XII.
Eh bien! d'accord: la Matière est mauvaise, et très-mauvaise par nature conséquemment, de même que Dieu est bon et très-bon, aussi en vertu de sa nature. Il faut nécessairement que la nature demeure fixe et déterminée, aussi constamment attachée au mal dans la Matière, qu'inébranlable et immuable dans le bien, chez Dieu. En effet, si la nature pouvait dans la Matière passer du mal au bien, il s'ensuivrait que dans Dieu elle peut passer du bien au mal.
---- Mais si la nature n'admet pas de changement, me dira-t-on, « les pierres ne pourront donc susciter des enfants à Abraham; les races de vipères produire des fruits de pénitence, ni les enfants de la colère devenir les enfants de la paix? »
---- C'est sans fondement que tu allègues ces exemples, ô homme! car des choses qui ont eu un commencement, telles que des pierres, des vipères et des hommes, n'ont rien de commun avec la question de la Matière qui est incréée. Par là même que leur nature a eu un commencement, elle peut avoir une fin. Mais n'oublie pas que la Matière a été une fois pour toutes reconnue éternelle, puisqu'elle n'a ni auteur ni commencement, et que, par conséquent, il faut regarder sa nature comme immuable et incorruptible, d'après le principe que nous oppose Hermogène lui-même, lorsqu'il nie que Dieu ait rien pu produire de lui-même, parce que l'Etre éternel ne change pas, tandis qu'il perdrait ce qu'il est en devenant par le changement ce qu'il n'était pas, s'il n'était pas éternel. Quant au Seigneur éternel, il ne peut être autre chose que ce qu'il est toujours. Eh bien! je le réfuterai par sa propre déclaration. Je puis attaquer la Matière au même titre, puisque voilà que Dieu tire des choses bonnes et très-bonnes d'une Matière mauvaise et même très-mauvaise: « Et Dieu vit qu'elles étaient bonnes, et Dieu les bénit, » parce qu'elles étaient très-bonnes, apparemment, et non parce qu'elles étaient mauvaises et. très-mauvaises. La Matière a donc subi une transformation, et s'il en est ainsi, elle a perdu l'essence fondamentale de l'éternité; en un mot, sans sa forme, elle est anéantie. Mais l'éternité ne peut se perdre, parce que, si elle n'est pas inamissible, l'éternité n'est pas. Elle n'a donc pu subir aucune transformation, parce que si l'éternité existe, l'éternité ne peut changer.