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Vie de Saint Paul ermite
9.
Mais, pour revenir à mon discours, Antoine, continuant à marcher dans le chemin où il s'était engagé, ne considérai autre chose que la piste des bêtes sauvages et la vaste solitude de ce désert, sans savoir ce qu'il devait faire ni de quel côté il devait tourner.
Déjà le second jour était passé depuis qu'il était parti, et il en restait encore un troisième afin qu'il acquit par cette épreuve une entière confiance de ne pouvoir être abandonné de Jésus-Christ. Il employa toute cette seconde nuit en oraisons, et à peine le jour commençait à poindre qu'il aperçut de loin une louve qui, toute haletante de soif, se coulait le long du pied de la montagne. Il la suivit des yeux et, lorsqu'elle fut fort éloignée, s'étant approché de la caverne et voulant regarder dedans, sa curiosité lui fut inutile, à cause due son obscurité était si grande que ses yeux ne la pouvaient pénétrer; mais, comme dit l'Écriture, « le parfait amour bannissant la crainte, » après s’être un peu arrêté et avoir repris Baleine, ce saint et habile espion entra dans cet antre en s'avançant peu à peu et s'arrêtant souvent pour écouter s'il n'entendrait point de bruit. Enfin, à travers l'horreur de ces épaisses ténèbres, il aperçut de la lumière assez loin de là. Alors, redoublant ses pas et marchant sur des cailloux, il fit du bruit. Paul l'ayant entendu, il tira sur lui sa porte qui était ouverte, et la ferma au verrou.
Antoine, se jetant contre terre sur le seuil de la porte, y demeura jusqu'à l'heure de Sexte et davantage, le conjurant toujours de lui ouvrir et lui disant : « Vous savez qui je suis, d'où je viens, et le sujet qui m'amène. J'avoue que je ne suis pas digne de vous voir, mais je ne partirai néanmoins jamais d'ici jusqu'à ce due j'aie revu ce bonheur. Est-il possible que, ne refusant pas aux bêtes l'entrée de votre caverne, vous la refusiez aux hommes? Je vous ai cherché, je vous ai trouvé; et,je frappe à votre porte afin qu'elle me soit ouverte : que si je ne puis obtenir cette grâce, je suis résolu de mourir en la demandant; et j'espère qu'au moins vous aurez assez de charité pour m'ensevelir. »
« Personne ne supplie en menaçant et ne mêle des injures avec des larmes, » lui répondit Paul « vous étonnez-vous donc si je ne veux pas vous recevoir, puisque vous dites n'être venu ici que pour mourir?» Ainsi Paul en souriant lui ouvrit la porte; et alors, s'étant embrassés à diverses fois, ils se saluèrent et se nommèrent tous deux par leurs propres noms.
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The Life of Paulus the First Hermit
9.
To pursue my proposed story. Antony traversed the region on which he had entered, seeing only the traces of wild beasts, and the wide waste of the desert. What to do, whither to wend his way, he knew not. Another day had now passed. One thing alone was left him, his confident belief that he could not be forsaken by Christ. The darkness of the second night he wore away in prayer. While it was still twilight, he saw not far away a she-wolf gasping with parching thirst and creeping to the foot of the mountain. He followed it with his eyes; and after the beast had disappeared in a cave he drew near and began to look within. His curiosity profited nothing: the darkness hindered vision. But, as the Scripture saith, perfect love casteth out fear. With halting step and bated breath he entered, carefully feeling his way; he advanced little by little and repeatedly listened for the sound. At length through the fearful midnight darkness a light appeared in the distance. In his eager haste he struck his foot against a stone and roused the echoes; whereupon the blessed Paul closed the open door and made it fast with a bar. Then Antony sank to the ground at the entrance and until the sixth hour or later craved admission, saying, “Who I am, whence, and why I have come, you know. I know I am not worthy to look upon you: yet unless I see you I will not go away. You welcome beasts: why not a man? I asked and I have found: I knock that it may be opened to me. But if I do not succeed, I will die here on your threshold. You will surely bury me when I am dead.”
“Such was his constant cry: unmoved he stood.
To whom the hero thus brief answer made” 1
“Prayers like these do not mean threats; there is no trickery in tears. Are you surprised at my not welcoming you when you have come here to die?” Thus with smiles Paul gave him access, and, the door being opened, they threw themselves into each other’s arms, greeted one another by name, and joined in thanksgiving to God.
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Virg. Æn. ii, 650, and vi, 672. ↩