15.
Quant à Léon il se tenait aux environs de l'Hellespont, sans oser en venir aux mains avec Tribigilde, et il disait qu'il avait peur que Tribigilde n'envoyât une partie de ses troupes par des chemins détournés pour faire le dégât sur les terres qui sont aux environs de l’Hellespont. Ainsi Tribigilde, ne trouvant point de résistance, prenait loufes les villes qu’il lui plaisait d’attaquer, et tuait les habitants et les soldats. Il n’y avait point alors d’étrangers qui combattissent pour la défense de l’empire; au contraire, dès que le combat était commencé, ils se joignaient à ceux de leur pays et se déclaraient contre les Romains. Gaina faisait semblant d’être fâché des disgrâces de l’empire, et d’admirer les stratagèmes de Tribigilde qu’il disait être plus à craindre pour sa prudence que pour ses forces. Il entra en Asie sans y rien faire, se contentant de regarder comme un spectateur oisif ce qui y avait été fait, de rire de la ruine des villes et de la campagne, d'attendre l'arrivée de Tribigilde, de lui envoyer secrètement des troupes pour favoriser ses desseins, sans cependant se déclarer pour son parti. Si, lorsque Tribigilde entra en Phrygie, il eût été droit en Lydie au lieu d’aller en Pisidie, il lui eût été aisé, non seulement de s’en rendre maître, mais aussi de l’Ionie, de passer ensuite dans les îles, de courir tout l’Orient, et de ravager l’Égypte. Mais ce dessein-là ne lui étant pas venu à l’esprit, il aima mieux mener son armée dans la Pamphylie qui touche d’un côté à la Pisidie. Il y trouva des chemins fort mauvais et presque inaccessibles à la cavalerie. Comme il ne paraissait point d’armée qui s’opposât au progrès de ses armes, un certain Valentin, qui demeurait à Selge, ville de Pamphylie, assise sur une hauteur, qui avait quelque notion des lettres et des armes, ayant amassé une troupe de paysans et de valets, accoutumés à se battre contre les voleurs qui couraient dans leur voisinage, il les plaça sur une hauteur qui commande le passage d’où ils pouvaient voir sans être vus.