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Magnence, enflé de ce succès, crut devoir continuer la guerre avec ardeur, et s’étant avancé jusqu’à une plaine près de Petèce, ville arrosée par le Drave, qui se décharge dans le Danube, il marcha vers la Pannonie, à dessein de donner bataille aux environs de Sirmium. On dit que sa mère lui ayant conseillé de ne point aller en Illyrie, il méprisa son conseil, bien qu’il eût souvent reconnu par le passé qu’elle avait une grande connaissance de l’avenir, et que ses prédictions étaient souvent véritables. Comme il délibérait s’il ferait un pont sur le Save, ou s’il le passerait sur des vaisseaux, Constance lui envoya Philippe, homme de qualité, et d’une rare prudence, sous prétexte de traiter de paix avec lui, mais en effet pour reconnaître l’état de son armée et le dessein de sa marche. Celui-ci rencontra en chemin Marcellin, qui était en plus grande considération auprès de Magnence qu’aucun autre, et ils allèrent ensemble le trouver.
Magnence ayant assemblé son armée et permis à Philippe de proposer ce qui lui plairait, il dit aux soldats qu’étant sujets de l’empire, ils ne devaient pas employer leurs forces à sa ruine, surtout en un temps où il était gouverné par un fils de Constantin, sous les enseignes duquel ils avaient remporté de si glorieuses victoires sur les Barbares. Adressant ensuite la parole à Magnence, il lui remontra qu’il devait conserver la mémoire des bienfaits qu’il avait reçus de Constantin et de ses enfants, et lui proposa enfin d’abandonner l’Italie et de se contenter de commander dans les pays qui sont au-delà des Alpes.