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C'est avec raison qu'après des preuves et des démonstrations nombreuses: il se sert d'un style un peu plus véhément, gourmande ses auditeurs, et emploie un exemple qui s'applique à la circonstance présente. Les enfants, en effet, à la vue des petites choses, ouvrent la bouche, l'admiration les plonge dans la stupeur, mais les grandes ne les frappent point d'admiration. Puis donc que ceux qui ont le don des langues croient tout avoir, quand ce don n'est que le dernier pour les autres, il dit : « Ne soyez; pas enfants »; c'est-à-dire, ne soyez pas insensés là où il faut être sage, mais soyez enfants et simples là où sont l'injustice, la vaine gloire, l'orgueil. En effet, celui qui est enfant pour le vice, doit pourtant être prudent. De même que la prudence finie à l'improbité n'a jamais été la prudence, ainsi la simplicité unie à l'imbécillité ne sera jamais la simplicité. Dans la simplicité il faut éviter l'imbécillité, et dans la prudence, le vice et la scélératesse. Comme les remèdes amers ou doux ne sont plus efficaces, s'ils le sont plus qu'il ne faut, ainsi sont la simplicité et la prudence exagérées. C'est pourquoi le Christ ordonnait de-les tempérer toutes les deux, disant : « Soyez prudents comme les serpents, et simples comme les colombes ». (Matth. X, 16.) Qu'est-ce d'être de petits enfants pour le mal et le vice? c'est d'ignorer même ce que c'est que le vice; c'est ainsi que l'apôtre veut qu'ils soient. Et c'est pourquoi il disait: «Parmi vous on entend parler de la fornication ». (I Cor. V, 1.) Il n'a point dit : on s'en rend coupable, mais, ou en entend parler, vous connaissez bien la chose, car vous en avez ouï parler. Il voulait qu'ils fussent hommes et enfants, enfants pour le vice, hommes par la prudence. L'homme est un homme , s'il est encore un petit enfant, mais s'il n'est pas un enfant pour le vice, il n'est pas un homme. Car le scélérat n'est point parfait, c'est un insensé.
Car il est dit dans la loi : Je parlerai à ce peuple en des langues étrangères et inconnues, et, « après cela même », dit le Seigneur, ils ne m'entendront pas. Cela n'est écrit nulle part dans la loi; mais, je l'ai dit plus haut, il comprend sous le nom de «loi » tout l'Ancien Testament, le livre des prophètes et l'histoire; sainte. Il appelle en témoignage le prophète Isaïe, rabaissant encore le mérite du don des langues, dans l'intérêt de ses disciples. Ces mots : « après cela même », voulaient dire qu'un pareil miracle aurait dû suffire pour frapper leurs coeurs, et que si après cela ils ne croyaient pas, ils ne pouvaient s'en prendre qu'à eux. Et pourquoi Dieu a-t-il fait cela pour eux, s'ils ne devaient pas croire en lui ? Pour montrer qu'il fait sans cesse ce qu'il doit faire. Donc saint Paul, après avoir démontré , en le comparant au don de prophétie, que le don des langues est un signe (545) qui n'a pas une grande utilité, a ajouté ces mots: « Et ainsi le don des langues est un signe, non pour les fidèles, mais pour les infidèles; le don de prophétie, au contraire, n'est pas pour les infidèles, mais pour les fidèles (22). Si donc toute une église étant assemblée en un lieu, tous parlent diverses langues, et que des ignorants ou des infidèles entrent dans cette assemblée, ne diront-ils pas que vous êtes des insensés (23) ? Mais si tous prophétisent et qu'un infidèle ou un ignorant entre dans votre assemblée, tous le convainquent, tous le jugent (24). Et ainsi le secret de son coeur est découvert, et se prosternant le visage contré terre, il adorera Dieu, rendant témoignage que Dieu est véritablement parmi vous (25) ». Ces paroles soulèvent bien des doutes. Si en effet le don des langues est un signe, comment se fait-il que saint Paul dise : Si les infidèles vous entendent parler des langues inconnues, ils diront que vous êtes des insensés? Et si le don de prophétie n'est pas pour les infidèles, mais pour les fidèles, quel fruit les infidèles en recueilleront-ils? « Qu'un infidèle, dit-il, entre dans votre assemblée quand vous prophétisez, tous le convainquent, tous le jugent ».
Voilà donc une autre difficulté qui s'élève ! Voilà le don des langues qui semble l'emporter sur le don de prophétie ! Car si le don des langues est un signe pour les infidèles, tandis que le don de prophétie est un signe pour les fidèles, le don qui attire et unit à l'Eglise ceux qui sont hors de son sein, doit l'emporter sur, le don qui ne fait que réunir et organiser ceux qui sont déjà de la famille et de la maison. Que dit donc saint Paul? Rien dé difficile ni d'obscur, rien qui soit en contradiction avec ce qu'il a dit d'abord. Au contraire tout se tient, pour peu que nous y réfléchissions. Le don de prophétie s'adresse à tout le monde, tandis qu'il n'en est pas de même du don des langues. Aussi, après avoir dit que le don des langues est un signe, il ajoute : non pour les fidèles, mais pour les infidèles que Dieu veut attirer par ce signe, pour les infidèles que ce signe doit étonner, mais non instruire. Quand il s'agit du don de prophétie, il distingue encore et il dit : Le don de prophétie, au contraire, n'est pas pour les infidèles, mais pour les fidèles. C'est que lé fidèle n'a pas besoin de voir un signe; un enseignement et un précepte, voilà tout ce qu'il lui faut. Mais alors, comment peut-on dire que la prophétie est utile à tout le monde, puisque saint Paul. dit lui-même qu'elle n'est pas pour les infidèles, mais pour les fidèles ? Pesez ces paroles avec soin et dans une balance exacte, vous saurez ce qu'il veut dire. Il ne dit pas que la prophétie n'est pas utile aux infidèles, mais qu'elle n'est pas. comme les langues, un simple signe, c'est-à-dire, un don de luxe. Le don des langues, en effet, n'est pas précisément utile aux infidèles. Il n'a pour but et pour objet que d'étonner et de frapper leurs esprits. Car le signe n'est qu'un moyen. C'est ce qu'exprime le prophète en ces mots : « Sers-toi de moi pour faire un prodige », et il ajoute : « pour le bien » ; et il dit encore : « Dieu s'est servi de moi pour opérer, un miracle dans l'intérêt de plusieurs », c'est-à-dire, pour faire éclater un signe. (Ps. LXXXV, 17, et LXX, 7.)
