4.
Dites-moi, lorsque vous êtes blessé et que vous allez trouver 1e médecin, est-ce que vous négligez d'appliquer le remède et de panser votre blessure, pour vous occuper de savoir si le médecin a lui-même ou s'il n'a pas de blessure? Et s'il se trouve qu'il en ait une, vous en inquiétez-vous? Est-ce que vous négligez .pour cela votre propre blessure ? Est-ce que vous dites: Il devrait n'être pas malade, étant médecin? Puisqu'il se porte mal, tout médecin qu'il est, je laisse, moi aussi, ma blessure sans la soigner. La malice du prêtre sera-t-elle une excuse pour le fidèle? Nullement. Le mauvais prêtre subira une peine proportionnée à sa malice, sans doute, mais vous aussi vous aurez le châtiment qui vous est dû et qui vous me vient; d'ailleurs le maître n'a que le rang du fidèle. «Ils seront tous enseignés par Dieu; et on ne dira plus : Connaissez le Seigneur; car tout le monde me connaîtra, depuis le plus petit jusqu'au plus grand ». (Jean, VI, 45; Isaïe, LIV, 13 ; Jérém. XXXI, 34.) — Pourquoi donc direz-vous : Préside-t-il ? Pourquoi occupe-t-il la place qu'il occupe? — Cessons, je vous en conjure, de médire de nos pasteurs; n'examinons pas maintenant ce qu'ils font, si nous ne voulons pas nous nuire à nous-mêmes. Examinons-nous nous-mêmes, et nous ne dirons du mal de personne. Souvenons-nous avec respect de ce jour où il nous donna le baptême. Quels que soient les vices d'un père, son fils les cache avec soin. « Ne vous glorifiez point», dit le Sage, « de ce qui déshonore votre père; car ce n'est pas votre gloire, mais plutôt votre honte ». (Eccl. III, 12.) Quand même il manquerait de prudence, ayez de l'indulgence. Si cette parole a été dite des (361) pères selon la nature, elle peut l'être, à plus forte raison, des pères selon la grâce. Respectez celui qui, tous les jours, travaille à vous servir. C'est pour vous qu'il lit les Ecritures, pour vous qu'il orne la maison de Dieu, pour vous qu'il veille, pour vous qu'il prie, pour vous qu'il se tient devant Dieu en l'invoquant, pour vous qu'il administre les choses saintes. Respectez-le en songeant à ces bienfaits, ne l'approchez qu'avec vénération.
Est-il mauvais? dites-moi. Qu'est-ce que cela? Est-ce qu'il faut qu'il ne sort pas mauvais pour vous distribuer les plus grandes grâces? Nullement. Tout s'opère selon votre foi. Un homme juste ne vous servira de rien si vous n'êtes pas fidèle; un méchant ne vous nuira en rien si Vous êtes fidèle. Dieu s'est servi de boeufs pour reconduire l'arche, quand il voulut sauver son peuple. Est-ce la vie du piètre, est-ce sa vertu, qui opère nôtre salut? Les dons que Dieu nous accorde ne sont pas de nature à pouvoir être produits par la vertu de ses prêtres. Tout vient de la grâce. Le prêtre ne fait qu'ouvrir la bouche et prêter son organe à Dieu qui opère; le prêtre accomplit seulement le symbole. Songez quelle différence Il y a entre Jean-Baptiste et Jésus-Christ : Jean dit : « J'ai besoin d'être baptisé par vous », et : «Je ne suis pas digne de délier le cordon de ses souliers » . (Matth. III, 14 ; et Jean, I, 26.) Et cependant, malgré cette différence, lorsque Jean baptisa Jésus, le Saint-Esprit descendit, quoique Jean ne disposât point du Saint-Esprit. « Nous recevons tous de sa plénitude », est-il dit. (Jean, I, 16.) Cependant le Saint-Esprit ne descendit pas avant le baptême, et ce n'est pas Jean qui te fit descendre. Pourquoi les choses se passent-elles ainsi? Afin que Tous sachiez que le prêtre accomplit un symbole et rien vie plus. Jamais il n'y eut autant de distance entre un homme et un autre homme qu'entre Jean et Jésus; néanmoins, Jean baptise Jésus, et le Saint-Esprit descend, afin que vous appreniez que c'est Dieu qui fait et opère tout.
Je vais dire quelque chose qui paraîtra peut-être incroyable, mais ne vous en étonnez point, ne vous troublez pas. L'oblation est la même, qu'elle soit faite par le premier venu, ou par saint Paul, ou saint Pierre. Celle que le Christ donna autrefois à ses disciples était la même que celle que célèbrent aujourd'hui les prêtres. Celle-ci n'est en rien inférieure à celle-là; parce que ce ne sont pas les hommes qui la sanctifient, mais celui-là même qui sanctifia la première. Les paroles que Dieu prononça alors sont les mêmes que celles que le prêtre prononce encore maintenant; l'oblation est donc aussi la même. On en peut dire autant du baptême. Ainsi tout dépend de la foi. Le Saint-Esprit descendit aussitôt sur le centurion Corneille, parce qu'il avait fait ce qui dépendait de lui et témoigné sa foi. Donc le corps de Jésus-Christ est ici comme il était là. Celui qui s'imagine qu'il y a ici quelque chose de moins qu'il n'y avait là, ne sait pas que le Christ est encore présent et que c'est toujours lui qui opère.
Puisque vous savez ces choses, comme je ne vous les dis pas sans motif, mais pour vous corriger de vos défauts, et pour vous rendre plus prudents à l'avenir, conservez soigneusement rues paroles. Si nous nous contentons d'entendre, sans jamais pratiquer , nous ne retirerons aucun profit des prédications. Donnons une entière attention , une attention très-diligente à la parole de Dieu; gravons-la dans notre coeur; ayons-la toujours imprimée dans notre conscience, et ne cessons jamais de renvoyer la gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Ainsi soit-il.