Edition
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Ad uxorem
VI
[1] Quodsi hi qui habent obliterare debent quod habent, quanto magis non habentes prohibentur repetere quod non habent. Vt cuius maritus de rebus abiit, exinde requiem sexui suo nubendi abstinentia iniungat, quam pleraeque gentilium feminarum memoriae carissimorum maritorum parentant.
Cum quid difficile uidetur, difficiliora alios obeuntes recenseamus. [2] Quot enim sunt, qui statim a lauacro carnem suam obsignant? Quot item, qui consensu pari inter se matrimonii debitum tollunt, uoluntarii spadones pro cupiditate regni caelestis? Quodsi saluo matrimonio abstinentia toleratur, quanto magis adempto? Credo enim difficilius saluum derelinqui, quam amissum non desiderari.
[3] Durum plane et arduum satis continentia sanctae feminae post uiri excessum Dei causa, cum gentiles satanae suo et uirginitatis et uiduitatis sacerdotia perferant. Romae quidem quae ignis illius inextinguibilis imaginem tractant, auspicia poenae suae cum ipso dracone curantes, de uirginitate censentur.
[4] Achaicae Iunoni apud Aegium oppidum uirgo sortitur, et quae Delphis insaniunt nubere nesciunt. Ceterum uiduas Africanae Cereri adsistere scimus, durissima quidem obliuione a matrimonio allectas. Nam manentibus in uita uiris non modo toro decedunt, sed et alias eis, utique ridentibus, loco suo insinuant; adempto omni contactu, usque ad osculum filiorum et tamen, durante usu, perseuerant in tali uiduitatis disciplina, quae pietatis etiam sancta solatia excludit.
[5] Haec diabolus suis praecipit, et auditur. Prouocat nimirum Dei seruos continentia suorum quasi ex aequo: continent etiam gehennae sacerdotes. Nam inuenit, quomodo homines etiam in boni sectationibus perderet, et nihil apud eum refert, alios luxuria alios continentia occidere.
Traduction
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À sa femme
VI.
Si ceux qui sont mariés doivent s'abstenir comme s'ils ne l'étaient pas, à plus forte raison est-il défendu à ceux qui sont libres de reprendre des liens qu'ils n'ont plus; de sorte que la femme dont le mari a quitté ce monde doit abriter dans la continence la fragilité de son sexe. Au reste, ainsi le pratiquent la plupart des femmes infidèles pour honorer la mémoire d'un époux qui leur a été cher. Quand une difficulté nous arrête, jetons les yeux sur ceux qui parcourent à côté de nous une carrière plus laborieuse encore. Combien qui, en sortant du bain régénérateur, se consacrent à la chasteté! Combien qui, d'un consentement mutuel, suppriment les devoirs du mariage, eunuques volontaires, pour mieux conquérir le ciel! Si l'on embrasse la continence dans le mariage, à combien plus forte raison faudra-t-il se l'imposer quand la mort l'a rompu? Il est plus difficile, si je ne me trompe, d'abandonner les droits d'un mariage qui subsiste, que de renoncer pour toujours à celui qui ne subsiste plus. Quoi donc! la continence embrassée pour Dieu paraît ra-t-elle chose si dure el si difficile à une veuve chrétienne, quand les Gentils eux-mêmes immolent à leur Satan le veuvage et la virginité de leurs sacerdoces? À Rome, ces gardiennes du feu éternel qui préludent à leur châtiment par les flammes qu'elles entretiennent avec l'antique dragon lui-même, sont choisies parmi les vierges. Dans la ville d'Egée, c'est une vierge que le sort désigne pour être la prêtresse de Junon Achéenne. La pythonisse qui exhale ses fureurs à Delphes ne connaît pas le mariage. Ici même, nous voyons des veuves d'un genre nouveau s'arracher au lien qui les unit, pour se consacrer à Cérès Africaine. Oubli le plus cruel des oublis! Peu satisfaites de mourir à des époux qui vivent, elles glissent de leurs propres mains dans la couche conjugale celles qui doivent les remplacer, au grand plaisir de leurs époux, s'interdisent tout commerce avec eux, et répudient jusqu'aux caresses de leurs enfants. Tant que dure ce sacerdoce, elles observent cette sévère discipline de la viduité, qui n'a pour elles aucune des consolations de la piété. Voilà les sacrifices que le démon impose aux siens, et il est obéi! La continence de ses serviteurs le dispute à celle des serviteurs de Dieu. Les enfers contiennent aussi des prêtres. Satan a trouvé le secret de perdre les hommes, même par la pratique des vertus: peu lui importe de tuer les ames, celles-ci par la luxure, celles-là par la continence.