Edition
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Apologeticum
X.
[1] Deos, iniquitis, non colitis, et pro imperatoribus sacrificia non penditis. Sequitur ut eadem ratione pro aliis non sacrificemus, quia nec pro nobis ipsis, semel deos non colendo. Itaque sacrilegii et maiestatis rei convenimur. Summa haec causa, immo tota est, et utique digna cognosci, si non praesumptio aut iniquitas iudicet, altera quae desperat, altera quae recusat veritatem. [2] Deos vestros colere desinimus ex quo illos non esse cognoscimus. Hoc igitur exigere debetis, uti probemus non esse illos deos, et idcirco non colendos, quia tunc demum coli debuissent, si dei fuissent. Tunc et Christiani puniendi, si quos non colerent, quia putarent non esse, constaret illos deos esse.
[3] Sed nobis, inquitis, dei sunt. Appellamus et provocamus a vobis ad conscientiam vestram: illa nos iudicet, illa nos damnet, si poterit negare omnes istos deos vestros homines fuisse. [4] Si et ipsa inficias ierit, de suis antiquitatum instrumentis revincetur, de quibus eos didicit, testimonium perhibentibus ad hodiernum et civitatibus in quibus nati sunt, et regionibus in quibus aliquid operati vestigia reliquerunt, in quibus etiam sepulti demonstrantur. [5] Nunc ergo per singulos decurram, tot ac tantos, novos, veteres, barbaros, Graecos, Romanos, peregrinos, captivos, adoptivos, proprios, communes, masculos, feminas, rusticos, urbanos, nauticos, militares? [6] Otiosum et etiam titulos persequi, ut colligam in conpendium, et hoc non quo cognoscatis, sed recognoscatis. Certe enim oblitos agitis. Ante Saturnum deus penes vos nemo est, ab illo census totius vel potioris et notioris divinitatis. Itaque quod de origine constiterit, id et de posteritate conveniet. [7] Saturnum itaque, si quantum litterae docent, neque Diodorus Graecus aut Thallus neque Cassius Severus aut Cornelius Nepos neque ullus commentator eiusmodi antiquitatum aliud quam hominem promulgaverunt, si quantum rerum argumenta, nusquam invenio fideliora quam apud ipsam Italiam, in qua Saturnus post multas expeditiones postque Attica hospitia consedit, exceptus a Iano, vel Iane, ut Salii volut. [8] Mons quem incoluerat, Saturnius dictus, civitas quam depalaverat, Saturnia usque nunc est, tota denique Italia post Oenotriam Saturnia cognominabatur. Ab ipso primum tabulae et imagine signatus nummus, et inde aerario praesidet. [9] Tamen si homo Saturnus, utique ex homine, et quia ab homine, non utique de caelo et terra. Sed cuius parentes ignoti erant, facile fuit eorum filium dici quorum et omnes possumus videri. Quis enim non caelum ac terram matrem ac patrem venerationis et honoris gratia appellet? vel ex consuetudine humana, qua ignoti vel ex inopinato adparentes de caelo supervenisse dicuntur. [10] Proinde Saturno repentino ubique caelitem contigit dici; nam et terrae filios vulgus vocat quorum genus incertum est. Taceo quod ita rudes adhuc homines agebant, ut cuiuslibet novi viri adspectu quasi divino commoverentur, cum hodie iam politi quos ante paucos dies luctu publico mortuos sint confessi, in deos consecrent. [11] Satis iam de Saturno, licet paucis. Etiam Iovem ostendemus tam hominem quam ex homine, et deinceps totum generis examen tam mortale quam seminis sui par.
Traduction
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Apologétique
X.
Vous n'adorez pas nos dieux, dites-vous, et vous n'offrez pas de sacrifices pour les empereurs. Sans doute, nous n'offrons de sacrifices pour personne, puisque nous n'en offrons pas pour nous-mêmes, depuis que nous n'adorons plus vos dieux. Voilà pourquoi nous sommes poursuivis comme des sacrilèges et des coupables. Voilà le point capital de notre cause, ou plutôt voilà notre cause tout entière. Elle mérite bien que vous l'approfondissiez. Nous demandons de n'être point jugés par la prévention ou par l'injustice: l'une désespère d'arriver à la vérité, l'autre la repousse.
Nous avons cessé d'adorer vos dieux depuis que nous avons reconnu leur néant. Vous êtes donc en droit d'exiger de nous la démonstration qu'ils ne sont pas des dieux, et que par là même ils ne méritent aucun culte, puisqu'il faudrait les adorer s'ils étaient réellement dieux. Et les Chrétiens seraient justement punissables, si ceux qu'ils refusent d'adorer, persuadés de leur néant, étaient des dieux en effet.
Mais, dites-vous, ce sont nos dieux à nous. Nous appelons de vous-mêmes à votre conscience. Qu'elle nous juge, qu'elle nous condamne, si elle peut nier que tous vos dieux ont été des hommes. Qu'elle ose le contester, elle sera confondue par les monuments antiques qui vous en ont transmis la connaissance et qui subsistent encore parmi nous, par les villes où ils sont nés, par les pays où ils ont vécu, où ils ont laissé des traces de leur passage, où l'on montre même leurs tombeaux. Je ne passerai pas en revue l'un après l'autre tant et de si puissants dieux, anciens, nouveaux, barbares, grecs, romains, étrangers, captifs, adoptifs, particuliers, communs, mâles, femelles, de la ville, de la campagne, marins, guerriers. Il serait inutile d'examiner leurs litres. Je n'en dirai qu'un mot, moins pour vous les faire connaître que pour vous rappeler ce que vous me paraissez en effet avoir oublié.
Vous n'avez point de dieu avant Saturne. De Saturne viennent vos dieux principaux et les plus connus. Ainsi, ce qui est certain du premier, il faudra l'avouer de toute sa postérité. Interrogeons-nous les historiens? Ni Diodore de Sicile, ni Cassius Sévérus, ni Thallus, ni Cornélius Népos, ni aucun autre écrivain de l'antiquité, ne parlent de Saturne que comme d'un homme. Si nous consultons les monuments publics, on ne peut en trouver de plus authentiques qu'en Italie, où Saturne, après plusieurs expéditions et à son retour de l'Attique, s'arrêta et fut reçu par Janus, ou Janès, comme le veulent les Saliens. Il donna son nom à la montagne où il s'était retiré, à la ville qu'il fonda; (elle le conserve encore aujourd'hui; ) à toute l'Italie enfin, qui perdit dès-lors le nom d'OEnotrie. Il fut le premier qui apporta l'écriture à cette contrée, et marqua la monnaie à l'effigie du prince: de là vient qu'il préside au trésor public. Saturne est donc un homme. S'il est homme, il est fils d'un homme, et non pas du ciel et de la terre. Mais comme son origine était inconnue, il fut aisé de lui attribuer pour parents ceux dont nous pouvons tous nous dire les enfants. Qui, en effet, par honneur et par respect pour le ciel et la terre, ne les appellerait pas volontiers du nom de père et de mère? D'ailleurs, les étrangers qui surviennent tout à coup, n'avons-nous pas coutume de dire qu'ils sont tombés du ciel? De là pour ce Saturne manifesté publiquement le privilège d'une origine céleste. Le vulgaire appelle aussi enfants de la terre ceux dont il ignore l'origine.
Je ne vous dirai pas qu'autrefois les hommes étaient si grossiers, que l'aspect d'un personnage inconnu les frappait ainsi que l'eût fait la présence de quelque divinité, et qu'aujourd'hui, tout instruits qu'ils sont, ils mettent au rang des dieux ceux dont la mort était, peu de jours auparavant, annoncée par un deuil public. Ce peu de mots sur Saturne suffira. Nous vous montrerons aussi que Jupiter était homme, issu d'un autre homme, et que tout cet essaim de dieux était mortel aussi bien que toute leur race.