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Nous devrions, mes Frères, n’avoir pas besoin du secours des Ecritures; si notre vie était assez pure; la grâce du Saint-Esprit nous tiendrait lieu de tous les livres. Tout ce qu’on écrit sur le papier avec de l’encre, l’Esprit l’imprimerait lui-même dans nos coeurs. Déchus de cet avantage, attachons-nous du moins résolument à la planche de salut qui nous reste. Cette première manière de communiquer avec Dieu valait mieux. Dieu lui-même nous l’a bien montré par ses actes non moins que jar ses paroles. Il a parlé à Noé, à Abraham, et aux descendants d’Abraham, Job, et Moïse, non par des caractères et par des lettres, mais immédiatement par lui-même : parce que la pureté de coeur qu’il avait trouvée en eux, les avait rendus susceptibles de cette grâce. Mais le peuple juif étant tombé depuis dans l’abîme de tous les vices, il fallut nécessairement que Dieu se servît de lettres et de tables, et qu’il traitât avec lui par le moyen de l’écriture.
Dieu a gardé dans le Nouveau Testament la conduite qu’il avait suivie dans l’Ancien, et il en a usé avec les apôtres comme il avait fait avec les patriarches. Car Jésus-Christ n’a rien (5) laissé par écrit à ses apôtres, mais il leur a promis au lieu de livres la grâce de son Esprit-Saint : « Il vous fera, » dit-il, « souvenir de toutes choses. » (Jean, XIV, 26) Pour comprendre l’avantage que cette instruction intérieure a sur l’autre, il ne faut qu’écouter ce que Dieu nous dit par son Prophète: « Je ferai un Testament nouveau : j’écrirai ma loi dans leurs âmes, et je la graverai dans leurs coeurs; et ils seront tous les disciples de Dieu. » (Jérém. XXXI, 33.) Saint Paul nous marquant aussi l’excellence de cette loi du Saint-Esprit, dit: « Qu’il avait reçu la loi non sur des tables de pierre, mais sur les tables d’un coeur de chair. » (Jean, VI, 45; II Cor. III,3.)
Mais, parce que dans la suite des temps, les hommes avaient malheureusement dévié du droit chemin, les uns par la dépravation de leur doctrine, les autres par la corruption de leur vie et de leurs moeurs, nous avons eu besoin de nouveau que Dieu nous donnât par écrit ses instructions et ses préceptes.
Que nous sommes coupables ! Notre vie devrait être tellement pure, que sans avoir besoin de livres, nos coeurs fussent toujours exposés au Saint-Esprit, comme des tables vivantes où il écrirait tout ce qu’il voudrait nous apprendre; et après avoir perdu un si grand honneur, et avoir eu besoin que Dieu nous donnât ses instructions par écrit, nous ne nous servons pas même de ce second remède qu’il nous a donné pour guérir nos âmes! Si c’est déjà une faute de nous être rendu l’Ecriture nécessaire, et d’avoir cessé d’attirer en noua par nous-mêmes la grâce du Saint-Esprit; quel crime sera-ce de ne vouloir pas même user de ce nouveau secours pour nous avancer dans la piété; de mépriser ces écrits divins, comme des choses vaines et inutiles; et de nous exposer à une condamnation encore plus grande par cette négligence et par ce mépris? Pour éviter ce malheur lisons avec soin l’Ecriture, et apprenons comment l’ancienne et la nouvelle loi ont été données.
Vous savez de quelle manière, en quel lieu, et en quel temps Dieu publia l’ancienne loi. Vous vous souvenez que ce fut après la ruine des Egyptiens, que ce fut dans un désert, sur la montagne de Sina, au milieu du feu et de la fumée qui s’élevaient de cette montagne, au son de la trompette, à la lueur des éclairs, au bruit du tonnerre, et après que Moïse fut entré dans l’obscurité de la nuée. La loi nouvelle ne fut point promulguée de cette manière. Ce ne fut ni dans le désert, ni sur une montagne, ni parmi la fumée et l’obscurité, ni .parmi les nuages et les tempêtes; mais elle fut donnée vers la première heure du jour; les disciples étaient assis; tout se passa dans la tranquillité et dans le calme. Les Juifs, dont l’intelligence était bornée, et les passions effrénées, avaient besoin d’un appareil qui frappât les sens, d’un désert, d’une montagne, de la fumée, du bruit des trompettes, et de tout cet appareil extérieur ; mais les disciples qui avaient l’âme plus sublime et plus docile, et qui s’étaient déjà élevés au-dessus des impressions du corps, n’avaient point besoin de toutes ces choses. Que si le Saint-Esprit descendit alors avec un grand bruit, ce ne fut pas pour les apôtres que ce signe extérieur arriva, mais pour les Juifs, aussi bien que ces langues de feu qui apparurent en même temps. Car si après cela même, ils osèrent dire que les apôtres étaient ivres, combien l’auraient-ils dit davantage, s’ils n’eussent point vu cette merveille?
Dans l’Ancien Testament, Dieu descend sur la montagne après que Moïse y est monté; niais dans le Nouveau, le Saisit-Esprit descend du ciel après que notre nature y a été élevée comme sur le trône de sa royale grandeur. Et ceci même nous fait voir que le Saint-Esprit n’est pas moins grand que le Père, puisque la loi nouvelle qu’il a donnée est si élevée au-dessus de L’Ancienne. Car ces tables de la seconde alliance sont, sans comparaison, supérieures à celles de la première, et leur vertu a été beaucoup plus noble et plus excellente. Les apôtres ne descendirent point d’une montagne, comme Moïse, portant des tables de pierre dans leurs mains ; ils descendirent du cénacle. de Jérusalem, portant te Saint-Esprit dans leur coeur. Ils avaient en eux un trésor de science, des sources de grâces et dé dons spirituels qu’ils répandaient de toutes parts; et ils allèrent prêcher dans toute la terre, étant devenus comme une loi vivante, et comme des livres spirituels et animés par la grâce du saint-Esprit. C’est ainsi qu’ils convertirent d’abord, trois mille hommes, et cinq mille ensuite. C’est ainsi qu’ils ont depuis converti tous les peuples, Dieu se servant de leur langue pour parler lui-même à tous les habitants de la terre. (6)
C’est sous l’inspiration de ce même Esprit, dont il était rempli, que saint Matthieu a écrit tout son évangile. C’est ce Matthieu qui avait été publicain. Car je ne rougis point d’avouer ce qu’il était, ni ce qu’ont été les autres apôtres, avant que Jésus-Christ les eût appelés. C’est cela même qui relève d’autant plus la grâce du Saint-Esprit en eux, et l’excellence de leur vertu.