XIV - PAESIUS ET ISAIE
[1] Paësius, un autre, et Isaïe — on les appelait ainsi, — frères, avaient pour père un marchand espagnol. Le père étant mort, ils se partagèrent ce qui existait dans des immeubles qu'ils eurent, ce qui fut trouvé, d'une part, en cinq mille pièces de petite monnaie, d'autre part, en vêtements et en domestiques. Ils en firent la revue l'un avec l'autre et ils se consultent entre eux. en disant : « Vers quelle règle de vie nous faut-il aller, frère? Si nous allons au commerce que notre père a suivi, nous aussi nous avons à laisser nos labeurs à d'autres. [2] Et peut-être même succomberons-nous aux risques des voleurs ou de la mer. Eh bien, voici, allons à la vie monastique, afin que nous mettions à profit les biens de notre père et que nous ne perdions pas nos âmes. » Le but de la vie monastique leur plut donc. Mais ils se trouvèrent en divergence l'un par rapport à une chose, l'autre par rapport à une autre. C'est que s'étant partagé les biens, ils s'appliquaient chacun au dessein de plaire à Dieu, mais par une tactique opposée. [3] L’un, ayant tout éparpillé sur des centres d'ascétisme, des églises et des prisons, ayant appris un métier d'où il se procurerait le pain, s'appliqua à lasers et à la prière. Quant à l'autre, n'ayant rien dissipé, mais s'étant fait un monastère et adjoint quelques frères, il recueillait tout étranger, tout infirme, tout vieillard, tout pauvre, dressant trois ou quatre tables le dimanche et le samedi : c'est ainsi qu'il dépensa ses richesses.
[4] Or tous deux étant morts, différents éloges funèbres se faisaient d'eux, comme de deux personnages accomplis ; et aux uns plaisait celui-ci, aux autres celui-là. Une discussion étant donc tombée dans la communauté des frères sur ces éloges, ils partent vers le bienheureux Pambon et ils lui soumettent le différend, en demandant à apprendre le genre de vie qui était supérieur. Et il leur dit : « Tous deux sont parfaits ; car l'un a donné en spectacle une œuvre d'Abraham, l'autre. d'Elie. » [5] Alors ils lui disent : « A tes pieds, comment est-il possible qu'ils soient égaux? Il en est qui préfèrent l'ascète et disent ceci : Il a fait une action évangélique ayant vendu et donné tout aux pauvres, portant la croix heure, jour et nuit, et se mettant à la suite du Sauveur et des prières. Mais ceux qui sont de l'autre parti disent ceci : Celui-ci en a montré tout autant à ceux qui sont dans le besoin, au point qu'il s'est arrêté sur les grands chemins pour rassembler les affligés; et non seulement il a réconforté sa propre âme, mais celles de beaucoup d'autres, en traitant les malades et en donnant des secours. » [6] Le bienheureux Pambon leur dit : « Encore une fois je vous dirai : tous deux sont égaux: et je certifie à chacun de vous que celui-ci. s'il n'avait pas fait tant d'ascétisme, ne serait pas devenu digne d'être comparé pour la bonté à celui-là. D'un autre côté celui-là, en réconfortant les étrangers, y trouvait aussi du réconfort, et quand même il paraissait porter la charge provenant d'une fatigue, du moins il avait encore le réconfort qui s'y rattache. Mais attendez, afin que j'en reçoive de Dieu la révélation et après cela vous viendrez l'apprendre. » Quand donc ils vinrent des jours après, ils lui firent de nouveau leur demande et il leur dit en quelque sorte devant Dieu : « Je les ai vus tous deux à la fois établis dans le paradis. »