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Œuvres Lactance (250-325) Divinae Institutiones Institutions Divines
LIVRE IV.

XXIV.

Considérons maintenant s'il est possible qu'un docteur descendu du ciel ne soit pas parfait. Je ne parle point ici de celui que les infidèles ne veulent pas reconnaître comme envoyé de Dieu. Je suppose qu'il y en ait un qui doive être envoyé pour instruire les hommes et pour leur apprendre à garder la justice ; personne ne doute qu'un docteur descendu du ciel ne doive être parfait en science et en vertu, parce qu'autrement il ne serait pas fort différent d'un docteur de la terre. L'homme ne saurait être savant de lui-même. Un esprit engagé avec le corps et accablé sous la pesanteur de la matière ne comprendra jamais la vérité sans que quelqu'un la lui enseigne. Quand il la pourrait comprendre, il ne pourrait acquérir une vertu parfaite, ni résister à quantité d'erreurs dont il a le principe au milieu de soi. Un docteur descendu du ciel étant d'une nature divine et éternelle, possède au contraire l'éminence de la science et de la vertu, et a tout ce qui est nécessaire pour enseigner parfaitement. Il ne peut pourtant s'acquitter de ce devoir sans prendre un corps mortel ; et la raison en est évidente. S'il paraît comme Dieu, des yeux aussi faibles que les nôtres ne seront pas capables de soutenir l'éclat de sa majesté. De plus, il n'enseignera pas la vertu parce qu'il ne la pratiquera pas; et ainsi il manquera quelque chose à sa doctrine. C'est une vertu de souffrir la douleur pour la défense de la justice, de mépriser les menaces de la mort, et même de la subir. Un docteur, pour être parfait, doit non seulement faire ces commandements-là, mais aussi les confirmer par son exemple. Quiconque donne des préceptes, doit ôter toute sorte d'excuses de ne les point observer. Il faut qu'il impose la nécessité d'obéir, non par aucune violence, mais par une honnête preuve qui ne détruise point la liberté, et qui n'empêche point que ceux qui obéissent ne reçoivent leur récompense, parce qu'ils pourraient ne pas obéir, et que ceux qui n'obéissent pas ne reçoivent leur châtiment parce qu'ils pouvaient obéir s'ils avaient voulu. Il faut donc que celui qui veut enseigner fasse ce qu'il enseigne ; qu'il marche le premier, et qu'il tienne par la main celui qui le suit. Mais comment pourra-t-il faire ce qu'il enseigne, s'il n'est pas semblable à celui qu'il enseigne? Si celui qui enseigne est exempt de passions, celui qu'il enseigne lui pourra répondre : « Je voudrais bien ne point pêcher, mais je succombe à la tentation. Je suis environné d'une chair faible et fragile qui forme de mauvais désirs, qui entre en colère, qui se laisse abattre par la douleur, qui appréhende la mort. Je suis entraîné malgré moi, et je pèche par contrainte plutôt que par choix. Je sais fort bien que je fais mal, mais je ne saurais surmonter ma mauvaise inclination. » Que répondra le docteur de la justice, et comment montrera-t-il que l'excuse tirée de l'infirmité de la chair est une excuse vaine et frivole, s'il n'a lui-même une chair, et qu'il ne fasse voir par son exemple qu'elle n'est point incapable de vertu ? L'expérience est le meilleur de tous les moyens pour confondre les esprits désobéissants et rebelles. Jamais vous ne ferez recevoir votre doctrine si vous ne la pratiquez le premier. Les hommes sont portés d'eux-mêmes au vice, et quand ils le commettent, ils tâchent de faire croire non seulement qu'ils ont des excuses qui méritent le pardon, mais encore qu'ils ont des raisons auxquelles on ne saurait refuser des louanges. Il est donc nécessaire que celui qui entreprend d'enseigner la vertu soit semblable à l'homme, afin qu'en surmontant le péché il fasse voir par son exemple que le péché n'est pas insurmontable. S'il est immortel, jamais il ne servira d'exemple. Il se trouvera toujours des esprits rebelles et opiniâtres qui lui diront: « Vous ne faites point de mal, parce que vous n'avez point de corps. Vous ne désirez rien, parce qu'étant immortel vous n'avez aucun besoin. Mais moi, j’ai besoin de beaucoup de choses pour conserver ma vie. Vous n'appréhendez point la mort, parce qu'elle n'a pas de pouvoir sur vous. Vous méprisez ta douleur, parce que vous êtes au-dessus de toutes les violences qui peuvent venir de dehors. Mais j'appréhende la douleur et la mort, parce qu'elles sont très sensibles à une chair aussi faible que la mienne. « Celui qui voulait enseigner la justice, a dû ôter cette excuse, par laquelle les hommes prétendaient que, quand ils faisaient mal, c'était plutôt par nécessité que par leur faute. Il faut que, pour être un docteur parfait, son disciple n'ait rien à lui reprocher, et que s'il lui objecte que ce qu'il commande est impossible, il lui puisse répondre : « Cela n'est pas impossible puisque je l'accomplis. » S'il lui dit : « Je suis revêtu d'un corps auquel le péché semble propre et comme naturel ; » qu'il lui réponde: « Je suis aussi revêtu d'un corps semblable, et cependant le péché ne domine point en moi. » S'il lui dit : « il ne m'est pas aisé de mépriser les richesses, parce que l'on ne saurait se nourrir à moins que d'avoir du bien ; » qu'il répande : « J'ai un corps à nourrir, et je combats pourtant contre les désirs des biens de la terre. » S'il dit : « Je suis trop faible pour supporter la douleur et la mort pour l'intérêt de la justice; » qu'il lui réponde : « La mort et la douleur ont le même pouvoir sur moi que sur vous, et cependant je les surmonte pour vous apprendre à les surmonter. Si je me contentais de commander, vous auriez quelque prétexte de désobéir ; mais puisque je marche le premier, vous ne sauriez vous dispenser de nie suivre. » Ainsi l'homme n'a plus d'excuse. Il est obligé d'avouer que s'il est injuste, c'est par sa faute, et qu'il n'est pas moins coupable d'avoir méprisé les exemples que d'avoir violé les lois. Il paraît, par tout ce que je viens de dire, combien un docteur mortel qui peut servir de modèle est meilleur qu'un immortel qui n'en peut servir, et qui, étant exempt de toute sorte de maux, ne saurait enseigner la patience avec laquelle on les souffre. Je ne prétends pas par là préférer l'homme à Dieu ; je prétends seulement montrer deux choses: l'une, qu'un homme ne saurait être docteur parfait, s'il n'est aussi Dieu et s'il n'a une autorité divine pour se faire obéir ; l'autre, que Dieu ne le saurait être non plus, s'il ne se revêt d'un corps, afin d'obliger les hommes par son exemple à l'observation de ses lois. Il est donc clair que celui qui veut enseigner la justice doit avoir un corps, et que sans cela jamais sa doctrine ne pourrait s'établir solidement parmi les hommes. Ce corps, tout faible qu'il est, le rend capable de pratiquer les venus qu'il conseille, en l'assujettissant à la douleur et à la mort, ou lui fournit la matière de la patience et des autres vertus, dont il ne saurait persuader la pratique autrement qu'en faisant voir par ses actions qu'elle n'est pas impossible.

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