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Œuvres Jérôme de Stridon (347-420) Epistulae Correspondance

A DOMNION ET A ROGATIEN. DÉFENSE DE SA TRADUCTION DES DIVERSES PARTIES DE L'ECRITURE.

Lettre écrite du monastère de Bethléem, en 593.

Je ne sais pas encore ce qui est le plus difficile, ou de vous faire ce que vous me demandez, ou de m'en dispenser; car d'un côté je ne puis vous refuser, et de l'autre, ce que vous me demandez me paraît si fort au-dessus de mes forces, qu'il faut nécessairement que je succombe sous un si pesant fardeau, même avant que de m'en charger. D'ailleurs je redoute la jalousie de mes envieux, qui croient devoir critiquer tous mes ouvrages, et qui, contre le témoignage de leur propre conscience, déchirent en public tout ce qu'ils lisent en secret. Ils m'obligent par leur injustice à m'écrier avec le prophète-roi: « Seigneur, délivrez mon âme des lèvres injustes et de la langue trompeuse. » Vous ne cessez depuis trois ans de m'écrire lettres sur lettres pour m'engager à traduire d'hébreu en latin le livre d'Esdras; comme si vous n'aviez pas des exemplaires grecs et latins, ou comme si le sort de mes traductions, dès qu'elles commencent à paraître, n'était pas de passer par la critique publique. Or, comme dit un auteur, c'est être fou que de travailler jour et nuit pour se faire des ennemis.

Je vous prie donc de lire cette traduction en particulier et de ne la pas rendre publique. Il ne faut point forcer à manger des gens dégoûtés, ni s'exposer à la critique de ces esprits superbes, toujours prêts à censurer les autres, incapables eux-mêmes de rien produire. Que si quelques-uns de nos frères veulent bien lire mes ouvrages, vous pouvez leur donner une copie de celui-ci. Mais avertissez-les surtout de transcrire avec le plus d'exactitude et de netteté possibles les noms hébreux dont ce livre est tout rempli; car il serait inutile de l'avoir corrigé avec tant de soin, si les copistes ne le retranscrivaient pas fidèlement.

Au reste, on ne doit point s'étonner que je n'aie traduit qu'un livre d'Esdras, ni désirer avec empressement de voir le troisième et le quatrième, qui sont apocryphes et remplis de chimères ; car Esdras et Nehemias ne font qu'un seul livre selon les Hébreux, et on doit rejeter tout ce qui n'est pas dans leur canon , ni du nombre des vingt-quatre vieillards. Que si quelqu'un oppose à ma traduction celle des septante interprètes, dont tous les exemplaires sont défectueux, comme on peut en juger par la différence qu'il y a entre eux ( car, s'ils ne sont point conformes, ils ne peuvent être vérifiés) , si, dis-je, quelqu'un oppose leur version à la mienne, renvoyez-le aux évangélistes, qui citent plusieurs passages comme de l'Ancien-Testament, et qui néanmoins ne se trouvent point dans les Septante ; tels sont ceux-ci : « II sera appelé Nazaréen. J'ai appelé mon fils d'Égypte. Ils verront celui qu'ils ont percé; » et plusieurs autres dont j'espère parler avec plus d'étendue dans un autre ouvrage. Demandez-lui d'où ces passages sont tirés, et comme il restera muet sur cela, lisez-les vous-même dans les traductions que j'ai données depuis peu au public, et qui sont l'objet de la critique de mes envieux.

Voici encore une raison à laquelle mes ennemis doivent se rendre, pour peu qu'ils soient équitables. S'il est vrai qu'il y ait dans mes traductions quelque chose qui ne se trouve point dans les exemplaires grecs, ou qui n'y soit pas entièrement conforme, pourquoi se déchaîner contre le traducteur? Qu'ils consultent les Hébreux, et que sur leur témoignage ils approuvent ou condamnent mes ouvrages. Mais peut-être se font-ils un plaisir de me calomnier sans sujet, et ne veulent-ils pas imiter le zèle et la reconnaissance des Grecs, qui, après la version des Septante et l'établissement de l'Évangile par toute la terre, ont lu avec soin l'Aucien-Testament traduit par des Juifs et des Ebionites; je veux dire par Aquila, par Symmaque et par Théodotien, et ont autorisé dans leurs Eglises ces traductions qu'Origène nous a données dans ses Hexaples. Avec combien plus de raison les Latins doivent-ils être contents de voir la Grèce, cette fière nation, venir leur emprunter quelque chose? Car premièrement il en coûte beaucoup pour avoir tous les exemplaires grecs; de plus, ceux qui les ont et qui n'entendent pas l'hébreu s'égarent de plus en plus, incapables de distinguer quelle est la plus exacte de toutes ces différentes versions. C'est ce qui est arrivé depuis peu à un des plus savants hommes de la Grèce, qui, s'écartant quelquefois du véritable sens de l'Écriture, tombait aveuglément dans les erreurs de chaque interprète. Pour moi, qui sais quelque peu d'hébreu et qui parle assez bien latin, j'ose me flatter de pouvoir juger des ouvrages des autres et exprimer en notre langue ce que je conçois. Que l'hydre donc siffle tant qu'elle voudra, et que Sinon, ce superbe vainqueur, réduise tout en poussière : le Christ aidant, je ne me tairai jamais ; et dût-on me couper la langue, je ne laisserais pas de bégayer encore. Que ceux qui voudront lire mes ouvrages, les lisent ; que les autres les rejettent avec mépris, si cela leur plaît; qu'ils les examinent avec la dernière sévérité, et qu'ils en critiquent les lettres et les points même. Votre amitié me portera plus à l'étude de l'Ecriture sainte, que leur haine ne m'en détournera.

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