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Car la pensée que nous avons sur tout cela, nous la tenons pour la pensée du Christ; c'est-à-dire, nous regardons comme spirituelle la connaissance quel nous avons des choses de la foi; en sorte que nous ne pouvons en toute justice être jugés par personne. En effet, l'homme animal ne peut connaître les choses de Dieu; ce qui fait dire à Paul : « Qui a connu la pensée du Seigneur? » Entendant par là que notre pensée sui ces objets est celle même du Christ. Et ces paroles: « Pour l'instruire », ne sont pas mises là au hasard, mais se rapportent à ce qu'il a dit plus haut : « Le spirituel n'est jugé par personne ». Car si personne ne peut connaître la pensée du Seigneur, à plus forte raison l'enseigner et la corriger. Et c'est le sens de ces mots : « Pour l'instruire ». Voyez-vous comme il poursuit à outrance la sagesse profane, et montre que l'homme spirituel sait plus de choses et de plus grandes choses? Car comme les raisons données plus haut (par exemple : « Afin que nulle chair ne se glorifie », ou : « Il a choisi ce qui est insensé pour confondre les sages »; ou : « Afin de ne pas rendre vaine la croix du Christ » ); comme ces raisons, dis-je, n'étaient pas très-dignes de foi aux yeux des païens ni très-propres à les attirer, et ne paraissaient ni nécessaires ni utiles : il produit enfin la raison principale, à savoir, que la meilleure manière de voir est pour nous celle par laquelle nous pouvons apprendre des secrets sublimes qui sont au-dessus de notre portée: En effet, la raison était réduite à rien, puisque nous ne pouvons, au moyen de la sagesse profane, comprendre ce qui est au-dessus de nous. Ne voyez-vous pas qu'il valait beaucoup mieux apprendre de l'Esprit ? C'est le mode d'enseignement le plus facile et le plus clair. « Mais nous avons la pensée du Christ » ; c'est-à-dire, la pensée spirituelle, divine, qui n'a rien d'humain. Car ce ne sont pas les pensées de Platon, ni de Pythagore , (340) mais les siennes propres que le Christ nous a données.
Rougissons donc de honte, chers auditeurs, et présentons le spectacle d'une vie meilleure; puisque le Christ nous donne lui-même comme un signe dune grande amitié, de nous avoir révélé ses secrets, quand il dit : « Désormais je ne vous appellerai plus serviteurs; car vous êtes tous mes amis, puisque je vous ai annoncé tout ce que j'ai appris de mon Père » (Jean, XV, 15), c'est-à-dire, je vous l'ai livré en toute confiance. Or, se livrer en confiance est la seule preuve d'amitié; combien la preuve n'est-elle pas plus forte quand le Christ nous a confié les mystères non-seulement de ses paroles, mais de ses actions? Rougissons donc là-dessus; et si nous ne tenons pas grand compte de l'enfer, que ce soit pour nous une chose plus terrible que l'enfer, de nous montrer injustes et ingrats envers un tel ami, envers un tel bienfaiteur; agissons en tout, non comme de serviles mercenaires, mais comme des enfants, comme des hommes libres, par amour pour le Père; cessons d'être attachés au inonde, afin de faire rougir les gentils. Chaque fois, en effet, que je suis tenté de discuter avec eux, je recule, de peur que, pendant que nous les battons par les raisonnements et la vérité de nos dogmes, nous ne soulevions chez eux un immense éclat de rire par le contraste de notre conduite; vu que s'ils sont livrés à l'erreur et ne croient rien de ce que nous croyons, ils s'appliquent du moins à la philosophie, tandis que chez nous c'est tout le contraire. Cependant j'ajouterai : Peut-être, peut-être en cherchant à les combattre, nous efforcerons-nous de devenir meilleurs qu'eux, même pendant cette vie. Je disais naguères que les apôtres n'eussent jamais prêché ce qu'ils ont prêché, s'ils n'eussent eu le secours de la grâce de Lieu ; et que non-seulement ils n'auraient pas réussi, mais qu'ils n'en auraient pas même formé le projet. Eh bien ! discutons encore ce point aujourd'hui et montrons qu'ils n'auraient pu exécuter, pas même former cette entreprise, s'ils n'avaient eu le Christ avec eux; non parce que, faibles, ils combattaient les forts, qu'ils étaient un petit nombre contre un grand nombre, pauvres contre des riches, ignorants contre des savants; ruais parce que la force des préjugés était grande.
Vous savez qu'il n'y a rien de puissant chez les hommes comme la tyrannie d'une ancienne habitude. En sorte que quand même ils n'eussent pas été seulement douze, et aussi vils et tels qu'ils étaient; quand même ils auraient eu avec eux un autre monde pareil à celui-ci, une autre multitude égale et même supérieure à celle qu'ils combattaient: alors même encore l'oeuvre eût été difficile. Car, d'un côté, on avait pour soi la coutume; de l'autre, on avait contre soi la nouveauté. Rien, en effet, ne trouble l'âme, même quand il s'agit de choses utiles, comme l'introduction d'usages nouveaux et étrangers, surtout en matière de culte et d'honneurs dus à Dieu. Je ferai ressortir la puissance de cet obstacle, et je dirai d'abord qu'il s'y ajoutait une difficulté spéciale du côté des Juifs. En effet, avec les païens ils renversaient tout, et les dieux et les croyances; avec les Juifs il n'en était pas de même : ils se contentaient d'abroger plusieurs de leurs dogmes, mais ils voulaient que l'on adorât le Dieu qui leur avait donné des lois; et tout en ordonnant qu'on adorât le Législateur, ils ajoutaient : N'obéissez point en tout à la loi qu'il vous a imposée, par exemple, pour l'observation. du sabbat, pour la circoncision, les sacrifices et autres prescriptions de ce genre. Ainsi, non-seulement le sacrifice devenait un obstacle, mais il y avait encore aine autre difficulté dans l'abrogation de beaucoup de lois de ce même Dieu qu'on ordonnait d'adorer. D'autre part, chez les gentils, la tyrannie de l'habitude était grande.
