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Théodose ne put approuver cet avis, tant à cause de la lâcheté de son naturel, que de la mollesse à laquelle il s’était accoutumé, et pour justifier l’éloignement qu’il avait de la guerre, il usa du prétexte de représenter que la guerre civile ne manque jamais d’avoir des suites funestes, et que de quelque côté qu’elle frappe, elle ne porte point de coups qui ne soient mortels. Il ajouta qu’il fallait envoyer une ambassade à Maxime, que s’il voulait rendre ce qu’il avait usurpé, et entretenir la paix, Valentinien partagerait avec lui l’empire comme auparavant, sinon qu’on prendrait les armes contre l’usurpateur. Aucun du sénat n’osa réfuter cette proposition, qui semblait avantageuse au bien de l’état. Mais Justine, qui était habile dans les affaires, et qui ne manquait pas d’adresse pour trouver des expédients, sachant que Théodose était fort amoureux de son naturel, mit devant lui Galla, sa fille, qui était une personne d’une excellente beauté, et s’étant jetée à ses genoux, et les ayant embrassés, le supplia de ne pas laisser impunie la mort de Gratien, qui lui avait mis la couronne sur la tête, ni de L’abandonner dans le désespoir où elle était. En faisant cette prière, elle lui montra sa fille qui fondait en larmes, et qui déplorait son malheur. Théodose fut touché par ses discours, et témoigna par ses regards qu’il était touché de la beauté de Galla. Il remit l’affaire à un autre temps, et leur dit qu’elles eussent bonne espérance. Sa passion pour Galla étant accrue, il la demanda en mariage à Justine, sa femme Placide étant morte auparavant. Elle ne promit de la lui donner qu’à la charge qu’il entreprendrait la guerre contre Maxime pour venger la mort de Gratien, et pour rétablir Valentinien sur le trône. Ayant donc épousé Galla, il se prépara sérieusement à la guerre, à laquelle il était incessamment poussé par sa femme, et augmenta la paie des soldats pour exciter leur courage. Il se corrigea si fort de la trop grande inclination qu’il avait eue pour l’oisiveté et pour le plaisir, que pourvoyant non seulement au présent mais encore à l’avenir, il donna ordre à tout ce qu’on devait faire après son départ, et en son absence.