26.
L'ABBÉ JOSEPH. Je ne vous ai pas dit que la vertu et la patience de celui qui est fort succombent toujours ; mais seulement que la faiblesse du malade, entretenue et augmentée même par la condescendance qu'on a pour lui, arrive à un point qu'elle ne doit plus être acceptée. Il voit d'ailleurs que la patience de son prochain est une condamnation de son impatience, et il aime mieux s'éloigner que d'être toujours supporté par la bonté des autres. Ainsi celui qui veut conserver inaltérable l'affection de ses frères, doit avant tout, quand il reçoit une injure, garder la paix non-seulement sur ses lèvres, mais dans le fond de son coeur. Dès qu'il se sent troublé en la moindre chose, qu'il se renferme dans le silence, et qu'il se rappelle bien ces paroles du Psalmiste : « J'ai été troublé, et je n'ai pas parlé. » (Ps. LXXVI , 5.) « Je l'ai dit : Je garderai mes voies, et pour ne pas pécher par la langue, j'ai mis une garde à ma bouche. Lorsque le méchant s'est élevé contre moi, je suis resté muet, et je me suis humilié; je n'ai pas même voulu dire de borines choses. » (Ps. XXXVIII, 5.) Il ne doit pas considérer le présent, et écouter ce que le trouble de son esprit et la colère veulent lui faire dire; mais il doit se rappeler la charité qu'il a eue jusqu'alors, ne penser qu'aux moyens de rétablir la paix et d'éloigner tout ce qui pourrait y nuire. En songeant à la douceur de la réconciliation, qui doit bientôt suivre, il ne sentira pas l'amertume de la discorde présente, et il ne répondra que des choses qu'il ne pourra regretter, et qu'on ne saurait lui reprocher, lorsque la bonne harmonie sera rétablie. Il accomplira ainsi cette parole du Prophète : « Dans la colère, souviens-toi de la miséricorde. » (Habac., III, 2.)