que je l’ai vu étaler ses scandales parmi nous.

M’étonnerai-je encore que des hommes entièrement livrés à des intérêts terrestres, sans autre mobile que leur passion de gloire ou d’argent, commettent des fautes de ce genre; alors que ceux qui font, du moins à l’extérieur, profession de renoncer à toutes les vanités de la terre, ne laissent pas d’agir suivant les mêmes principes; traitent les intérêts du ciel comme s’il s’agissait d’un quartier de terre ou de quelqu’autre chose de ce genre; prennent à l’aveugle des hommes que rien ne distingue de la foule, pour leur confier le gouvernement des âmes; des âmes pour qui le Fils unique de Dieu a bien voulu se dépouiller de sa gloire, se faire homme, prendre la forme d’esclave (Philipp. II, 7), exposer sa face aux crachats, aux soufflets, (Matth. XXVI, 67) et mourir enfin, dans sa chair, de la mort la plus ignominieuse?

On ne s’arrête pas là, on court à des abus (590) plus criants. Non-seulement on admet des indignes, mais encore on expulse les bons. Comme s’il fallait, à toute force, ébranler des deux côtés la sécurité de l’Eglise; comme si ce n’était pas assez du premier moyen pour allumer la colère de Dieu, et qu’il fallût y joindre le second, qui n’est pas moins funeste. A mes yeux, c’est un malheur égal et d’écarter les sujets utiles, et d’admettre les inutiles. Voilà ce qui se passe, et il s’ensuit que le troupeau de Jésus-Christ ne trouve de consolation nulle part, qu’il ne peut même pas respirer. Cela ne mérite-t-il pas toutes les foudres du ciel, tous les feux d’un enfer plus rigoureux encore que celui dont nous sommes menacés? Et il souffre, il supporte ces grands maux celui qui ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. (Ezech. XVIII, 23 et 33, II.) Qui n’admirerait tant de bonté? qui ne serait stupéfait à la vue de tant de miséricorde?

Les enfants du Christ ruinent l’empire du Christ plus funestement que ses ennemis déclarés, et Lui, toujours bon, toujours miséricordieux, les appelle encore à la pénitence! Gloire à toi, Seigneur, gloire à toi! Quel abîme de bonté en toi, quel trésor de patience! Des hommes qui, à l’ombre de ton nom, d’obscurs qu’ils étaient sont devenus illustres, abusent des honneurs contre celui-là même à qui ils les doivent, osent ce qu’il n’est pas permis d’oser, insultent aux choses saintes, repoussant ou chassant du sanctuaire les hommes vertueux, afin de laisser aux méchants la plus entière liberté de faire ce qu’ils veulent.

Si tu veux connaître les causes de tant de maux, tu verras qu’elles sont les mêmes que les premières. Leur racine, leur mère, pour ainsi parler, est la même, c’est l’envie : mais elles présentent une assez grande variété de formes. L’un est trop jeune, l’autre ne sait pas flatter; celui-ci n’est pas bien vu d’un tel; tel personnage verrait avec peine élire celui-là, et repousser le candidat qu’il a présenté; un autre est bon et patient, un autre est terrible pour les pécheurs; pour, un autre ce sera quel-qu’autre prétexte aussi bien choisi. Car des prétextes, les gens dont je parle n’en manquent pas, ils en trouvent tant qu’ils veulent, Ils iront jusqu’à faire un crime d’être riche, s’ils n’ont rien autre chose à objecter. Pas d’élévations trop subites, disent-ils encore, cette dignité demande qu’on n’y arrive que lentement et pas à pas. Encore un coup, ils sont d’une fécondité inépuisable pour trouver des motifs. Ici, je demanderai volontiers ce que doit faire un évêque contre qui soufflent tant de vents contraires. Comment tenir ferme contre tant de vagues? comment repousser tant d’attaques? S’il veut déterminer son suffrage par les lumières de sa conscience et de la raison, voilà une nuée d’ennemis qui se déclarent, tant contre lui que contre ceux qu’il se propose d’élire; contradiction sans fin; nouvelles cabales tous les jours; sarcasmes amers tombant comme une grêle sur les candidats; et la bataille dure jusqu’à ce qu’on ait forcé ceux-ci à la retraite, pour appeler les sujets que l’on favorise.

On dirait de l’évêque comme d’un pilote qui aurait reçu des pirates à bord de son navire, lesquels, durant toute la traversée, épieraient l’occasion favorable pour le tuer, lui, les matelots et les passagers. S’il aime mieux plaire à ces hommes que de sauver son âme, et qu’il admette ceux qu’il faudrait repousser, c’est Dieu lui-même, au lieu de ces hommes qu’il aura pour ennemi. Quelle situation plus embarrassante? Sa position, vis-à-vis des méchants, devient encore plus critique qu’auparavant, parce qu’ils agissent ,d’ensemble, et que ce concert augmente leurs forces. Lorsque des vents violents viennent à souffler dans des directions contraires et à se combattre, la mer, tranquille jusque-là, devient tout à coup furieuse, soulève ses flots et engloutit les navigateurs; ainsi lorsque l’Eglise a admis dans son sein des hommes pervers, son calme se change en une tempête qui la couvre de naufrages.

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Traductions de cette œuvre
Traité du Sacerdoce
Treatise concerning the christian priesthood Comparer
Über das Priestertum (BKV) Comparer
Commentaires sur cette œuvre
Einleitung Über das Priestertum
Introduction to the treatise on the priesthood

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