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Il s’en serait sans doute rendu maître, si l’ardeur extraordinaire dont il était transporté lui eût permis d’attendre une occasion favorable pour l’exécution de son dessein. Mais s’étant trop hâté de s’approcher des murailles, ceux qui les gardaient crièrent au secours. Tous les habitants ayant couru aux armes, avec un tumulte et une confusion aussi étranges que si la ville eût déjà été prise, ils assommèrent les Barbares, et étant moulés au haut des murailles, ils tirèrent sur les troupes de Gaina, et les obligèrent à se retirer.
La ville ayant été préservée de la sorte, sept mille étrangers qui étaient enfermés dedans se réfugièrent dans une église des chrétiens qui est proche du palais. Mais l’empereur commanda de les y tuer, ne jugeant pas que la sainteté dût servir d’asile à leur attentat. Personne n’osa néanmoins entreprendre de les retirer de ce lieu, de peur que le désespoir ne les portât à une vigoureuse défense. On trouva plus à propos de découvrir l’église, à l’endroit qui répond au dessus de l’autel, et de jeter du feu de haut en bas; ce qui ayant été fait, les Barbares furent brûlés. Ceux qui étaient les plus attachés à la religion chrétienne jugeaient que c’était une grande profanation qu’on avait faite.
Gaina, ayant manqué une entreprise si importante, déclara ouvertement la guerre à l’empire, et fit le dégât en Thrace. Il trouva que les villes étaient fermées de bonnes murailles, et défendues par des garnisons, et par des habitants qui s’étaient aguerris par la nécessité que les incursions continuelles des Barbares leur avaient imposée de manier sans cesse les armes. Il n’y avait plus que de l’herbe à la campagne, les bestiaux, les grains et les fruits ayant été enfermés dans les villes. Ainsi Gaina fut obligé de quitter la Thrace pour aller dans la Chersonèse, et pour retourner en Asie par les détroits de l’Hellespont.