2.
Nous trouvâmes dans cette réunion un vieillard fort âgé, nommé Jean , qui surpassait tous les autres par ses enseignements et son humilité; nous ne croyons pas devoir passer sous silence cette vertu, où il excellait, parce qu'elle est la mère de toutes les autres et le fondement le plus solide de la vie spirituelle, quoiqu'elle soit rare même dans nos monastères. Aussi n'est-il pas étonnant que nous ne puissions atteindre la sainteté de ces religieux : non-seulement nous ne voulons pas rester dans une communauté jusqu'à notre vieillesse , mais à peine en avons-nous subi la règle pendant deux ans , que nous réclamons notre liberté ; et encore , pendant cette courte épreuve, obéissons-nous à nos supérieurs, non pas selon la règle, mais selon notre caprice , songeant beaucoup plus à nous affranchir de toute contrainte qu'à nous affermir dans la patience.
Ayant donc rencontré ce bon vieillard dans le monastère de l'abbé Paul, nous admirâmes son âge et la grâce qui paraissait en lui, et nous le suppliâmes humblement de vouloir bien nous dire pourquoi il avait renoncé à la liberté de la solitude et à la vie des anachorètes, où il s'était tant distingué, pour se soumettre de préférence à la vie de communauté. Ii nous répondit que la vie des anachorètes était trop parfaite pour lui, et qu'étant indigne de la suivre, il était revenu à la vie de communauté comme à l'école des jeunes gens, et qu'il serait bien heureux d'en suivre convenablement la règle. Comme cette humble réponse ne nous satisfaisait pas, il voulut bien enfin nous parler en ces termes.