1.
Ce Gamaliel était le maître de Paul. Il est surprenant qu'étant judicieux et instruit dans la loi, il ne crût pas encore. Il n'était absolument pas possible qu'il restât incrédule; ses paroles, son conseil le prouvent : « Il ordonna de les faire sortir un instant». Voyez la prudence de l'orateur et comme il frappe d'abord d'épouvante ses auditeurs. Mais, pour ne pas être soupçonné de penser comme les apôtres, il s'adresse aux membres du conseil, comme s'ils étaient de son avis; son langage n'est pas violent, il semble traiter avec des hommes ivres de fureur, et dit : « Hommes d'Israël, prenez garde à ce que vous ferez à l'égard de ces hommes, c'est-à-dire, n'y allez pas au hasard et à la légère. Car avant ces jours-ci a paru Théodas se disant être quelqu'un, et auquel s'attacha un nombre d'environ quatre cents hommes; il a été tué, et tous ceux qui croyaient en lui ont été dispersés et réduits à rien ». C'est par des exemples qu'il cherche à les rendre sages, et, pour les consoler, il cite Théodas, qui avait séduit un grand nombre de partisans. Mais avant de rapporter des exemples, il leur dit : « Prenez garde à vous » ; et après les avoir rapportés, il exprime son avis en disant : « Et maintenant je vous le dis : ne vous occupez pas de ces hommes. Après Théodas, se leva Judas le Galiléen, dans le temps du recensement; il attira à sa suite une foule nombreuse; il périt à son tour et tous ceux qui s'étaient attachés à lui furent dispersés. Et maintenant je vous le dis : ne vous occupez pas de ces hommes et laissez-les. Si leur entreprise ou cette oeuvre est des hommes, elle tombera d'elle-même; niais si elle est de Dieu, vous ne pouvez la détruire ». Comme s'il disait : Attendez : s'ils se sont réunis d'eux-mêmes, rien ne les empêchera de se séparer : « Et peut-être vous vous trouveriez combattre contre Dieu ». L'impossibilité du succès, l'inutilité de leurs efforts, c'est ce qu'il objecte pour les détourner. Il ne dit point par qui les rebelles ont été tués , ruais seulement qu'ils ont été dispersés, croyant sans doute superflu d'en dire davantage. Mais, par ce qu'il ajoute, il leur fait comprendre que si l'oeuvre est de l'homme, il n'y a pas à s'en inquiéter; tandis que si elle est de Dieu, tous leurs efforts ne viendront pas à bout de la détruire. Et ce discours parut si sensé, qu'ils se déterminèrent à ne point faire mourir les apôtres, mais à les flageller. « Ils se rangèrent à son avis, et ayant rappelé les apôtres, ils les firent battre de verges et leur défendirent de parler au nom de Jésus, après quoi ils les renvoyèrent ». Voyez après quels prodiges on les flagelle. Et cependant la doctrine s'étendait de plus en plus, car ils enseignaient chez eux et dans le temple.
« Et eux sortaient du conseil pleins de joie de ce qu'ils avaient été jugés dignes de souffrir un outrage pour le nom du Christ; et tous les jours ils ne cessaient d'enseigner et d'annoncer Jésus-Christ dans le temple et de maison en maison. Or en ces jours, comme le nombre des disciples augmentait, il s'éleva a chez les Grecs un murmure contre les Hébreux, parce que les veuves de ceux-là étaient dédaignées dans le service quotidien ». Il ne veut pas précisément parler de ce temps même, mais il suit l'usage de l'Ecriture de donner comme présent ce qui doit arriver dans la suite. Je pense que par grecs il entend ceux qui parlaient cette langue, bien qu'ils fussent hébreux. C'est donc une nouvelle tentation, et si vous y faites attention, vous verrez que dès le début il y a eu des guerres au dedans comme au dehors. « Mais les douze ayant convoqué la foule des disciples, dirent : Il n'est pas convenable que nous abandonnions la prédication pour vaquer au service des tables ». Très-bien : il faut en effet préférer le plus nécessaire au moins nécessaire. Mais voyez comme ils pourvoient à ce service, sans négliger la prédication. On choisit les plus respectables : « Frères, cherchez donc parmi vous sept hommes de bon témoignage, remplis de l'Esprit et de sagesse, à qui nous confierons ce service. Quant à nous, nous nous appliquerons à la prière et au ministère de la parole. La proposition fut agréée de toute la multitude; et ils choisirent Etienne, homme rempli de foi et du Saint-Esprit ». Ainsi ceux que l'on choisit sont remplis de foi, afin d'éviter ce qui est arrivé à l'occasion de Judas, d'Ananie et de Sapphire. « Et Philippe, et Prochore, et Nicanor, et Timon, et Parmena, et Nicolas, a prosélyte d'Antioche , qu'ils présentèrent aux apôtres; et ceux-ci, après avoir prié, leur imposèrent les mains. Et la parole du Seigneur s'étendait, et le nombre des disciples augmentait à Jérusalem ; beaucoup de a prêtres même obéissaient à la foi ». Mais revenons à ce qui a été dit plus haut : « Hommes, prenez garde à vous ! » Voyez comme Gamaliel leur parle avec douceur et en peu de mots; il ne leur rappelle point d'anciennes histoires, bien qu'il le pût, mais des faits récents plus propres à confirmer ce qu'il avance. Aussi s'enveloppe-t-il d'une espèce d'énigme : « Avant ces jours-ci» ; comme pour dire : Il y a peu de temps. S'il eût dit tout d'abord Renvoyez ces hommes, il eût éveillé des soupçons, et sa parole n'aurait pas eu autant de force, mais les exemples qu'il cite lui en donnent une particulière. C'est pourquoi il ne se contente pas d'un seul exemple, mais en cite un second. Il aurait pu en produire un troisième, et prouver ainsi surabondamment qu'il avait raison, en les détournant de leur projet homicide : « Ne vous occupez pas de ces hommes ».