1.
Il avait dit : « Si ce que je mange scandalise mon frère, je ne mangerai jamais de chair » ; ce qu'il ne faisait pas, mais ce qu'il promettait de faire, s'il en était besoin; et de peur qu'on ne dît : — Vous vous vantez mal à propos, vous êtes sage en paroles et de bouche seulement, ce qui n'est difficile ni à moi ni à personne; si vous êtes sincère, faites-nous voir en fait ce que vous rejetez pour ne pas scandaliser un frère ; pour éviter, dis-je, cette objection, il est obligé d'en venir à la preuve et de dire à quelles choses permises il a renoncé, sans qu'aucune loi l'exigeât. Jusque-là rien de merveilleux peut-être; quoiqu'on doive admirer qu'il se soit abstenu de choses licites, non-seulement pour éviter le scandale, mais encore avec beaucoup de difficultés et de périls. Que faut-il dire des viandes immolées aux idoles? demande-t-il. Quoique le Christ ait établi que ceux qui prêchent l'Evangile doivent vivre de leur ministère, je ne l'ai cependant pas fait; j'ai préféré mourir de faim, s'il était nécessaire, subir la mort la plus cruelle , plutôt que de rien recevoir de ceux que j'instruisais. Non que les fidèles se fussent scandalisés, s'il eût accepté quelque chose de leur part; mais il fallait les édifier, ce qui était beaucoup plus important. Et il appelle en témoignage ceux chez qui il a travaillé et souffert de la faim : nourri chez des étrangers, il a vécu dans la pénurie, pour ne pas scandaliser, bien que le scandale eût été sans fondement, puisqu'il n'aurait fait qu'accomplir la loi du Christ; mais il avait pour eux des ménagements à l'excès. Or, s'il agissait ainsi sans que la loi l'y obligeât, afin d'éviter le scandale; s'il s'abstenait de choses permises, pour l'édification des autres : quels châtiments mériteront ceux qui ne s'abstiennent pas de viandes immolées aux idoles, quand c'est une occasion de ruine pour un grand nombre , et qu'ils devraient le faire même en dehors de tout scandale, puisque c'est la table des démons? C'est là le point principal et qu'il traite en bien des versets. Mais il faut reprendre les choses de plus haut. Comme je l'ai déjà dit : il ne s'explique point clairement là-dessus, il n'entre point immédiatement en matière ; mais il commence d'une autre façon , et par ces mots : « Ne suis-je pas apôtre ? » Après tout ce qui a été dit, ce n'est pas une chose indifférente que ce soit Paul qui ait fait cela. De peur qu'on ne dise Il est permis d'en manger après s'être signé, il n'insiste pas là-dessus d'abord, mais il dit quand cela serait permis , il ne faudrait pas le faire à cause du mal que cela cause à vos frères , et ensuite il prouve que cela n'est pas (427) permis: d'abord par son propre exemple; comme il va dire qu'il n'a rien reçu d'eux, il ne commence pas par là, mais il parle d'abord de sa dignité: « Ne suis-je pas apôtre? ne suis-je pas libre? » Pour qu'on ne dise pas: Si vous n'avez rien reçu, c'est que vous n'aviez pas droit de rien recevoir, il expose d'abord les raisons pour lesquelles il aurait eu le droit de recevoir, s'il l'avait voulu.
Ensuite pour ne pas paraître, en disant cela, incriminer Pierre et ceux qui l'entouraient (car eux recevaient), il prouve d'abord qu'ils avaient droit de recevoir ; puis, pour qu'on ne dise pas que Pierre avait ce droit et que lui ne l'avait pas, il prévient l'esprit de l'auditeur par ses propres louanges. Et considérant qu'il était nécessaire de faire son éloge (c'était le moyen de corriger les Corinthiens) et ne voulant d'ailleurs rien dire de trop, mais simplement ce qui suffisait à son but, voyez comme il sait ménager ce double point, en se louant lui-même , non autant qu'il l'aurait pu en conscience, mais dans la mesure que la circonstance demandait. Il pouvait dire en effet J'avais le droit de recevoir plus que tous les autres, parce que j'ai travaillé plus qu'eux; ruais il ne lier t pas ce langage qui serait trop haut; il se contente de poser les principes qui faisaient la grandeur des apôtres et leur droit à recevoir, en disant: « Ne suis-je pas apôtre? ne suis-je pas libre ? » C'est-à-dire: Ne suis-je pas maître de moi-même? suis-je sous la dépendance de quelqu'un qui me fasse violence et m'empêche de recevoir? - Mais eux ont quelque chose de. plus que vous: ils ont été avec le Christ. — Mais cet avantage , je l'ai eu aussi. C'est ce qui lui fait dire : « N'ai-je pas vu Jésus-Christ Notre-Seigneur? Après tous les autres, il s'est fait voir aussi à moi comme à l'avorton ». (I Cor. XV, 8.) Ce n'était pas là un mince honneur. « Car beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez et ne l'ont pas vu ». (Match. XIII, 17.) « Des jours viendront où vous désirerez voir un seul de ces jours ». (Luc, XVII, 22.) — Mais quoi ! quand vous seriez apôtre et libre et que vous auriez vu le Christ , quel droit auriez-vous de recevoir si vous ne pouvez montrer l'ouvrage d'un apôtre ? Voilà pourquoi il ajoute: « N'êtes-vous pas mon oeuvre dans le Seigneur?» Voilà le grand point sans cela le reste est inutile. Car Judas était apôtre, était libre et avait vu le Christ: mais comme il ne fit pas oeuvre d'apôtre, tout cela ne lui servit à rien. Voilà pourquoi Paul ajoute ces mots, et appelle les Corinthiens eux-mêmes en témoignage. Et comme il venait d'exprimer une grande chose , voyez quel correctif il y met , en disant : « Dans le Seigneur » ; c'est-à-dire, vous êtes l'oeuvre de Dieu et non la mienne. « Si pour d'autres je ne suis pas apôtre , je le suis cependant pour vous ».
