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Que signifient ces paroles de l'apôtre saint Paul dans sa seconde épître aux fidèles de Corinthe : « Nous sommes aux uns une odeur de mort qui les fait mourir, et aux autres une odeur de vie qui les fait vivre; et qui est capable d'un tel ministère? »
Il faut rapporter ici dans toute son étendue l'endroit d'où ces paroles sont tirées, afin que, par la liaison qu'elles ont avec ce qui les précède et ce qui les suit, on puisse mieux comprendre quel en est le véritable sens. « Etant venu à Troade, » dit l'Apôtre, « pour prêcher l'Evangile de Jésus-Christ, quoique le Seigneur m'y eût donné de grandes ouvertures pour m'acquitter de mon ministère, avec succès, je n'ai point eu l'esprit en repos, parce que je n'y avais pas trouvé mon frère Tite ; mais ayant pris congé d'eux, je m'en suis allé en Macédoine. Cependant je rends grâces à Dieu qui nous fait toujours triompher en Jésus-Christ, et qui répand par nous en tous lieux l'odeur de la connaissance de son nom; car nous sommes devant Dieu la bonne odeur de Jésus-Christ, soit à l'égard de ceux qui se sauvent, soit à l'égard de ceux qui se perdent; aux uns une odeur de mort qui les fait mourir, et aux autres une odeur de vie qui les fait vivre; et qui est capable d'un tel ministère? Car nous ne sommes pas comme plusieurs qui corrompent la parole de Dieu, mais nous la prêchons avec une entière sincérité, comme de la part de Dieu, en la présence de Dieu, et au nom de Jésus-Christ. »
Saint Paul instruit ici les fidèles de Corinthe de tout ce qu'il a fait et de tout ce qu'il a souffert, et comment il a toujours rendu grâces à Dieu dans quelque situation où il se soit trouvé, afin de les animer par son exemple à combattre généreusement pour les intérêts de la foi. « Je suis venu, » dit-il, « à Troade, » qui auparavant s'appelait Troie, « afin de prêcher l'Évangile de Jésus-Christ »en Asie; «mais quoique le Seigneur m'y eût donné de grandes ouvertures pour m'acquitter de mon ministère avec succès, c'est-à-dire: Quoique plusieurs personnes, convaincues par les miracles et les prodiges que Dieu opérait par mon ministère, eussent cru en Jésus-Christ, et que j'eusse tout sujet d'espérer de voir naître et augmenter la foi parmi ces peuples par la grâce du Seigneur, cependant «je n'ai point eu l'esprit en repos;» c'est-à-dire: Je n'ai pu jouir de la consolation que j'espérais y trouver, parce que je n'y ai point rencontré mon frère Tite, comme je m'en étais flatté, ayant ouï dire qu'il y était, ou lui-même m'ayant promis de s'y rendre.
Mais quelle si grande consolation et quel repos d'esprit saint Paul pouvait-il recevoir de la présence de Tite, et pourquoi son absence l'oblige-t-elle à prendre congé des habitants de Troade pour' aller en Macédoine? J'ai déjà dit quelquefois que l'apôtre saint Paul était très savant, ayant été instruit « aux pieds de Gamaliel, » qui, selon les Actes des apôtres, avait dit dans le conseil des Juifs : «Pourquoi vous embarrasser de ce que font ces gens-là? Car si ce qu'ils prêchent est l'ouvrage de Dieu, vous ne sauriez le détruire , et si c'est l'ouvrage de l'homme, il tombera de lui-même. , Or, quoique saint Paul eût une connaissance parfaite des saintes Ecritures, qu'il fût naturellement éloquent, et qu'il possédât le don de parler plusieurs langues, comme il s'en glorifie lui-même au Seigneur, en disant : «Je loue mon Dieu de ce que j'ai le don des langues plus que vous tous, » cependant il ne pouvait pas s'exprimer en grec d'une manière digne de la majesté et de la grandeur de nos mystères. Ainsi Tite lui servait d'interprète, de même que saint Marc en servait à saint Pierre, sur les relations duquel il a écrit son Evangile. Aussi voyons-nous que les deux épîtres qu'on attribue à saint Pierre sont d'un style et d'un tour bien différent; ce qui fait juger qu'il a été obligé quelquefois de se servir de différents interprètes.