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Institutions Divines
XXI.
Après avoir parlé des dieux, de leur origine, de leurs emplois et de leurs diverses aventures, il nous reste encore quelque chose à dire des sacrifices qu'on leur offre, et des mystères qui sont enfermés dans le culte qu'on leur rend.
A Salamine, ville de Cypre, on immolait un homme à Jupiter ; ce fut Teucer qui institua cet horrible sacrifice, et qui en prescrivit la forme à ses descendants. L'empereur Adrien le fit cesser.
Les peuples de la Tauride, nation féroce, avaient une loi qu'ils observèrent fort longtemps, qui leur ordonnait de sacrifier à Diane tous les étrangers que leur mauvaise fortune jetait sur leurs côtes; et les anciens Gaulois apaisaient avec du sang leurs dieux Hésus, Teutatès et Taramis.
Les Latins ne furent pas plus innocents ni moins barbares dans leurs sacrifices ; et le Jupiter du Latium1 n'aimait pas moins le sang des hommes que le Jupiter de Salamine. Quelle vertu peut-on demander à ces dieux par un sacrifice qui est un crime? et quel bien ces dieux peuvent-ils faire, si on ne peut l'obtenir que par un homicide? Mais il n'est pas étonnant que des barbares aient une religion conforme à leurs mœurs, et des dieux qui leur ressemblent. Ce qui doit surprendre, c'est de voir l'Italie, qui a toujours fait gloire d'élever ses peuples dans l'humanité, de voir, dis-je, l'Italie surpasser les barbares en cruauté, en répandant avec fureur le sang humain dans ces cérémonies impies et sacrilèges. Ceux qui, joignant la politesse des mœurs aux lumières de l'esprit, éteignent en quelque sorte ces lumières, et renoncent à cette politesse pour devenir barbares par un motif de religion, sont sans doute bien plus coupables que ceux qui, nés dans l'ignorance des lois et parmi les ténèbres d'une nature corrompue, font le mal souvent parce qu'ils ne connaissent pas le bien. Il y avait même longtemps que cette coutume d'immoler des hommes avait cours en Italie (avant que l'empereur Adrien ne l'abrogeât) ; et Saturne se plaisait à un culte si digne d'un dieu qui avait plus d'une fois bu le sang de ses enfants. Mais pour diversifier les mets qu'on lui présentait, on n'égorgeait pas la victime comme on faisait ailleurs, mais on la précipitait du pont Milvius2 dans le Tibre. On dit qu'Hercule, à son retour d'Espagne, abolit ce sacrifice, et en laissa seulement une vaine représentation, qui consistait à faire sauter du pont en bas des hommes de bois ou de carton.
Mais où prendre des couleurs assez sombres pour peindre ces horribles hécatombes d'enfants immolés au même Saturne, pour le consoler de ce qu'un seul3 lui avait échappé? A quel excès d'horreur les hommes ne sont-ils point capables de se porter par un excès de religion On appelle sacrifice le crime le plus opposé à la nature; on étouffe dans le berceau des créatures qui ne commencent qu'à vivre, et qui, par toute l'innocence de leur âge, ne peuvent exciter le moindre mouvement de compassion dans le cœur de leurs impitoyables pères, et obtenir d'eux qu'ils ne leur ôtent pas ce qu'ils ne viennent que de leur donner. Les animaux les plus farouches le sont beaucoup moins que ces hommes dénaturés. O pères infortunés ! quelle aveugle fureur vous agite ? et que pourraient faire de pis vos dieux, si vous aviez mérité leur indignation ? Leur colère, dites-moi, pourrait-elle vous être plus funeste? Pour prix de vos hommages ils vous rendent parricides, ils vous privent de vos enfants, ils vous ôtent la raison : est-ce ainsi que s'exprime leur reconnaissance? comment, hélas! s'exprimerait leur haine? Mais que peut-il y avoir d'inviolable et de sacré pour des hommes qui ont dépouillé tous les sentiments de la nature? On doit tout craindre de celui qui fait un acte de religion du plus grand de tous les crimes. Les Carthaginois qui, au rapport du satirique Festus, suivaient aussi cette barbare coutume, ayant été vaincus dans un combat par Agathocle, roi de Sicile, et attribuant leur défaite à la colère de leur dieu, coururent l'apaiser en lui immolant deux cents jeunes gens, qu'ils choisirent parmi leur plus illustre noblesse. Misérables ! quel avantage vous revient-il de ce massacre? Celui qui vous a vaincus vous a moins tué de citoyens que celui qui vous protège.
Mais Saturne n'est pas le seul des dieux qui aime à voir répandre le sang des hommes. Cybèle inspire une autre sorte de fureur à ceux qui sont initiés à ses détestables mystères. Elle les oblige à lui sacrifier de leurs propres mains ce que sa jalousie arracha au malheureux Athis; et ces infâmes victimes d'une plus infâme divinité deviennent, par un culte aussi bizarre qu'il est cruel, des monstres que la nature abhorre.
Pour Bellone, déesse de la guerre, on ne doit pas s'étonner si elle aime le sang. Ses prêtres, tenant à chaque main un poignard, se font des incisions aux bras et aux épaules; et, s'abandonnant à l'esprit de vertige qui les pousse, ils courent, ils se roulent, ils s'agitent ; leur sang coule de toutes parts, et leur raison se perd avec lui. Sont-ce là des sacrifices, s'écrie Quintilien, et ne vaudrait-il pas bien mieux être comme les bêtes, qui ne connaissent point d'autres dieux que la sage nature, que de rendre un culte impie et profane à des scélérats, à des dieux barbares, qui s'engraissent du sang des trop crédules mortels. Nous découvrirons une autre fois la source de tant d'erreurs grossières et de crimes énormes. Et de peur qu'on ne nous soupçonne d'affectation, dans le récit que nous venons de faire des horribles excès qui se commettent dans les sacrifices, nous allons examiner quelques cérémonies qui sont, à la vérité, exemptes de crimes, mais que nous aurons de la peine à sauver du ridicule.
Toute l'Egypte célèbre avec beaucoup de solennité la fête d'Isis, et cette fête se diversifie suivant les divers événements de la vie de la déesse ; car d'abord les prêtres qui lui sont consacrés se découvrant l'estomac, se le frappent rudement, poussent des cris lamentables, et donnent toutes les marques d'une violente affliction, pour honorer celle que ressentit Isis lorsqu'elle perdit son fils.4 Mais, dès que l'enfant vient à paraître, tout ce grand deuil cesse, et la joie de l'avoir retrouvé succède à la douleur de l'avoir perdu. Ainsi, ce fils si cher à sa mère, sans cesse se perd, et sans cesse se retrouve. On voit clairement, par la représentation d'une aventure autrefois arrivée, que cette Isis, si révérée des Égyptiens, n'était qu'une femme qui se serait trouvée sans enfants, si son fils unique ne lui eût été rendu. Lucain ne s'éloigne pas de cette pensée, lorsqu'il fait dire au jeune Pompée, qui vient d'apprendre la mort du grand Pompée son père:5 « J'irai, et l'Egypte me verra mettre le feu au bûcher qui consumera ses dieux6 ; je donnerai aux vents les cendres d'Isis et d'Osiris. » Cet Osiris est aussi quelquefois nommé par le peuple Sérapis ; car ils ont coutume de changer le nom de ceux qu'ils consacrent après leur mort, de crainte peut-être que leur premier nom ne les fasse reconnaître pour des hommes. Romulus fut ainsi changé en Quirinus ; Léda reçut le nom de Némésis; Circé celui de Marica; Ino et son frère Mélicerte ceux de Leucothoé et de Palémon.
On observe presque les mêmes cérémonies à la fête de Cérès Eleusine qu'à celle d'Isis; car si l'on pleure à celle-ci la perte d'Osiris, on se lamente fort à celle-là pour la perte de Proserpine, que son oncle Pluton a enlevée, sans se mettre beaucoup en peine de ce que le monde pourrait dire de voir un dieu commettre un rapt et un inceste. Et, parce que la tradition poétique porte que ce fut avec des branches de pin allumées que Cérès se mit à chercher sa fille par toute la Sicile, on allume quantité de torches durant cette fête.
A Lampsaque,7 on sacrifie un âne à Priape: et l'on en rapporte cette raison. Les dieux s'étant trouvés à un festin solennel que Cybèle leur donnait, ils se mirent, après souper, à jouer à de petits jeux ; mais Vesta, accablée de sommeil (peut-être pour avoir trop bu), s'endormit profondément, sans chercher d'autre lit que le plancher de la salle. Ce qu'apercevant Priape, il s'approcha d'elle, et était sur le point de la déshonorer, si l'âne de Silène ne se fût mis à braire fort à propos pour la pauvre déesse, qui s'éveilla au cri, et sauva ainsi son honneur qui courait grand risque: or, les habitants de Lampsaque, fort dévoués à Priape, lui sacrifient tous les ans un âne, pour le venger du mauvais tour que cet animal lui joua dans une si nombreuse et si sainte assemblée. Quels dieux ! quelle religion!
Mais si l'âne reçoit à Lampsaque un traitement si rude pour avoir empêché une mauvaise action, il en reçoit en récompense un fort honorable à Rome, où les vestales, pour reconnaître le service important qu'il rendit à leur déesse,8 choisissent un des plus beaux ânes de la ville, lui font une guirlande de pains fort délicats et fort blancs, qui servent ensuite à lui faire un bon repas. Quelle honte à une déesse de devoir à un âne la conservation de sa virginité ! On me dira que ce n'est qu'une fable: je le veux; mais cette fable est reçue des peuples comme une vérité et comme un point capital de leur religion.
Je sais que les poètes ne prétendent pas assujettir notre créance à leurs folles imaginations; mais elles ne trouvent que trop d'ouvertures pour s'insinuer dans l'esprit des hommes, qui sont ravis de trouver dans leurs dieux ce qui peut autoriser et pour ainsi dire consacrer leurs vices.
Que dirons-nous des astronomes qui placent sérieusement deux ânes parmi les étoiles9 ? Ont-ils aussi prétendu nous laisser la liberté de n'en rien croire ? Cependant on nous assure que ce beau privilège leur a été accordé à la sollicitation de Bacchus, qui, en leur procurant un logement si magnifique, a voulu les payer du service qu'ils lui rendirent au passage d'un fleuve. Peut-on rien écrire de plus extravagant?
Mais voici une espèce de sacrifice bien différent des autres, car on y dit des injures au dieu à qui on l'offre: on l'accable de paroles outrageuses et de malédictions, au lieu des bénédictions et des louanges dont on a coutume d'honorer les dieux. C'est cependant le grand Hercule qu'on traite ainsi à Linde,10 dans l'île de Rhodes ; et voici la raison qu'on apporte d'une chose si peu commune. On dit qu'Hercule ayant abordé à cette plage, et se sentant pressé de la faim, demanda à un villageois qui labourait là auprès, l'un des deux bœufs qu'il avait à sa charrue, offrant de le lui payer ce qu'il vaudrait. Le laboureur refusa de le lui vendre, s'excusant sur ce qu'il ne se pouvait passer de ses bœufs, qu'il n'avait pour tout bien que ce morceau de terre, dont la récolte lui servait à nourrir sa famille. Hercule, sans vouloir écouter les raisons du bonhomme, et usant de sa modération ordinaire, n'ayant pu avoir de gré un de ces bœufs, les enleva tous deux de force, les fit assommer sur-le-champ, et apprêter pour son dîner et pour celui de ses compagnons ; ce que voyant le malheureux villageois, il se mit à vomir mille injures contre Hercule ; mais ce héros, prenant la chose en galant homme, les écouta sans s'émouvoir, et ne fit que rire avec ses compagnons de la colère du pauvre laboureur. Toutefois, après que l'admiration où on était de sa valeur lui eut fait déférer les honneurs divins, les habitants de cette contrée lui élevèrent un autel au même lieu où la chose s'était passée, qu'il nomma lui-même l’Autel des deux Bœufs, et il ordonna qu'à l'avenir on lui immolerait deux bœufs joints ensemble par un même joug. Il se consacra aussi un prêtre auquel il enjoignit expressément d'employer dans les sacrifices qui lui seraient offerts les mêmes injures que le villageois lui avait dites, avouant que de sa vie il n'avait fait un repas si agréable.
A quelle autre fin a-t-on institué la fête de Jupiter Crétois, sinon pour renouveler la mémoire de sa naissance, de son enlèvement dans l'île de Crète, et de la nourriture qu'il y reçut ? La nymphe Amalthée n'est autre que la chèvre qui l'allaita; c'est la pensée du poète Aratus qui fait parler Germanicus en ces termes :
Cette nymphe fut la nourrice de Jupiter, s'il est vrai, comme on le dit, qu'une chèvre de l’île de Crète l'ait nourri de son lait, et que ce divin nourrisson, pour marquer sa reconnaissance, lui ait donné une place honorable parmi les astres de la nuit.
Mais, ayant résolu de faire de cette chèvre une étoile brillante, il lui ôta sa peau mortelle pour la revêtir d'immortalité ; et de cette peau de chèvre il s'en fit un bouclier, qui lui servit bien contre les Titans, ce qui a donné lieu aux poètes de l'appeler l’Égide de Jupiter. On fait encore dans cette même fête de Jupiter Crétois diverses représentations de ce que sa mère fit pour le dérober à la cruauté de Saturne; ce qu'Ovide exprime ainsi:11
Le bruit des clairons et des trompettes fit autrefois retentir les rochers du mont Ida, de peur que les cris du céleste enfant, que sa mère leur avait confié, ne trahissent la sûreté de son asile. Ici les Curètes frappaient sur des boucliers d'airain ; là les Corybantes faisaient entrechoquer des casques d'acier. Enfin, l'enfant fut sauvé, et le secret fut gardé. Chaque année renouvelle la mémoire de ce grand événement ; mais les flûtes et les hautbois ont pris la place des trompettes et des clairons.
Salluste rejette ce récit et le traite de pure fiction; mais il faut avouer que le tour qu'il y donne est ingénieux. Il dit « que les Curètes représentent ceux qui, les premiers, ont pénétré dans les choses divines et en ont acquis la science; et que, comme nous attachons à tout ce qui est éloigné de nous une certaine idée qui en inspire la vénération, on s'est avisé de nommer ces premiers sages les nourriciers de Jupiter, » pour exprimer que les secrets de la divinité leur ont été confiés dès son enfance, si l'on peut se servir de ce terme, c'est-à-dire dès le commencement et avant que les autres hommes en eussent connaissance. Mais n'en déplaise à ce savant historien, il a suivi une fausse lumière dans l'explication de cette fable ; car si Jupiter est, selon les Curètes, le premier des dieux et le principe de toute religion, sans doute ils n'ont pas eu l'intelligence des choses divines, ils ne sont pas les interprètes de la vérité, mais les maîtres de l'erreur, et ils l'ont répandue dans le monde en donnant à leur Jupiter la divinité, dont il n'y a que le vrai Dieu qui soit propriétaire.
Qu'on se donne la peine de consulter les livres sacrés, les registres des pontifes, ces monuments de la religion, qui en doivent être les titres les plus authentiques, et je suis sûr qu'on y trouvera de quoi se convaincre que tout ce qu'on estime saint et digne de vénération, ne mérite que le mépris et la risée des gens raisonnables, n'est que vanité, qu'extravagance ; en un mot, qu'impiété et que profanation.
S'il se trouve enfin quelqu'un qui, ayant honte de son erreur, vienne à considérer les choses avec des yeux purifiés par la sagesse, quel ridicule ne découvrira-t-il point dans la plupart des cérémonies qui font partie du culte religieux? Pourra-t-il s'empêcher de rire, ou plutôt de verser des larmes, pour peu que la charité le presse, lorsqu'il verra les sacrés ministres des dieux, les véritables interprètes de leurs volontés, les sages dépositaires des mystères, lors, dis-je, qu'il les verra danser en public, et mêler à des sauts de bouffon des postures de courtisanes ; qu'il les verra courir dans les places, tantôt nus et frottés d'huile comme des athlètes, tantôt couronnés de fleurs comme des victimes, tantôt masqués, déguisés, barbouillés comme d'infâmes comédiens? Que dirai-je des boucliers sacrés que le temps a presque réduits en poussière?12 Cependant ceux qui les portent sur leurs épaules, dans des processions solennelles, croient porter des dieux. Et l'on raconte d'un certain préteur,13 qu'il voulut par un sentiment de dévotion porter un de ces boucliers,14 devant lequel il fit par honneur marcher tous ses huissiers, quoique sa charge l'exemptât de cette fonction. Ce bonhomme n'était-il pas bien fou de s'imaginer qu'un pareil ministère donnerait du lustre à sa dignité? Peut-on enfin voir sans indignation pratiquer sérieusement, et par un esprit de religion, ce qu'on jugerait digne de censure dans les jeux et les divertissements du peuple ?
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Campagna di Roma. ↩
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Ponte mole. ↩
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Jupiter. ↩
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Osiris. ↩
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Ptolémée, roi d'Egypte, le fit assassiner. ↩
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Isis et Osiris. ↩
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Lampsico, ville de Mysie. ↩
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Vesta. ↩
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Dans l'Écrevisse. ↩
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Lindo. ↩
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Fastes, livre IV, v. 207. ↩
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Ils étaient en bois. ↩
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Furius Bibaculus. ↩
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On croyait que le salut de la république était attaché à la conservation de ces boucliers. ↩
Traduction
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The Divine Institutes
Chap. xxi.--of certain deities peculiar to barbarians, and their sacred rites; and in like manner concerning the romans.
We have spoken of the gods themselves who are worshipped; we must now speak a few words respecting their sacrifices and mysteries. Among the people of Cyprus, Teucer sacrificed a human victim to Jupiter, and handed down to posterity that sacrifice which was lately abolished by Hadrian when he was emperor. There was a law among the people of Tauris, a fierce and inhuman nation, by which it was ordered that strangers should be sacrificed to Diana; and this sacrifice was practised through many ages. The Gauls used to appease Hesus and Teutas with human blood. Nor, indeed, were the Latins free from this cruelty, since Jupiter Latialis is even now worshipped with the offering of human blood. What benefit do they who offer such sacrifices implore from the gods? Or what are such deities able to bestow on the men by whose punishments they are propitiated? But this is not so much a matter of surprise with respect to barbarians, whose religion agrees with their character. But are not our countrymen, who have always claimed for themselves the glory of gentleness and civilization, found to be more inhuman by these sacrilegious rites? For these ought rather to be esteemed impious, who, though they are embellished with the pursuits of liberal training, turn aside from such refinement, than those who, being ignorant and inexperienced, glide into evil practices from their ignorance of those which are good. And yet it is plain that this rite of immolating human victims is ancient, since Saturn was honoured in Latium with the same kind of sacrifice; not indeed that a man was slain at the altar, but that he was thrown from the Milvian bridge into the Tiber. And Varro relates that this was done in accordance with an oracle; of which oracle the last verse is to this effect: "And offer heads to Ades, and to the father a man." 1 And because this appears ambiguous, both a torch and a man are accustomed to be thrown to him. But it is said that sacrifices of this kind were put an end to by Hercules when he returned from Spain; the custom still continuing, that instead of real men, images made from rushes were cast forth, as Ovid informs us in his Fasti: 2 "Until the Tirynthian came into these lands, gloomy sacrifices were annually offered in the Leucadian manner: he threw into the water Romans made of straw; do you, after the example of Hercules, cast 3 in the images of human bodies."
The Vestal virgins make these sacred offerings, as the same poet says: 4 "Then also a virgin is accustomed to cast from the wooden bridge the images of ancient men made from rushes."
For I cannot find language to speak of the infants who were immolated to the same Saturn, on account of his hatred of Jupiter. To think that men were so barbarous, so savage, that they gave the name of sacrifice to the slaughter of their own children, that is, to a deed foul, and to be held in detestation by the human race; since, without any regard to parental affection, they destroyed tender and innocent lives, at an age which is especially pleasing to parents, and surpassed in brutality the savageness of all beasts, which--savage as they are--still love their offspring! O incurable madness! What more could those gods do to them, if they were most angry, than they now do when propitious, when they defile their worshippers with parricide, visit them with bereavements, and deprive them of the sensibilities of men? What can be sacred to these men? Or what will they do in profane places, who commit the greatest crimes amidst the altars of the gods? Pescennius Festus relates in the books of his History by a Satire, that the Carthaginians were accustomed to immolate human victims to Saturn; and when they were conquered by Agathocles, the king of the Sicilians, they imagined that the god was angry with them; and therefore, that they might more diligently offer an expiation, they immolated two hundred sons of their nobles: "So great the ills to which religion could prompt, which has ofttimes produced wicked and impious deeds." What advantage, then, did the men propose by that sacrifice, when they put to death so large a part of the state, as not even Agathocles had slain when victorious?
From this kind of sacrifices those public rites are to be judged signs of no less madness; some of which are in honour of the mother of the gods, in which men mutilate themselves; others are in honour of Virtus, whom they also call Bellona, in which the priests make offsprings not with the blood of another victim, but with their own. 5 For, cutting their shoulders, and thrusting forth drawn swords in each hand, they run, they are beside themselves, they are frantic. Quintilian therefore says excellently in his Fanatic: "If a god compels this, he does it in anger." Are even these things sacred? Is it not better to live like cattle, than to worship deities so impious, profane, and sanguinary? But we will discuss at the proper time the source from which these errors and deeds of such great disgrace originated. In the meantime, let us look also to other matters which are without guilt, that we may not seem to select the worse parts through the desire of finding fault. In Egypt there are sacred rites in honour of Isis, since she either lost or found her little son. For at first her priests, having made their bodies smooth, beat their breasts, and lament, as the goddess herself had done when her child was lost. Afterwards the boy is brought forward, as if found, and that mourning is changed into joy. Therefore Lucan says, "And Osiris never sufficiently sought for." For they always lose, and they always find him. Therefore in the sacred rites there is a representation of a circumstance which really occurred; and which assuredly declares, if we have any intelligence, that she was a mortal woman, and almost desolate, had she not found one person. And this did not escape the notice of the poet himself; for he represents Pompey when a youth as thus speaking, on hearing the death of his father: "I will now draw forth the deity Isis from the tomb, and send her through the nations; and I will scatter through the people Osiris covered with wood." This Osiris is the same whom the people call Serapis. For it is customary for the names of the dead who are deified to be changed, that no one, as I believe, may imagine them to be men. For Romulus after his death became Quirinus, and Leda became Nemesis, and Circe Marica; and Ino, when she had leapt into the sea, was called Leucothea; and the mother Matuta; and her son Melicerta was called Palaemon and Portumnus. And the sacred rites of the Eleusinian Ceres are not unlike these. For as in those which have been mentioned the boy Osiris is sought with the wailing of his mother, so in these Proserpine is carried away to contract an incestuous marriage with her uncle; and because Ceres is said to have sought for her in Sicily with torches lighted from the top of Etna, on this account her sacred rites are celebrated with the throwing of torches.
At Lampsacus the victim to he offered to Priapus is an ass, and the cause of the sacrifice of this animal is thus set forth in the Fasti:--When all the deities had assembled at the festival of the Great Mother, and when, satiated with feasting, they were spending the night in sport, they say that Vesta had laid herself on the ground for rest, and had fallen asleep, and that Priapus upon this formed a design against her honour as she slept; but that she was aroused by the unseasonable braying of the ass on which Silenus used to ride, and that the design of the insidious plotter was frustrated. On this account they say that the people of Lampsacus were accustomed to sacrifice an ass to Priapus, as though it were in revenge; but among the Romans the same animal was crowned at the Vestalia (festival of Vesta) with loaves, 6 in honour of the preservation of her chastity. What is baser, what more disgraceful, than if Vesta is indebted to an ass for the preservation of her purity? But the poet invented a fable. But was that more true which is related by those 7 who wrote "Phenomena," when they speak concerning the two stars of Cancer, which the Greeks call asses? That they were asses which carried across father Liber when he was unable to cross a river, and that he rewarded one of them with the power of speaking with human voice; and that a contest arose between him and Priapus; and Priapus, being worsted in the contest, was enraged, and slew the victor. This truly is much more absurd. But poets have the licence of saying what they will. I do not meddle with a mystery so odious; nor do I strip Priapus of his disguise, lest something deserving of ridicule should be brought to light. It is true the poets invented these fictions, but they must have been invented for the purpose of concealing some greater depravity. Let us inquire what this is. But in fact it is evident. For as the bull is sacrificed to Luna, 8 because he also has horns as she has; and as "Persia propitiates with a horse Hyperion surrounded with rays, that a slow victim may not be offered to the swift god;" so in this case no more suitable victim could be found than that which resembled him to whom it is offered.
At Lindus, which is a town of Rhodes, there are sacred rites in honour of Hercules, the observance of which differs widely from all other rites; for they are not celebrated with words of good omen 9 (as the Greeks term it), but with revilings and cursing. And they consider it a violation of the sacred rites, if at any time during the celebration of the solemnities a good word shall have escaped from any one even inadvertently. And this is the reason assigned for this practice, if indeed there can be any reason in things utterly senseless. When Hercules had arrived at the place, and was suffering hunger, he saw a ploughman at work, and began to ask him to sell one of his oxen. But the ploughman replied that this was impossible, because his hope of cultivating the land depended altogether upon those two bullocks. Hercules, with his usual violence, because he was not able to receive one of them, killed both. But the unhappy man, when he saw that his oxen were slain, avenged the injury with revilings,--a circumstance which afforded gratification to the man of elegance and refinement. For while he prepares a feast for his companions, and while he devours the oxen of another man, he receives with ridicule and loud laughter the bitter reproaches with which the other assails him. But when it had been determined that divine honours should be paid to Hercules in admiration of his excellence, an altar was erected in his honour by the citizens, which he named, from the circumstance, the yoke of oxen; 10 and at this altar two yoked oxen were sacrificed, like those which he had taken from the ploughman. And he appointed the same man to be his priest, and directed him always to use the same revilings in offering sacrifice, because he said that he had never feasted more pleasantly. Now these things are not sacred, but sacrilegious, in which that is said to be enjoined, which, if it is done in other things, is punished with the greatest severity. What, moreover, do the rites of the Cretan Jupiter himself show, except the manner in which he was withdrawn from his father, or brought up? There is a goat belonging to the nymph Amalthea, which gave suck to the infant; and of this goat Germanicus Caesar thus speaks, in his poem translated from Aratus: 11 --
"She is supposed to be the nurse of Jupiter; if in truth the infant Jupiter pressed the faithful teats of the Cretan goat, which attests the gratitude of her lord by a bright constellation."
Musaeus relates that Jupiter, when fighting against the Titans, used the hide of this goat as a shield, from which circumstance he is called by the poets shield-bearer. 12 Thus, whatever was done in concealing the boy, that also is done by way of representation in the sacred rites. Moreover, the mystery of his mother also contains the same story which Ovid sets forth in the Fasti:--
"Now the lofty Ida resounds with tinklings, that the boy may cry in safety with infant mouth. Some strike their shields with stakes, some beat their empty helmets. This is the employment of the Curetes, this of the Corybantes. The matter was concealed, and imitations of the ancient deed remain; the attendant goddesses shake instruments of brass, and hoarse hides. Instead of helmets they strike cymbals, and drums instead of shields; the flute gives Phrygian strains, as it gave before."
Sallust rejected this opinion altogether, as though invented by the poets, and wished to give an ingenious explanation of the reasons for which the Curetes are said to have nourished Jupiter; and he speaks to this purport: Because they were the first to understand the worship of the deity, that therefore antiquity, which exaggerates all things, made them known as the nourishers of Jupiter. How much this learned man was mistaken, the matter itself at once declares. For if Jupiter holds the first place, both among the gods and in religious rites, if no gods were worshipped by the people before him, because they who are worshipped were not yet born; it appears that the Curetes, on the contrary, were the first who did not understand the worship of the deity, since all error was introduced by them, and the memory of the true God was taken away. They ought therefore to have understood from the mysteries and ceremonies themselves, that they were offering prayers to dead men. I do not then require that any one should believe the fictions of the poets. If any one imagines that these speak falsely, let him consider the writings of the pontiffs themselves, and weigh whatever there is of literature pertaining to sacred rites: he will perhaps find more things than we bring forward, from which he may understand that all things which are esteemed sacred are empty, vain, and fictitious. But if any one, having discovered wisdom, shall lay aside his error, he will assuredly laugh at the follies of men who are almost without understanding: I mean those who either dance with unbecoming gestures, or run naked, anointed, and crowned with chaplets, either wearing a mask or besmeared with mud. What shall I say about shields now putrid with age? When they carry these, they think that they are carrying gods themselves on their shoulders. For Furius Bibaculus is regarded among the chief examples of piety, who, though he was praetor, nevertheless carried the sacred shield, 13 preceded by the lictors, though his office as proetor gave him an exemption from this duty. He was therefore not Furius, but altogether mad, 14 who thought that he graced his praetorship by this service. Deservedly then, since these things are done by men not unskilful and ignorant, does Lucretius exclaim:--
"O foolish minds of men! O blinded breasts! In what darkness of life and in how great dangers is passed this term of life, whatever be its duration!"
Who that is possessed of any sense would not laugh at these mockeries, when he sees that men, as though bereft of intelligence, do those things seriously, which if any one should do in sport, he would appear too full of sport and folly?
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Or, lights. The oracle is ambiguous, since the word phos signifies a man, and also light. [i.e., pho`s = man, and phos = light.] ↩
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v. 629. ↩
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Jace. Others read "jaci." ↩
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v. 621. ↩
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So the priests of Baal cut themselves, 1 Kings xviii. 28. ↩
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Panibus, loaves made in the shape of crowns. ↩
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[See this page, note 6, infra.] ↩
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The moon. ↩
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euphemia. It was supposed that words of ill omen, if uttered during the offering of a sacrifice, would render the gods unpropitious: the priest therefore, at the commencement of a sacrifice, called upon the people to abstain from ill-omened words: euphemeite, "favete linguis." ↩
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Bou'zugon. ↩
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Aratus was the author of two Greek astronomical poems, the Phaino'mena and the Diosemeia Virgil, in his Georgics, has borrowed largely from the latter. Germanicus Caesar, the grandson of Augustus, as stated in the text, translated the Phaino'mena. ↩
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aigiochos; "scutum habens." ↩
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Ancile, the sacred shield, carried by the Salii, or priests of Mars, in the processions at the festival of that deity. ↩
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Non Furius, sed plane furiosus. ↩