52.
Il n’y eut point d’honnêtes gens à qui une action si cruelle ne donnât de l’indignation; et cependant Rufin en fut récompensé du consulat, comme si c’eût été une action fort louable. On suscita des affaires très injustes à Tatien et à Proculus son fils, bien qu’ils n’eussent jamais offensé Rufin en aucune chose, si ce n’est en s’acquittant de leurs charges, l’un de celle de préfet du prétoire, et l’autre de celle de gouverneur de la ville, avec une parfaite intégrité. Pour venir plus aisément à bout des détestables desseins qu’on avait formés contre eux, on ôta à Tatien sa charge qu’on donna à Rufin, et on intenta une accusation contre lui. Non seulement Rufin présidait à ce jugement, mais encore il en avait toute l’autorité, bien qu’il y eût en apparence d’autres juges avec lui. Proculus s’étant enfui pour éviter ce piège, Rufin appréhendant qu’il ne lui fit des affaires fâcheuses par son adresse, trompa le père par des caresses et par des serments, et porta l’empereur à dissiper ses justes soupçons par de vaines espérances, et à l’obliger à rappeler son fils. Il ne fut pas si tôt de retour qu’il fut enfermé dans une étroite prison. Tatien fut renvoyé en son pays. On tint plusieurs séances pour examiner le procès de Proculus; et enfin, ainsi que Rufin et les autres juges étaient convenus ensemble, il fut condamné à perdre la vie dans le faubourg de Sicé. L’empereur ayant eu avis de l’arrêt, envoya la grâce au condamné; mais celui qui la portait tarda si fort par le commandement de Rufin, qu’il n’arriva qu’après l’exécution.