2.
Mais, dira-t-on, ce sont les hommes qui se conduisent ainsi, et Dieu est bon. D'abord ce n'est point par cruauté, mais par charité, que les hommes agissent ainsi; et Dieu se venge aussi, précisément parce qu’il est bon; sa vengeance même est la preuve de sa miséricorde. Quand donc vous dites que Dieu est bon, vous. me fournissez un argument plus puissant en faveur de la punition, puisque nous offensons un être si parfait. Aussi Paul nous dit-il : « Il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant ». (Héb. X, 31.) Supportez, je vous en prie, us paroles brûlantes; peut-être, oui peut-être, y trouverez-vous quelque consolation. Quel mortel peut punir comme Dieu qui a perdu par un déluge toute la race humaine déjà si nombreuse, et qui; peu après, a fait descendre une pluie de. feu et opéré une destruction complète ? Quelle punition humaine égalera jamais celles-là? Ne voyez-vous. pas que c'est- là, en un sens, un supplice immortel? Quatre mille ans se sont écoulés, et la punition des habitants de Sodome subsiste encore dans son intégrité. Ainsi le suppliée se (352) trouve proportionné à la bonté de Dieu. S'il eût commandé des choses difficiles, impossibles, peut-être pourrait-on objecter la difficulté de ces lois ; mais quand il ne commande que des chose très-faciles, que pouvons-nous dire, nous qui n'en tenons pas même compte?
Vous ne pouvez pas jeûner, ni garder la virginité ? Vous le pourriez si vous le vouliez, et ceux qui le peuvent sont une accusation contre nous, Mais Dieu n'a point usé envers nous d'une si grande sévérité, il n'a pas exigé ces choses, il n'en a point fait une loi ; il les a laissées au libre arbitré, à la bonne volonté de chacun; mais tout au moins vous pouvez être chaste dans le mariage, vous pouvez ne pas vous livrer à l'ivrognerie. Vous ne pouvez pas vous dépouiller de toutes vos richesses ? Vous le pourriez certainement, comme le prouvent ceux qui le font; mais Dieu ne vous en a point fait un commandement : il vous a seulement ordonné de vous abstenir du vol et de soulager les pauvres. Que si quelqu'un dit qu'il ne peut se contenter de sa femme, il se trompe lui-même et se fait illusion, comme le prouvent ceux qui pratiquent, la continence en dehors du mariage. Quoi donc ! je vous prie, vous ne pouvez vous dispenser d'injurier et, de maudire ? Mais le pénible, c'est de faire ces choses, ce n'est pas de s'en abstenir. Quelle sera notre excuse, à nous qui n'observons pas des commandements si faciles et si légers? Nous n'en aurons aucune. De tout cela il résulte évidemment que le châtiment n'aura pas de fin. Et comme quelques-uns pensent que le texte de l'apôtre dit le contraire, reproduisons-le et étudions-le. Après avoir dit : « Si l'ouvrage de celui qui a bâti sur le fondement, demeure, celui-ci recevra sa récompense; si l'oeuvre de quelqu'un brûle, il en souffrira la perte » il ajoute : « Cependant il sera sauvé, mais comme par le feu ». Que répondre à cela?
Examinons d'abord ce que c'est que le fondement, puis ce que c'est que l'or, les pierres précieuses, le foin et la paille. — Par le fondement il entend évidemment le Christ, puisqu'il dit : « Car personne ne peut poser d'autre fondement que celui qui a été posé, lequel est le Christ Jésus ». L'édifice, ce sont, d'a 'près moi, nos actions. Quelques-uns pensent que cela se rapporte aux maîtres, aux disciples et aux perverses hérésies ; mais le sujet ne s'accommode pas de cette interprétation. Dans ce cas, en effet, comment l'oeuvre serait-elle détruite, et l'ouvrier sauvé, même parle feu? Car c'est surtout l'auteur qui devrait périr, et ici ce serait celui qui aurait été construit qui subirait le principal châtiment. En effet, si le maître est l'auteur du mal, il doit être le plus puni ; comment donc serait-il sauvé? D'autre part, s'il. n'est pas coupable, et que ses disciples se soient pervertis par leur propre malice, il n'est pas juste que celui qui a construit selon les règles, soit puni et subisse un dommage. Comment donc Paul dit-il : « Il en souffrira la perte? » Evidemment cela s'applique aux actions: Comme l'apôtre doit bientôt s'attaquer au fornicateur, il pose ici longtemps d'avance la base de son argumentation. Car son usage est, quand il se dispose à traiter une question, d'en donner les prémisses et les preuves dans un autre sujet, avant d'arriver à son but. En effet, quand il voulait les blâmer de ce qu'ils ne s'attendaient pas les unis les autres dans les festins, il leur a d'abord parlé des mystères: Pressé donc d'en venir au fornicateur, il parle d'abord du fondement de l'édifice, et ajoute : «. Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Si donc quelqu’un profane le temple de Dieu, Dieu le perdra ». Déjà, en disant cela, il ébranle par la crainte l'esprit du fornicateur. « Que si on élève sur ce fondement un édifice d’or, d'argent, de pierres précieuses , de bois, de foin, de paille ». Après avoir reçu la foi, il faut bâtir; c'est pourquoi il dit ailleurs : « Edifiez-vous les uns les autres par ces paroles ». (I Thess, V, 11.) En effet, le maître et le disciple concourent à la formation de l'édifice; ce qui fait dire à Paul : « Que chacun donc regarde comment il bâtira dessus ».
