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Le scorpiâque, antidote contre la morsure des scorpions
I.
La terre engendre des scorpions, animal terrible sous un faible volume. Autant de genres, autant de poisons; autant d'espèces, autant de fléaux; autant de couleurs, autant de douleurs, dont Nicandre a été l'historien et le peintre. Cependant le trait qui leur est commun à tous, c'est de nuire avec la queue. J'appelle queue ce prolongement de la partie inférieure du corps avec lequel ils blessent. Ces nœuds articulés dans le scorpion, armés à l'intérieur d'une petite veine empoisonnée, se tendent avec l'effort d'un arc, et décochent, à la manière d'une baliste, un dard recourbé. De là vient que la machine de guerre, qui lance le trait après l'avoir comprimé, a reçu le nom de scorpion. Ce dard, tout à la fois dard et canal, affilé à son extrémité afin de blesser plus sûrement, répand son poison dans la plaie. L'été est surtout la saison du péril. La malice de l'animal met à la voile par le souffle de l'auster et de l'africus1. Quant aux remèdes, la nature nous en fournit quelques-uns; la magie a ses ligaments enchantés; la médecine se présente avec le fer et des breuvages. Ceux-ci boivent avant la cautérisation pour en hâter l'action bienfaisante. Je ne dis rien de l'accouplement; s'il amortit la douleur du poison, c'est pour allumer bientôt une soif ardente.
Laissons aux païens ces ressources! Notre rempart à nous, c'est la foi, à moins que, frappée de défiance, elle n'ose recourir sur-le-champ au signe de la croix, conjurer le poison, et broyer l'impur animal. Souvent il nous est arrivé de rendre aux Idolâtres des services de ce genre, le ciel ayant mis dans nos mains cette puissance, que l'Apôtre consacra le premier en bravant la morsure d'une vipère. Puisque la foi repose sur des fondements inébranlables, quelle est donc l'intention de l'opuscule présent? De rappeler à la foi qu'elle doit compter sur les promesses, lorsque ses propres scorpions s'élèvent contre elle: race peu nombreuse à la vérité, mais cruelle, divisée en plusieurs espèces2, armée d'un même aiguillon, subornée par le même ennemi, toujours dans la chaude saison, c'est-à-dire pendant la persécution des Chrétiens. Dans ces jours où la foi est haletante, et où l'Eglise, pareille au buisson ardent, est investie de flammes dévorantes, alors Gnostiques, de s'élancer de leurs repaires, Valentiniens, de déguiser leur marche tortueuse, tous les détracteurs du martyre de gonfler leurs poisons et de s'agiter, n'ayant qu'un désir, rencontrer une victime, la percer, l'immoler. La religion, ils ne le savent que trop bien, compte dans ses rangs une foule de serviteurs simples et peu éclairés, d'autres mal assurés dans la foi, un plus grand nombre chrétiens en l'air3, et disposés à être tout ce que l'on voudra. Quel moment plus favorable pour aborder ces inexpériences ou ces lâchetés que le moment où la crainte a relâché les barrières de l'ame, et mieux encore, où quelques supplices barbares ont couronné la foi des martyrs?
Aussi, ramenant en arrière leur queue, ils commencent par mettre en jeu la sensibilité humaine, ou bien ils s'agitent dans le vide. «Eh quoi! s'écrient - ils, l'innocence exposée à de pareilles tortures! Une secte de qui personne n'eut jamais à se plaindre! » Ne les prendriez-vous pas. pour un frère ou tout au moins pour quelque païen compatissant? Attendez, voilà qu'ils pressent davantage. « Périr et encore sans l'ombre de raison! Car enfin, quelle ombre de raison y a-t-il à la mort des Chrétiens? » ---- Maintenant ils tuent au premier aiguillon qu'ils enfoncent: « Elles ne savent pas ces âmes crédules quel est le précepte, en quels termes il est conçu, où, quand ni devant qui il faut confesser. » Misérable, déclare sans détour que mourir pour Dieu n'est pas seulement simplicité et inutilité, mais insigne extravagance. Ils poursuivent: « Et qui me sauvera, si celui-là m'immole qui doit me sauver? Jésus-Christ, mort une fois pour nous, ne nous a-t-il point affranchis du trépas? Supposé qu'il demande le retour, attend-il son salut de ma mort? Dieu a-t-il besoin de mon sang, lui qui ne veut pas du sang des boucs et des taureaux? » N'a-t-il pas dit « qu'il préférait à la mort du pécheur son repentir? Comment justifiera-t-il cet oracle s'il veut la mort du pécheur? »
Ces traits et mille autres, décochés par la malice des hérétiques, ne sont-ils pas capables d'amener sinon la ruine de la foi, au moins ses pusillanimités; sinon la mort complète, au moins la perturbation? Mais toi, pour peu que ta foi veille, écrase du pied de l'anathème le scorpion blasphémateur, et laisse-le mourir dans son sommeil. Prends-y garde! s'il inonde de son poison la blessure, le venin ne tardera point à pénétrer jusqu'au fond des entrailles et à circuler dans tout le corps. Qu'arrive-t-il aussitôt? Tous les sentiments généreux d'autrefois s'engourdissent; le sang se glace autour du cœur; l'esprit s'éteint sous le poids de la chair; on prend en dégoût le nom chrétien; déjà l'ame elle-même cherche où vomir. Ainsi, après ses premières blessures, la faiblesse ne tarde point à rejeter une foi languissante sous le poison de l'hérésie ou des affections mondaines. Aujourd'hui nous sommes au milieu de l'été, c'est-à-dire que la canicule de la persécution s'allume par les mains de Cynocéphale lui-même. Les Chrétiens ont été éprouvés, ceux-ci par les bûchers, ceux-là par le glaive, les autres par la dent, des hèles féroces. Quelques-uns, relégués dans des cachots, après avoir subi la flagellation ou les ongles de fer, ont soif d'un martyre commencé ailleurs.
Nous-mêmes, lièvres timides que l'on destine à la chasse, l'hérésie nous assiège de loin, fidèle à sa marche accoutumée. Les circonstances présentes nous avertissent donc d'opposer aux scorpions de notre pays une antidote efficace, que nous mitigerons autant que possible. Lecteur, buvez: la potion n'est pas amère. Si « la parole du Seigneur est plus douce que le rayon du miel, » le remède que je vous propose en est tiré. Si le lait et le miel coulent dans les promesses du Seigneur, lait et miel aussi que le martyre et son salaire! Au contraire: « Malheur à qui change l'amertume en douceur et la lumière en ténèbres! » Détracteurs du martyre, en voulant qu'un moyen de salut soit un moyen de damnation, vous changez aussi bien la douceur en amertume que la lumière en ténèbres, et en préférant les misères de la vie présente aux félicités de la vie à venir, vous substituez aussi bien l'amertume à la douceur, que les ténèbres à la lumière.
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Scorpiace
Chapter I.
The earth brings forth, as if by suppuration, great evil from the diminutive scorpion. The poisons are as many as are the kinds of it, the disasters as many as are also the species of it, the pains as many as are also the colours of it. Nicander writes on the subject of scorpions, and depicts them. And yet to smite with the tail--which tail will be whatever is prolonged from the hindmost part of the body, and scourges--is the one movement which they all use when making an assault. Wherefore that succession of knots in the scorpion, which in the inside is a thin poisoned veinlet, rising up with a bow-like bound, draws tight a barbed sting at the end, after the manner of an engine for shooting missiles. From which circumstance they also call after the scorpion, the warlike implement which, by its being drawn back, gives an impetus to the arrows. The point in their case is also a duct of extreme minuteness, to inflict the wound; and where it penetrates, it pours out poison. The usual time of danger is the summer season: fierceness hoists the sail when the wind is from the south and the south-west. Among cures, certain substances supplied by nature have very great efficacy; magic also puts on some bandage; the art of healing counteracts with lancet and cup. For some, making haste, take also beforehand a protecting draught; but sexual intercourse drains it off, and they are dry again. We have faith for a defence, if we are not smitten with distrust itself also, in immediately making the sign 1 and adjuring, 2 and besmearing the heel with the beast. Finally, we often aid in this way even the heathen, seeing we have been endowed by God with that power which the apostle first used when he despised the viper's bite. 3 What, then, does this pen of yours offer, if faith is safe by what it has of its own? That it may be safe by what it has of its own also at other times, when it is subjected to scorpions of its own. These, too, have a troublesome littleness, and are of different sorts, and are armed in one manner, and are stirred up at a definite time, and that not another than one of burning heat. This among Christians is a season of persecution. When, therefore, faith is greatly agitated, and the Church burning, as represented by the bush, 4 then the Gnostics break out, then the Valentinians creep forth, then all the opponents of martyrdom bubble up, being themselves also hot to strike, penetrate, kill. For, because they know that many are artless and also inexperienced, and weak moreover, that a very great number in truth are Christians who veer about with the wind and conform to its moods, they perceive that they are never to be approached more than when fear has opened the entrances to the soul, especially when some display of ferocity has already arrayed with a crown the faith of martyrs. Therefore, drawing along the tail hitherto, they first of all apply it to the feelings, or whip with it as if on empty space. Innocent persons undergo such suffering. So that you may suppose the speaker to be a brother or a heathen of the better sort. A sect troublesome to nobody so dealt with! Then they pierce. Men are perishing without a reason. For that they are perishing, and without a reason, is the first insertion. Then they now strike mortally. But the unsophisticated souls 5 know not what is written, and what meaning it bears, where and when and before whom we must confess, or ought, save that this, to die for God, is, since He preserves me, not even artlessness, but folly, nay madness. If He kills me, how will it be His duty to preserve me? Once for all Christ died for us, once for all He was slain that we might not be slain. If He demands the like from me in return, does He also look for salvation from my death by violence? Or does God importune for the blood of men, especially if He refuses that of bulls and he-goats? 6 Assuredly He had rather have the repentance than the death of the sinner. 7 And how is He eager for the death of those who are not sinners? Whom will not these, and perhaps other subtle devices containing heretical poisons, pierce either for doubt if not for destruction, or for irritation if not for death? As for you, therefore, do you, if faith is on the alert, smite on the spot the scorpion with a curse, so far as you can, with your sandal, and leave it dying in its own stupefaction? But if it gluts the wound, it drives the poison inwards, and makes it hasten into the bowels; forthwith all the former senses become dull, the blood of the mind freezes, the flesh of the spirit pines away, loathing for the Christian name is accompanied by a sense of sourness. Already the understanding also seeks for itself a place where it may throw up; and thus, once for all, the weakness with which it has been smitten breathes out wounded faith either in heresy or in heathenism. And now the present state of matters is such, that we are in the midst of an intense heat, the very dog-star of persecution,--a state originating doubtless with the dog-headed one himself. 8 Of some Christians the fire, of others the sword, of others the beasts, have made trial; others are hungering in prison for the martyrdoms of which they have had a taste in the meantime by being subjected to clubs and claws 9 besides. We ourselves, having been appointed for pursuit, are like hares being hemmed in from a distance; and heretics go about according to their wont. Therefore the state of the times has prompted me to prepare by my pen, in opposition to the little beasts which trouble our sect, our antidote against poison, that I may thereby effect cures. You who read will at the same time drink. Nor is the draught bitter. If the utterances of the Lord are sweeter than honey and the honeycombs, 10 the juices are from that source. If the promise of God flows with milk and honey, 11 the ingredients which go to make that draught have the smack of this. "But woe to them who turn sweet into bitter, and light into darkness." 12 For, in like manner, they also who oppose martyrdoms, representing salvation to be destruction, transmute sweet into bitter, as well as light into darkness; and thus, by preferring this very wretched life to that most blessed one, they put bitter for sweet, as well as darkness for light.
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Of the cross over the wounded part. [This translation is frequently weakened by useless interpolations; some of these destroying the author's style, for nothing, I have put into footnotes or dropped.] ↩
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I.e. adjuring the part, in the name of Jesus, and besmearing the poisoned heel with the gore of the beast, when it has been crushed to death. [So the translator; but the terse rhetoric of the original is not so circumstantial, and refers, undoubtedly, to the lingering influence of miracles, according to St. Mark xvi. 18.] ↩
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Acts xxviii. 3. ↩
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Ex. iii. 2. ↩
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The opponents of martyrdoms are meant.--Tr. ↩
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Ps. l. 13. ↩
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Ezek. xxxiii. 11. ↩
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i.e. the devil.--Tr. ↩
-
An instrument of torture, so called.--Tr. ↩
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Ps. xix. 10. ↩
-
Ex. iii. 17. ↩
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Isa. v. 20. ↩