XXV - VALENS
[1] Il y eut un certain Valons. Palestinien de Dation et Corinthien d'esprit. En effet saint Paul a attribué aux Corinthiens le vice de la présomption. Ayant pris le désert, il habita avec nous pendant plusieurs années, et il en arriva à un tel degré d'orgueil qu'il fut trompé par des démons; car à force de le tromper petit à petit, ils le préparèrent à avoir des sentiments de superbe, comme si des anges conversaient avec lui. [2] Tout au moins un jour, à ce qu'on racontait, c'est que travaillant dans l'obscurité, il lâcha l'aiguille avec laquelle il cousait sa corbeille, et, comme il ne l'avait pas trouvée, le démon fit un flambeau et il trouva l'aiguille. Enflé encore de cela, il s'enorgueillissait et il devint présomptueux au point même de mépriser la communion aux mystères. Puis il arriva que des étrangers, étant venus, apportèrent des friandises dans l'assemblée pour la communauté des frères. [3] Or le saint Macaire, notre prêtre, les ayant reçues, nous en envoya à chacun dans sa cella environ une poignée, et entre autres aussi à Valons. Alors Valons ayant pris celui qui les apportait l'outragea, le frappa, et il lui dit : « Va-t'en et dis à Macaire : Je ne te suis pas inférieur pour que tu m'envoies une eulogie. » Macaire, ayant donc connu qu'il avait été illusionné, partit l'exhorter après un jour, et il lui dit : « Valens, tu as été illusionné. Cesse. » Et comme il n'écouta pas ses exhortations, il se retira, [4] Cela étant, le démon, convaincu qu'il a été persuadé au dernier degré par ses tromperies, son va, se déguise dans le Sauveur, et il se présente de nuit, dans une vision d'un millier d'anges tenant des flambeaux et un cercle de feu où il parai figurer le Sauveur, et l'un prenait les devants et disait : « Le Christ s'est complu dans ta conduite et dans la franchise de la vie, et il est venu te voir. Sors donc de ta cella et ne fais pas autre chose, si ce n'est que l'ayant aperçu de loin et tétant prosterné, adore-le et rentre dans ta cella. » [5] Étant alors sorti et ayant contemplé la rangée porteuse de flambeaux et, environ à un stade, l'antichrist, prosterné il l'adora. En conséquence, le lendemain, il délira de nouveau à un tel point qu'il entra dans l'église et, la communauté des frères ayant été rassemblée, il dit : « Moi, je n'ai pas besoin de communion, car j'ai vu le Christ aujourd'hui. » Alors les pères l'ayant attaché et lui ayant mis les fers le soignèrent pendant un an, ayant détruit l'estime qu'il avait de lui par leurs prières, leur indifférence et une vie plus calme, et selon ce qu'on dit : aux contraires, les remèdes contraires.
[6] Il est pourtant nécessaire d'insérer aussi les vies de pareils hommes dans ce petit livre, pour la sécurité de ceux qui liront, de même qu'il y avait aussi dans les saintes plantes du paradis le bois qui renfermait la connaissance du bien et du mal. C'est afin que, si parfois il leur arrive quelque bonne action, ils ne s'enorgueillissent pas de leur vertu. Car souvent même une vertu devient un sujet de chute, lorsqu'elle n'a pas été pratiquée avec une intention droite. Il est écrit en effet : « J'ai vu le juste périr au milieu de sa justice, et voilà certes une vanité » (Eccl., 7, 16, 17.)