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Œuvres Jean Chrysostome (344-407) In Matthaeum homiliae I-XC Commentaire sur l'Evangile selon Saint Matthieu
HOMÉLIE LII

1.

Saint Marc dit qu’étant entré dans une maison, il voulait que personne ne le sût; mais qu’il ne put rester caché. D’où vient, mes frères, que le Sauveur allait en ce pays? Aussitôt qu’il a montré qu’il ne fallait plus à l’avenir faire aucune distinction entre les viandes, il avance peu à peu et ouvre insensiblement aux gentils l’entrée à la grâce de son Evangile en les allant trouver lui-même. Nous voyons~de même dans les Actes, qu’aussitôt que -saint Pierre eut reçu l’ordre de ne plus regarder aucune viande comme impure, il fut aussitôt envoyé chez le centenier Corneille. (Act. X.) Que si quelqu’un me demande pourquoi Jésus-Christ va chez les gentils et chez les païens, lui qui défendait à ses apôtres d’y aller: « N’allez point, » leur dit-il, « dans la voie des gentils (Matt. X, 5); » je réponds en premier lieu que Jésus-Christ n’était point obligé d’observer lui-même ce qu’il commandait à ses apôtres. En second lieu il n’allait point dans ce pays pour y prêcher son Evangile, comme saint Marc le fait voir en disant « qu’il voulut s’y cacher et qu’il ne le put. » Au reste, si la suite de sa conduite ne Lui permettait pas d’un côté d’aller le premier trouver les païens chez eux, il était aussi de l’autre indigne de sa grâce et de sa bonté de les rebuter, lorsqu’ils le venaient (403) chercher. Si le Fils de Dieu était venu en ce monde pour courir après ceux qui le fuyaient, comment eût-il pu fuir ceux qui d’eux-mêmes couraient à lui?

Mais admirons ici, mes frères, combien cette femme se rend digne de toutes les grâces du Sauveur. Elle n’ose venir à Jérusalem, parce qu’elle s’en jugeait trop indigne. Si cette crainte si humble et si respectueuse ne. l’eût retenue, la foi qu’elle témoigne, et le voyage qu’elle fait hors de son pays, nous font assez voir qu’elle fût venue chercher Jésus-Christ au milieu de la Judée.

Quelques-uns ont trouvé un sens allégorique dans cette histoire. Ils ont remarqué que lorsque Jésus-Christ commence à sortir de la Judée, l’Eglise, que cette femme représentait, sort aussitôt de son pays, et se présente au-devant de lui. « Oubliez, ma fille, » lui dit Dieu par son prophète, « votre peuple et la maison de votre père. » (Ps. XLIV, 12.) Comme Jésus-Christ de son côté sort de son pays, cette femme aussi sort du sien ; et c’est ainsi qu’ils purent se rencontrer et s’entretenir.

« Car une femme chananéenne qui était sortie de ce pays-là, s’écria en lui disant: Seigneur, fils de David, ayez pitié de moi (22). » L’évangéliste accuse d’abord cette femme, et semble la décr4eren l’appelant « chananéenne .» mais il parle en effet de la sorte pour nous faire plus admirer sa foi, et pour relever davantage ce miracle. Car cri entendant ce mot de «chananéenne, » il est impossible que nous ne nous souvenions de ces nations détestables qui avaient même renversé toutes les lois de la nature. Ce souvenir nous doit porter en même temps à admirer la force et la puissance du Sauveur. Car ces nations qui autrefois avaient été chassées de peur qu’elles ne pervertissent les Juifs, sont devenues meilleures qu’eux, au point de sortir de leur propre terre pour venir au-devant du Fils de Dieu, lorsque les Juifs le chassent de leur pays même où il lés était venu visiter.

Cette femme donc s’étant approchée de Jésus-Christ, ne lui dit autre chose que ces paroles : «Seigneur, ayez pitié de moi!» ce qu’elle disait avec des cris si touchants que tout le monde s’arrêtait pour la regarder. En effet, qui n’eût été touché de compassion en voyant une femme forcée par sa douleur de jeter de si grands cris, en considérant une mère qui implorait la miséricorde du Sauveur pour sa fille si misérablement affligée? Elle n’ose pas même la présenter à Jésus-Christ parce qu’elle était tourmentée par le démon. Elle la laisse chez elle; elle vient seule faire sa prière. Elle représente seulement le mal que sa fille endure, sans rien exagérer.

Elle ne le conjure point de venir chez elle, comme cet officier du roi qui pria le Sauveur de venir toucher son fils, et de descendre avant qu’il mourût. (Matth. IX,17; Jean, IV, 49.) Après qu’elle lui a représenté en un mot combien sa fille était malade, elle se contente d’implorer sa miséricorde par de grands cris. Elle ne lui dit pas : Ayez pitié de ma fille; mais, « Ayez pitié de moi; » comme si elle disait : Le mal que souffre ma fille lui ôte tout sentiment; mais moi je souffre mille maux, et je sens ce que je souffre; et c’est ce sentiment que j’en ai qui me transporte hors de moi.

« Mais Jésus-Christ ne lui répondit pas un seul mot. Et ses disciples s’approchant de lui le priaient en lui disant : Contentez-la afin qu’elle s’en aille, parce qu’elle crie après nous (23). » Que cette conduite du Sauveur est nouvelle! qu’elle est surprenante ! qu’elle est différente de celle qu’il a gardée envers les Juifs! Lorsqu’ils sont le plus rebelles et le plus ingrats, il tâche de les attirer à lui, et il les prévient lui-même. Lorsqu’ils le noircissent de blasphèmes, il les adoucit par ses prières. Lorsqu’ils le tentent, il ne dédaigne pas de leur répondre. Et au contraire lorsque cette, femme vient d’elle-même et qu’elle court à lui de son propre mouvement, lorsqu’elle le prie et qu’elle le conjure avec une foi si ardente et une humilité si profonde, quoiqu’elle n’eût été instruite ni par la loi, ni par les prophètes, il ne lui dit pas même un mot.

Qui ne se serait scandalisé en voyant Jésus-Christ oublier en quelque sorte toute sa conduite, et faire le contraire de ce que tout le monde publiait de lui? Le bruit courait de toutes parts qu’il allait. chercher les malades et les affligés .dans toutes les villes pour les soulager; et on le voit au contraire ici rejeter cette femme qui venait de son propre mouvement implorer, son assistance. Qui n’aurait été touché de voir une mère affligée, jeter des cris si lugubres dans la douleur que lui causait la misère de sa fille, et être ainsi rebutée du Fils de Dieu? (404)

Elle ne demande point cette grâce comme en étant digne: elle ne l’exige point comme une dette : elle demande seulement miséricorde. « Ayez pitié de moi! » Elle représente humblement sa misère, et Jésus-Christ « ne lui répond pas même une parole! » Pour moi je ne doute point que plusieurs de ceux qui étaient présents alors, ne fussent scandalisés, mais cette femme ne se scandalisa point. Mais que dis-je, que plusieurs de ceux qui étaient présents s’en scandalisèrent, puisque les apôtres mêmes furent touchés de l’étal de cette femme, et, troublés et attristés? Cependant ils n’osent prier pour elle, ni dire: Accordez-lui la grâce qu’elle demande , mais « ils s’approchent du Sauveur, et lui disent « Contentez-la afin qu’elle s’en aille , parce qu’elle crie après nous. » Nous agissons souvent de la sorte. Lorsque nous désirons porter quelqu’un à une chose, nous lui disons le contraire de ce que nous avons dans l’esprit.

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