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Il faut pourtant avouer que ce n’était par aucune mauvaise intention, ni contre le prince, ni contre l’armée, que Stilicon agissait de la sorte.
Olympius, natif des environs du Pont-Euxin, qui avait une charge considérable à la cour, qui cachait un grand fond de méchanceté sous l’apparence de la piété d’un chrétien, et qui, en contrefaisant l’homme de bien, était entré dans h familiarité particulière de l’empereur, lui tint plusieurs discours capables de lui donner de dangereuses impressions contre Stilicon, et de lui faire croire qu’il n’avait tramé ce voyage d’Orient que pour se défaire du jeune Théodose, et pour élever Eucherius, son fils, sur le trône. Voilà ce qu’il lui disait, selon l’occasion, durant le voyage.
Lorsqu’ils furent à Ticinum, Olympius, en allant visiter les soldats malades (car c’était là un des exercices de sa fausse vertu), leur répétait sans cesse les nièmes discours. Quatre jours après que l’empereur fut arrivé à Ticinum il se fit voir aux gens de guerre dans son palais, et les exhorta à le bien servir coutre Constantin. Dans le temps auquel on n’avait encore fait aucun bruit contre Stilicon, on vit tout d’un coup Olympius faire signe aux soldats, comme pour leur rappeler dans la mémoire ce qu’il leur avait dit en secret; et à l’heure même, comme s’ils eussent été transportés de fureur, ils massacrèrent Liménius, préfet du prétoire au-delà des Alpes, et Chariobaude, mettre de la milice du même pays, qui s’étaient par hasard échappés entre les mains du tyran et retirés vers l’empereur. Ils tuèrent ensuite Vincentius et Salvius, dont l’un était maître de la cavalerie, et l’autre commandait les troupes du palais. La sédition s’étant accrue, l’empereur s’étant retiré en son palais, et quelques officiers s’étant sauvés comme ils avaient pu, les soldats se répandirent par toute la ville et tuèrent les officiers qu’ils trouvèrent cachés dans des maisons, et pillèrent les maisons. Le mal étant monté à un si haut point qu’il semblait qu’on n’y pouvait plus apporter aucun remède, l’empereur se montra au milieu de la ville, avec une simple tunique, sans diadème, sans son habillement de guerre, et sans aucun ornement; et à peine put-il réprimer la fureur des soldats. Tous les magistrats qui furent pris après s’être enfuis furent tués, comme Nœmorius, maître des offices, Patronius, comte du trésor, Salvius, questeur, qui ne put éviter la mort en embrassant les genoux de l’empereur. La sédition ayant continué jusqu’à la nuit, Honorius se retira, de peur qu’on n’attentât à sa personne. Longinien, préfet du prétoire d’Italie, ayant été trouvé par les factieux, fut massacré, de même que plusieurs autres dont on ne saurait faire le dénombrement.