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Œuvres Lactance (250-325) Divinae Institutiones Institutions Divines
LIVRE V.

III.

Le reproche que l'on fait aux apôtres d'avoir été grossiers ou ignorants ne s'accorde pas avec le soupçon que l'on pourrait concevoir qu'ils eussent eu la volonté ou l'adresse de tromper. Pour imposer au peuple, il faut inventer une doctrine dont les conclusions aient quelque liaison avec les principes. Or c'est ce que des hommes grossiers et ignorants ne sauraient faire, puisque les plus subtils et les plus savants des philosophes, comme Platon, Aristote, Epicure, Zénon, ont avancé des contradictions, et n'ont pas toujours été d'accord avec eux-mêmes; c'est la nature de la fausseté de se démentir soi-même. La doctrine des apôtres se soutient au contraire, parce qu'elle est établie sur des fondements inébranlables et que les points qui la composent sont étroitement unis ensemble. Elle persuade, parce qu'elle est appuyée sur des principes à l'évidence desquels nul esprit ne peut résister. Les apôtres n'ont eu garde d'inventer cette religion par intérêt, et à dessein de s'en servir comme d'un moyen de se procurer les commodités temporelles. Ils enseignaient et gardaient une manière de vie éloignée de toutes sortes de voluptés. Ils faisaient profession fie mépriser tout ce que le monde estime et admire comme des biens. Non seulement ils ont souffert la mort pour la défense de la foi, mais ils ont prédit qu'ils la souffriraient, et que ceux qui survivraient à leur prédication seraient tourmentés avec toute sorte de cruauté.

L'auteur dont je viens de parler assure que le Sauveur ayant été chassé par les Juifs, assembla neuf cents hommes et se mit à leur tête pour commettre des brigandages. Qui pourrait douter de la vérité d'une parole appuyée sur un si important témoignage? Il faut sans doute le croire, et Apollon lui a révélé cela durant son sommeil. On exécute souvent des voleurs à mort. Vous en avez vous-même condamné plusieurs. Y en a-t-il jamais eu quelqu'un qui, après sa mort, ait été mis au nombre, je ne dirai pas des dieux, mais des hommes ? Peut-être que vous avez cru que Jésus-Christ a été un voleur, parce que les païens ont mis Mars au nombre des dieux, bien qu'il ait été homicide? Ce qu'ils n'auraient pourtant jamais fait s'il avait été condamné à être crucifié par ordre de l'aréopage.

Quand dans la suite de son ouvrage il parle des miracles opérés par le Sauveur, il n'oserait nier que ce ne soient de vrais miracles; mais il tâche d'en obscurcir l'éclat en les comparant à d'autres qu'il attribue à Apollonius, et qu'il prétend avoir été ou aussi grands que ceux du Sauveur, ou même plus grands. Je m'étonne qu'il n'ait rien dit d'Apulée, de qui l'on raconte des choses fort merveilleuses et fort surprenantes. Pourquoi, ô insensé que vous êtes, personne n'adore-t-il Apollonius comme un dieu, si ce n'est peut-être vous qui serez éternellement puni avec eux par la justice du Dieu véritable ! Si Jésus-Christ a fait ses miracles par le secours de l'art magique, il y était sans doute moins habile qu'Apollonius, puisqu'il se laissa prendre et attacher à la croix ; au lieu que l'autre ayant été arrêté et mené devant les juges sous le règne de Domitien qui avait dessein de châtier ses impostures, s'échappa d'entre les mains de ceux qui le gardaient, et disparut en un instant. Il a peut-être voulu accuser Jésus-Christ d'orgueil pour s'être fait adorer comme un dieu, au lieu qu'Apollonius a été plus retenu, bien que, selon le sentiment de cet auteur, il ait fait de plus grands miracles que notre Sauveur. Je ne ferai point ici le parallèle des actions extraordinaires de l'un et de l'autre, parce que j'ai dit assez de choses des illusions et des impostures de l'art magique dans les deux premiers livres de cet ouvrage. Mais je soutiens qu'il n'y a personne qui ne désire rendre son nom immortel ; c'est la plus forte passion des princes; c'est pour cela que les hommes ont soin qu'on fasse leurs portraits, qu'on leur érige des statues, et qu'après leur mort on leur élève de magnifiques tombeaux; c'est pour cela qu'ils se portent à des actions éclatantes qui passent à la postérité la plus éloignée, et qu'ils s'exposent volontairement à la mort pour le salut de leur patrie ; c'est pour ce dessein-là même que vous avez voulu laisser aux siècles suivants cet infâme et détestable monument de votre esprit, qui n'est bâti que de limon et de boue. Il n'y a donc nulle apparence d'assurer qu'Apollonius ait renoncé à une gloire qu'il aurait recherchée s'il avait pu espérer de l'acquérir. Il n'avait garde de refuser l'immortalité, puisque vous dites vous-même que quelques-uns lui ont rendu des honneurs divins, et que les habitants d'Éphèse lui ont érigé une statue sous le nom d'Hercule Alexicacus.

Mais on n'a pu croire après sa mort que ce fût un dieu, parce que l'on savait qu'il avait été homme et magicien. Voilà pourquoi il usurpa sous un nom étranger les honneurs divins, qu'il ne pouvait et n'osait usurper sous le sien propre. Mais on a pu voir que notre Sauveur était dieu, parce qu'il ne faisait rien par magie, et on l'a vu parce qu'il l'était en effet. « Je n'avoue pas, dit l'auteur que je réfute, que la raison pour laquelle Apollonius n'a pas été généralement révéré comme un dieu, est qu'il n'a pas souhaité de l'être ; je prétends seulement que nous autres, qui ne l'avons pas mis au nombre des dieux, bien qu'il ait fait de très grands miracles, avons été en ce point plus avisés et plus sages que vous qui y avez mis votre Jésus, en considération d'un petit nombre de prodiges qui n'ont rien d'extraordinaire ni de surprenant. » Il ne faut pas s'étonner qu'un homme aussi éloigné que vous de la véritable sagesse n'entende rien de ce qu'il lit, puisque le même malheur est arrivé aux Juifs, bien qu'ils lisent continuellement les prophètes depuis plusieurs siècles, et qu'ils aient été dépositaires des secrets de Dieu. Apprenez donc, si vous êtes capable d'apprendre, que ce n'est point à cause que Jésus-Christ a fait des miracles que nous avons cru qu'il est Dieu, mais que c'est à cause que les prédications des prophètes ont été accomplies en sa personne. Quand nous avons vu les miracles de Jésus-Christ, nous les aurions attribués à la magie, comme vous les y avez attribués de même que les Juifs, si les prophètes n'avaient prédit que le Messie ferait ces mêmes miracles. Nous croyons qu'il est Dieu ; mais ce ne sont pas tant ses actions miraculeuses qui nous portent à le croire, que la croix à laquelle il a été attaché, selon les prédictions des prophètes, et contre laquelle vous vous élevez comme des chiens. Ce n'est pas sur son témoignage que la foi de sa divinité est fondée, car on n'ajoute nulle foi au témoignage qu'une personne se rend à elle-même; mais c'est sur les paroles des prophètes qui ont marqué distinctement les circonstances de ses actions et de ses souffrances, ce qui n'est jamais arrivé ni à Apollonius ni à Apulée, et ce qui ne saurait jamais arriver ni à eux ni à aucun autre imposteur. Après que cet auteur a rempli son ouvrage d'un amas prodigieux d'ignorances grossières et de rêveries extravagantes par lesquelles il s'est efforcé de ruiner la vérité, il a l'impudence de lui donner le nom de Discours Véritable. Quel aveuglement ! Il était peut-être disciple d'Anaxagore, qui a soutenu que la neige est noire. Ce n'est pas un moindre aveuglement de donner à la vérité le nom de mensonge et au mensonge le nom de vérité. Cet homme fin et rusé a voulu cacher le loup sous la peau de la brebis, et imposer à ses lecteurs par un faux titre. Mais supposons que cela vous soit échappé par ignorance plutôt que par malice, quelle vérité avez-vous enseignée dans votre livre ? Tout ce que vous y avez fait de bien, c'est que vous y avez trahi la cause des dieux que vous aviez entrepris de défendre. Car en donnant à Dieu les titres qui lui appartiennent et en l'appelant le souverain roi de l'univers, le commun père des hommes, le créateur et le conservateur de tous les êtres, vous avez privé Jupiter de tout pouvoir et vous l'avez réduit à la dépendance. Ainsi la conclusion de votre livre est la plus forte preuve que l'on puisse désirer de votre folie et de votre ignorance. Vous assurez qu'il y a des dieux, et vous les immolez en même temps à la puissance de celui dont vous prétendez détruire le culte.

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