2.
Il y a bien des sortes d'amitiés qui unissent diversement les hommes dans des rapports d'affection. L'amitié naît quelquefois de ce qu'on a entendu dire d'une personne , ou des affaires , des engagements qu'on a avec elle. Le commerce, la profession des armes et des arts, la communauté de goûts et d'études l'établissent également, et l'on voit même ceux qui vivent dans les bois et les montagnes, et se plaisent à répandre le sang des hommes , aimer avec ardeur les compagnons de leurs crimes. Il y a aussi une affection qui vient de l'instinct de la nature et de cette loi du sang qui fait préférer aux autres les proches, les époux, les parents, les frères et les enfants. Cela existe non-seulement parmi les hommes, mais encore parmi les oiseaux et les animaux ; car nous les voyons protéger et défendre leurs petits avec une admirable tendresse, sans craindre de s'exposer souvent pour eux au péril et à la mort. Les bêtes féroces , les serpents et les reptiles, que leur férocité et leurs poisons mortels séparent des autres animaux et dont la seule vue est dangereuse, s'aiment et vivent en paix, à cause de leur commune origine. Mais toutes ces sortes d'affections qui unissent les méchants comme les bons, les bêtes et les serpents, ne peuvent durer toujours. Elles cessent quelquefois par le changement de lieu, et par l'oubli que causent le temps et les affaires; et ces rapports qu'ont fait naître l'intérêt, le plaisir, la parenté et les besoins de la vie, sont souvent rompus par le moindre événement.