2.
La paix du lieu et les ténèbres de la nuit favorisaient nos épanchements, et à peine étions-nous assis que l'abbé Germain me dit en gémissant :
Hélas! mon cher Cassien, que faisons-nous et dans quel embarras sommes-nous placés? Les entretiens de ces saints solitaires nous font comprendre ce qui serait le plus utile à notre avancement spirituel; et la promesse que nous avons faite à nos supérieurs ne nous permet pas de l'accomplir. Nous pourrions, en suivant les exemples de tant de saints religieux, nous former à la perfection, et nous sommes obligés de retourner à notre couvent, comme nous l'avons promis; et si nous y retournons, il ne nous sera plus permis de revenir. Si nous cédons à notre désir en nous fixant ici, que deviendra la promesse que nous avons faite à nos supérieurs pour obtenir la permission de visiter les saints solitaires de cette province? Ces pensées nous mettaient dans un grand embarras ; nous ne savions quelle résolution prendre, et nous gémissions ensemble de la triste position où nous étions réduits; nous nous reprochions notre faiblesse qui nous avait fait céder, contre nos intérêts, aux prières de ceux qui désiraient notre prompt retour. Nous étions ainsi tombés dans cette fausse honte dont il est dit : « Il y a une honte qui cause le péché. » (Eccl., IV, 25.)