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Dans cette partie de la Palestine qui est voisine de Thécuë, bourg illustré par la naissance du prophète
Amos, s'étend une immense solitude; elle va jusqu'à l'Arabie et à la mer Morte, où se perdent les eaux du Jourdain, et où disparaissent les ruines de Sodome. C'est là que vécurent longtemps des solitaires d'une grande sainteté, qui furent surpris et massacrés par des bandes de voleurs sarrasins. Leurs corps, il est vrai, furent l'objet de la vénération des évêques et des Arabes du pays , qui les regardèrent comme des martyrs; et le désir de posséder leurs reliques fut tel, que les populations de deux villes voisines se les disputèrent les armes à la main, chacun soutenant ses titres à les avoir; les uns faisant valoir leurs droits de voisinage, les autres leurs droits de compatriotes. Pour nous, ce malheur nous affligea et nous troubla profondément; nous nous demandions pourquoi des hommes de tant de mérite et de vertu, avaient été tués par des voleurs, et nous nous étonnions que Dieu eût souffert un pareil crime à l'égard de ses serviteurs, et qu'il eût livré aux mains des impies des hommes que tout le monde admirait. Nous allâmes trouver, dans notre tristesse, le saint abbé Théodore, remarquable par son expérience. Il habitait Celles, qui est située entre le désert de Nitrie et celui de Schethé, éloignée de cinq mille pas des monastères de Nitrie, et de quatre-vingt mille pas de la solitude de Schethé, où nous demeurions. Nous lui fîmes part de nos plaintes sur la mort de ces saints solitaires, et nous lui dîmes notre étonnement de la patience de Dieu, qui permettait que des hommes semblables fussent tués, tandis qu'ils auraient dû, par leurs mérites, préserver les autres d'un pareil malheur. Comment n'avaient-ils pas échappé aux mains des impies, et pourquoi Dieu avait-il laissé commettre un tel crime sur ses serviteurs?