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Œuvres Jean Chrysostome (344-407) In epistulam ad Philippenses Commentaire sur l'épître aux Philippiens
HOMÉLIE XV.

5.

La tristesse et les tribulations forment, en effet, entre ceux qui souffrent, un indestructible lien, augmentent la charité, redoublent la piété et la componction. Ecoutez David : « Il m'a été bon que vous m'ayez humilié, Seigneur; j'ai appris ainsi votre justice et vos lois ». (Ps. CXVIII, 71.) Entendez un autre prophète : « Il est bon à l'homme de porter le joug du Seigneur dès son adolescence ». (Jérémie, III, 27.) Et ailleurs : « Bienheureux l'homme que vous instruirez par l'épreuve, Seigneur ». (Ps. XCIII, 12.) Un autre nous a dit : « Ne méprisez pas les rudes leçons du Seigneur » (Prov. III,11); et encore: « Si vous voulez arriver à la hauteur du service de Dieu, préparez votre âme à la tentation». (Ecclés. II, 1.) Jésus-Christ à son tour avertissait ses disciples : « Vous trouverez l'oppression et la peine en ce monde, mais ayez confiance. Vous pleurerez », ajoute-t-il, « vous gémirez vous autres, et le monde sera dans la joie » (Jean, XVI, 20, 33) ; car il nous en prévient aussi : « La voie est étroite et rude ». (Matth. VII, 14.) Voyez-vous comment partout la tribulation nous est proposée avec éloges, avec instances, comme une nécessité de premier ordre? En effet, si dans les luttes du cirque et de l'arène, personne ne peut sans peine emporter la couronne; s'il faut la mériter en se formant par les travaux, par les abstinences, par un sévère régime de vie, par les veilles, par mille exercices gênants, combien plus le faut-il pour le ciel ! Eh ! quel homme au monde est exempt de peines? M'opposerez-vous l'empereur? Ah! pas plus que personne il ne mène une vie affranchie de soucis, mais au contraire sa carrière est remplie d'ennuis et d'angoisses. Regardez, non pas le diadème, mais ce déluge d'inquiétudes, qui fait constamment autour de lui gronder la tempête; voyez, non la pourpre de son manteau, mais son âme, son âme plus assombrie que cette pourpre sombre: la couronne lui ceint le front beaucoup moins que l'inquiétude ne lui serre le coeur. Contemplez, non pas le nombre de ses gardes, mais la multitude de ses chagrins; aucune maison de simples sujets n'abrite, autant que le palais des rois, une multitude de tristes soucis. La mort les menace sans cesse, ils redoutent même leurs proches; il semble que toutes les tables soient couvertes de sang. On croit en voir lorsqu'on entre à table et lorsqu'on en sort. Que de nuits pleines d'horreur où les visions et les rêves arrachent de leur couche les princes tremblants ! Voilà les soucis en pleine paix; mais que la guerre s'allume, leurs inquiétudes vont redoubler. Se peut-il imaginer une vie plus misérable?

Et que ne leur font pas endurer ceux-mêmes qui les touchent de plus près, ceux sur qui pèse plus immédiatement leur empire? Hélas ! le pavé de leur palais est souvent inondé d'un sang qui leur est cher. Faut-il vous raconter quelques traits de ce genre? Peut-être suffiront-ils pour vous faire comprendre que telle est bien la triste vérité. Plus volontiers je vous rappellerai des faits anciens, bien qu'ils soient assez contemporains, toutefois, pour n'être pas effacés de la mémoire publique.

Ainsi l'on raconte qu'un souverain, soupçonnant la vertu de son épouse, la fit enchaîner dans les montagnes, et livrer toute nue aux lions dévorants, bien que déjà elle lui eût donné de son sein plusieurs princes et rois 1. Imaginez dès lors une vie plus triste que la sienne ! Quel dut être le bouleversement de ce noble coeur, pour arriver à commander une si terrible expiation! Ce souverain fit aussi mourir son propre fils; et le frère de celui-ci se donna la mort ainsi qu'à tous ses enfants. On raconte encore que ce même empereur, déjà malheureux par sa femme et par son fils, frappa aussi de mort son propre frère. On vit tel prince se tuer, pour échapper aux mains d'un tyran; tel autre tuer son propre cousin-germain, après l'avoir volontairement associé à sa couronne. Un troisième vit mourir sa femme empoisonnée par des médicaments, qu'elle avait pris pour conjurer sa stérilité; une créature misérable et coupable (car il faut être l'un et l'autre pour vouloir procurer, par des moyens humains, une fécondité que Dieu seul peut donner), osa fournir à l'impératrice ses drogues dangereuses ; elle en fit sa victime et périt avec elle. Un quatrième prince bientôt fut empoisonné aussi, et, croyant prendre un breuvage, but la mort à pleine coupe. Le fils de ce malheureux, dont la santé était une menace pour l'avenir, se vit arracher les yeux, sans avoir mérité ce supplice. Un cinquième a péri plus affreusement encore, et la décence ne permet de dire ni pour quelle raison, ni de quelle façon lamentable il dut perdre la vie. Deux princes lui succédèrent. Or, l'un subit un supplice réservé aux derniers, aux plus misérables des hommes, puisqu'il fut brûlé vif dans un affreux pêle-mêle de chevaux, de poutres, de débris de tout genre, laissant son épouse dans un triste veuvage, et terminant une triste vie dont on ne saurait peindre les tribulations surtout depuis l'époque ou il avait pris les armes. Et l'autre prince, qui maintenant règne encore, n'a-t-il pas eu à subir, depuis qu'il porte le diadème, un perpétuel enchaînement de peines, de dangers, d'ennuis, de chagrins, de malheurs, de complots ?

Le royaume des cieux n'a rien de semblable : dès qu'on y parvient, on acquiert la paix, la vie, la joie, l'allégresse. Au reste, je l'ai dit, aucune existence sur la terre n'est à l'abri des souffrances. Car si dans le gouvernement des Etats la condition des souverains, de toutes la plus heureuse en apparence, est inondée d'un déluge de malheurs, que ne doivent pas souffrir les particuliers, les familles? Au reste, la multitude des peines de tout genre qu'on rencontre sous la pourpre surpasse toute description. C'est sur ce thème qu'ont été inventées tant de fables lugubres; puisque toués les tragédies et les drames qui se jouent sur nos théâtres sont tissus de royales infortunes; la plupart des faits qu'on représente sur la scène sont empruntés à l'histoire et ont un fond de vérité. Ainsi on nous amuse par les affreux banquets de Thyeste et par les péripéties douloureuses des malheurs qui ont anéanti cette illustre maison.


  1. Les faits auxquels le saint orateur fait allusion ne sont pu tous égaiement certaine; il en raconte plus d'un d'après la rumeur publique, et d'ailleurs le texte de ce discours est altéré en plusieurs endroits. Disons cependant: 1° L'impératrice exposée aux lions est probablement une fable ; 2° Le fils condamné à mourir, par son père, est Crispus, l'aîné du grand Constantin, et le fait n'est que trop vrai ; 3° Le frère de Crispus et son histoire sont controuvés, on plutôt le tarte est altéré ; 4° Les princes qui meurent par suicide, l'impératrice empoisonnée par imprudence, l'héritier du trône auquel on arracha les yeux, sont autant de problèmes historiques; 5° Mais l'histoire nous montre Valens dans l'empereur brûlé vif après une bataille, et Arcadius dans le souverain si malheureux qui régnait à l'époque où parlait saint Jean Chrysostome. ↩

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