Edition
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Adversus Hermogenem
XVIII.
[1] Si necessaria est deo materia ad opera mundi, ut Hermogenes existimauit, habuit deus materiam longe digniorem et idoniorem, non apud philosophos aestimandam sed apud prophetas intellegendam, sophiam suam scilicet. Haec denique sola cognouit sensum domini. Quis enim scit quae sunt dei et quae in ipso nisi spiritus qui in ipso? Sophia autem spiritus: haec illi consiliarius fuit, uia intellegentiae et scientiae ipsa est; ex hac fecit faciendo per illam et faciendo cum illa. Cum pararet caelum, inquit, aderam illi, et cum fortia faciebat super uentos quae sursum nubila, et quomodo firmos ponebat fontes eius quae sub caelo est, ego eram compingens cum ipso. Ego eram, ad quem gaudebat; cotidie autem oblectabar in persona eius, quando oblectabatur, cum perfecisset orbem, et inoblectabatur in filiis hominum. Quis non hanc potius omnium fontem et originem commendet, materiam uere materiarum, non fini subditam, non statu diuersam, non motu inquietam, non habitu informem, sed insitam et propriam et compositam et decoram, quali deus potuit eguisse sui magis quam alieni
Traduction
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Contre Hermogène
XVIII.
Si la Matière est nécessaire à Dieu pour créer notre monde, ainsi que l'a pensé Hermogène, Dieu avait une Matière mille fois plus digne et plus appropriée, une Matière sur laquelle il ne faut point interroger les philosophes, mais les prophètes, je veux parler de sa Sagesse. Elle seule a lu dans les desseins du Seigneur. « Qui connaît ce qui est à Dieu et en Dieu, sinon l'Esprit qui réside en lui? » Son Esprit, sa sagesse, voilà quel fut son conseiller, « la voie de la Sagesse et de l'intelligence elle-même. » C'est d'elle qu'il créa toutes choses, en créant par elle et avec elle. « Lorsqu'il étendait les cieux, dit-elle, j'étais là; lorsqu'il entourait l'abîme d'une digue; lorsqu'il suspendait les nuées et qu'il fermait les sources de l'abîme qui est sous le ciel, alors j'étais auprès de lui. C'était moi qui faisais ses délices, me jouant sans cesse devant lui, quand il se réjouissait d'avoir créé l'univers, et qu'il se plaisait à habiter avec les fils des hommes. » Qui n'admettrait plus volontiers celte Sagesse comme le principe et la source de toutes choses, Matière des Matières, qui n'était pas inférieure à elle-même, qui ne différait pas d'essence, que n'agitait pas un mouvement continuel, que ne déshonorait pas une forme grossière, mais innée, s'appartenant en propre, intelligente et d'une beauté merveilleuse, telle enfin que peut en avoir besoin un Dieu qui a plus besoin de ce qui est à lui que de ce qui est à autrui? En un mot, aussitôt qu'il eut reconnu qu'elle lui était nécessaire pour créer l'universalité des êtres, voilà qu'il procède à leur formation, et engendre dans lui-même. «Le Seigneur, est-il dit, m'a possédée au commencement de ses voies; avant les siècles, j'étais; avant de produire la terre, avant d'affermir les fondements des montagnes, avant de poser le sommet des collines, il m'avait engendrée. Les abîmes n'étaient pas, que j'étais déjà née. » Qu'Hermogène reconnaisse donc pourquoi il est dit de la Sagesse de Dieu qu'elle est née et qu'elle a été créée. C'est afin que les hommes fussent bien convaincus qu'il n'y a rien qui n'ait pris naissance et n'ait eu un commencement, excepté Dieu lui seul. Si, en effet, ce qui naît dans le Seigneur lui-même, de lui et en lui, a eu un commencement, c'est-à-dire si sa Sagesse elle-même naquit et fut créée au moment où elle commença de se mouvoir dans la pensée de Dieu, pour ordonner toutes les œuvres de notre monde, à plus forte raison est-il impossible d'admettre que rien de ce qui existe en dehors du Seigneur n'a eu de commencement. Mais si cette même Sagesse est le Verbe de Dieu, Verbe, c'est-à-dire Sagesse, « sans lequel rien n'a été fait, » de même que rien n'a été disposé sans la Sagesse, comment supposer qu'il y a quelque chose, excepté le Père, qui soit plus ancien que le Fils de Dieu, son Verbe unique et premier-né, et par la même qu'il y a quelque chose de plus noble que lui, bien loin de penser que la Matière incréée soit plus puissante que ce qui a été créé, ce qui n'a pas été fait que ce qui a été fait? Car la chose qui, pour être, n'a eu besoin d'aucun créateur, sera beaucoup plus élevée en rang que celle qui, pour être, a eu besoin d'un Créateur. Conséquemment, si le mal est incréé, tandis que le Verbe de Dieu est né, « Mon cœur, est-il dit, ne contient plus la parole heureuse, » je ne comprends pas comment le mal peut être produit par le bien, le plus fort par le plus faible, puisque ce qui est incréé émane de ce qui est créé. Hermogène conséquemment met la Matière au-dessus de Dieu, en la mettant au-dessus du Fils. « Car le Fils est le Verbe, et, ce Verbe est Dieu. ----Mon Père et moi, nous ne sommes qu'un, » dit-il, à moins que le Fils ne voie avec un œil d'indifférence qu'on lui préfère celle dont l'hérétique fait l'égale du Père.