2.
Mais considérez la malignité de ces prêtres juifs: « Nous nous sommes souvenus», disent-ils, « que cet imposteur a dit, lorsqu’il était encore en vie : Je ressusciterai dans trois jours ». Si c’est un imposteur qui ne disait que des choses vaines, pourquoi les craignez-vous? pourquoi tremblez-vous? pourquoi témoignez-vous tant d’inquiétude? pourquoi employez-vous tant de ressorts? « Nous craignons » , disent-ils, « que ses disciples ne viennent dérober son corps et qu’ils ne trompent ensuite le peuple ». Nous venons de faire voir que cela était impossible. Cependant comme la malice des hommes est opiniâtre dans ses desseins, ils ne se rendent point et ils agissent contre toute la lumière de la prudence. Ils commandent qu’on garde exactement le sépulcre jusqu’au troisième jour, sous prétexte de soutenir leur loi contre un imposteur; ils ont surtout si fort à coeur de montrer que Jésus-Christ était un séducteur, qu’ils étendent leur envie et leur malignité contre lui jusqu’après sa mort.
C’est pour cela que le Fils de Dieu se hâte de ressusciter de bonne heure, afin de ne leur point donner lieu de dire qu’il n’avait pas tenu sa parole, et qu’on était venu l’enlever.
Car on ne pouvait trouver à redire qu’il ressuscitât un peu plus tôt qu’il n’avait dit, tandis que le faire un peu plus tard eût donné lieu à beaucoup de soupçons. En effet, si Jésus-Christ ne fût ressuscité lorsque ces soldats environnaient encore son sépulcre pour le garder, et qu’il ne l’eût fait que lorsqu’ils se seraient retirés après le troisième jour, les Juifs auraient eu quelques raisons, sinon fondées, du moins spécieuses à alléguer, pour justifier leur refus de croire à la résurrection. Il se hâta donc de ressusciter pour ôter à ses ennemis jusqu’au moindre prétexte. Car il raflait qu’il ressuscitât, lorsque son sépulcre était encore environné de ses gardes. Il ne devait pas attendre que les trois jours fussent entièrement accomplis, puisque sa résurrection eût pu être trop suspecte. C’est pourquoi il permit que les Juifs prissent toutes les précautions qu’ils voulaient, qu’ils scellassent son tombeau, et qu’ils y missent des gardes. Et lorsqu’ils agissaient de la sorte, ils ne se mettaient guère en peine du jour du sabbat, mais ils n’avaient point d’autre but que de satisfaire leur passion. Ils crurent qu’ils auraient ainsi l’avantage sur le Sauveur par un aveuglement incompréhensible, et par une crainte tout à fait à contre-temps, puisqu’ils témoignaient appréhender un homme mort, à qui ils avaient fait tout ce qu’ils avaient voulu pendant sa vie. Car ne devaient-ils pas, si Jésus-Christ n’était qu’un homme comme les autres, faire alors cesser toutes leurs craintes, et être dans un plein repos pour l’avenir?
Mais enfin Jésus-Christ voulant leur montrer qu’il n’avait rien souffert de leur part que ce qu’il avait bien voulu souffrir, leur fait voir ici qu’avec cette pierre si bien scellée et ces gardes, ils ne pouvaient le retenir. Tout ce qu’ils ont gagné par leurs artifices, c’est qu’ils ont rendu sa résurrection plus célèbre et plus constante; de sorte qu’on ne peut en douter raisonnablement, puisqu’il ressuscita en présence des Juifs mêmes et des soldats.
« Le soir du sabbat, à la première lueur du jour qui suit le sabbat, Marie-Madeleine et l’autre Marie vinrent pour voir le sépulcre. (Chap. XXVIII, 1). Et voilà qu’il se fit un grand tremblement de terre : car un ange du Seigneur descendit du ciel, et vint renverser la pierre qui était devant la porte du sépulcre et s’assit dessus (2). Son visage était brillant comme un éclair, et ses vêtements blancs comme la neige (3)». L’ange parut aussitôt après la résurrection du Fils de Dieu. Pourquoi parut-il et enleva-t-il la pierre de dessus le sépulcre, sinon à cause de ces femmes qui avaient vu le Sauveur dans le tombeau? Afin donc qu’elles crussent qu’il était véritablement ressuscité, on leur fit voir que le corps n’était plus dans le sépulcre. Voilà pourquoi l’ange ôta la pierre, pourquoi le tremblement de terre eut lieu, c’était afin de les avertir de se lever et de se réveiller. Comme elles étaient (81) venues pour oindre le corps de parfums, et qu’il était encore nuit, il est vraisemblable que quelques-unes d’entre elles pouvaient être assoupies.
« Et les gardes en furent tellement saisis de frayeur, qu’ils devinrent comme morts (4). Mais l’ange s’adressant aux femmes leur dit: Pour vous, ne craignez point; car je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié (5)». Pourquoi l’ange leur dit-il: « Pour vous, ne craignez point», sinon parce que tout d’abord il voulait les délivrer de la frayeur où elles étaient avant de leur parler de la résurrection? Ce mot, « pour vous autres », est bien honorable pour ces femmes, et montre en même temps que si ceux qui avaient osé commettre un attentat si étrange, ne rentraient en eux-mêmes, ils devaient s’attendre à une horrible vengeance. Car ce n’est pas à vous à craindre, dit-il à ces femmes; c’est à ceux qui ont crucifié le Sauveur. Après les avoir ainsi délivrées de cette frayeur, et par ses paroles, et par la joie qui était peinte sur son visage, dont l’expression était d’accord avec l’heureuse nouvelle qu’il apportait, il continue de leur parler : « Je sais que vous cherchez Jésus qui a été crucifié ». Il ne rougit point de dire que Jésus-Christ a été crucifié, parce qu’il savait que sa croix était la source de tous nos biens. « Il n’est point ici, il est ressuscité ». Et pour le prouver, il ajoute, « comme il l’avait dit lui-même (6) ». Si vous vous défiez de mes paroles, souvenez-vous de la sienne, et vous me croirez. Et pour leur en donner encore une autre preuve, il leur dit: « Venez voir le lieu où le Seigneur avait été mis». Ainsi l’ange avait détourné la pierre, afin que les femmes fussent convaincues par leurs propres yeux. « Et hâtez-vous d’aller dire à ses disciples qu’il est ressuscité d’entre les morts: Il va devant vous en Galilée, c’est là que vous le verrez : je vous en avertis auparavant (7) ». Il veut qu’elles annoncent ensuite aux autres ce qu’il leur a fait croire avec tant de certitude, Il marque à dessein la « Galilée » comme un lieu paisible éloigné des périls, et où leur foi ne devait être mêlée d’aucune crainte.
« Et sortant aussitôt du sépulcre avec crainte et avec beaucoup de joie, elles coururent pour annoncer ceci aux disciples (8) ». Elles sont saisies d’une extrême joie mêlée de crainte, parce qu’elles avaient vu une chose tout à fait étonnante et bien consolante tout ensemble; elles avaient vu ouvert et vide ce même sépulcre, où elles avaient vu peu auparavant ensevelir Jésus-Christ. L’ange les avait fait approcher, afin que cette vue même du tombeau les persuadât que le Sauveur était. véritablement ressuscité. Car elles pouvaient bien s’assurer que le sépulcre étant gardé par tant d’hommes armés, nul n’aurait pu enlever son corps, à moins que lui-même ne l’eût rejoint à son âme en ressuscitant. Ainsi, dans l’admiration où elles se trouvent, elles sont ravies de joie, et elles reçoivent enfin le prix de leur persévérance, ayant été jugées dignes de voir les premières Jésus-Christ ressuscité, et d’annoncer ensuite aux apôtres non-seulement ce que les anges leur avaient dit, mais ce qu’elles avaient vu de leurs propres yeux.