XV - MACAIRE LE JEUNE
[1] Un nommé Macaire le Jeune, à dix-huit ans environ, en jouant avec ses compagnons d'âge le long du lac appelé Marie, en faisant paître des quadrupèdes, commit un meurtre involontaire. Et sans rien dire à personne, il gagne le désert, et il se plongea dans une telle crainte de Dieu et des hommes qu'il l'ut insensible et pendant trois ans demeura sans toit dans le désert. Or la terre y est sans pluie, et tous le savent, qui d'après des récits, qui par expérience. [2] Plus tard, il se bâtit une cella, et ayant vécu dans cette cellule vingt-cinq autres années, il fut jugé digne du don de conspuer les démons, tout en faisant ses délices de la solitude. Ayant beaucoup séjourné avec lui. je lui demandais comment était son sentiment au sujet de son péché du meurtre, cl il disait qu'il était loin du chagrin, au point même de rendre grâce pour le meurtre; car le meurtre involontaire est devenu pour lui un principe de salut. [3] Et il disait, en en rapportant d'après les Écritures le témoignage, que Moïse n'aurait pas été jugé digne de la vision de Dieu et de ce don si grand et de la rédaction des saintes paroles, si par crainte du Pharaon, à cause de son meurtre qu'il avait commis en Egypte, il n'avait pas gagné la montagne du Sina. Cependant je ne dis pas cela pour frayer la route au meurtre, mais pour montrer qu'il y a aussi des vertus dues aux circonstances, dans les cas où l'on ne se porte pas volontairement au bien. En effet, parmi les vertus, les unes sont volontaires, les autres sont dues aux circonstances.