XVIII.
Jusqu'ici, je n'ai fait que jeter des fondements pour fortifier le sens de toutes les Ecritures qui promettent la résurrection de la chair. Cette vérité ayant pour elle d'augustes et légitimes patronages, je veux dire la dignité de la chair en elle-même, la puissance de Dieu, les exemples de cette même puissance, les motifs du jugement, et sa nécessité, il faudra interpréter les Ecritures, d'après Je préjugé de si graves autorités, et non suivant les rêves des hérétiques dont l'incrédulité est tout le fonds. En effet, on ne peut croire, disent-ils, qu'une substance, enlevée par la mort, soit rétablie, quoique dans la chair il n'y ait rien qui répugne à ce rétablissement, quoique ce rétablissement lui-même ne soit pas impossible à Dieu, ni inhabile à ses jugements. Oui, dogme tout-à-fait incroyable, si Dieu ne l'avait annoncé. Toutefois, quand même Dieu ne l'eût pas annoncé, il eût fallu présumer par nous-mêmes, qu'il n'avait pas été révélé d'en haut, à cause de la multitude des autorités qui en établissent la présomption. Mais puisqu'il est proclamé aussi par les voix divines, c'est une raison de plus de ne pas le comprendre autrement que le demandent les témoignages qui nous le persuadent, même sans l'autorité des voix divines. Voyons donc, en premier lieu, sur quelle inscription est gravée notre espérance! Un seul édit de Dieu, j'imagine, est exposé aux regards de tous. Nous y lisons: RÉSURRECTION DES MORTS. Deux mots clairs, décisifs, lumineux. Je les aborderai, je les discuterai à fond, pour savoir à quelle substance ils s'appliquent. Lorsque Von me dit: La résurrection attend l'homme, il faut nécessairement que j'examine quelle partie de lui-même est destinée à tomber par la mort. En effet, rien ne |461 devra se relever que ce qui tombe par la mort. Quand on ignore que c'est la chair qui tombe par la mort, on peut ignorer aussi que c'est elle qui est debout par la vie. La nature proclame assurément ce décret de Dieu: « Tu es terre et tu retourneras dans la terre. » Qui ne l'a point entendu, le voit. Point de mort qui ne soit la destruction des organes. Le Seigneur lui-même a exprimé cette loi de la chair, lorsque, revêtu de cette substance elle-même, il a dit: « Renversez ce temple, et je le rebâtirai dans trois jours. » Par là, il nous montre à qui il appartient d'être détruit, brisé, gisant: au même édifice qui doit être relevé, rebâti. Toutefois, il avait une âme qui pouvait « être triste jusqu'à la mort,' » mais qui ne tombait point par la mort. Aussi, l'Ecriture ajoute-t-elle: « Il parlait de son corps. » Tant il est vrai que c'est la chair que la mort couche dans le sépulcre, pour prendre le nom de cadavre, comme qui dirait, chose qui tombe. L'âme, au contraire, n'a point un nom qui témoigne de sa chute, parce qu'en effet il n'y a point de chute pour elle. Que dis-je? C'est, elle-même qui amène la ruine du corps, en s'exhalant, comme c'est elle-même qui, en rentrant dans le corps, Je relèvera de la terre. Elle ne peut tomber, puisqu'elle l'a relevé en y rentrant. Elle ne peut se précipiter, puisqu'elle l'a brisé à sa sortie. Pressons davantage ce raisonnement. Lorsque la chair tombe dans le sommeil, l'âme n'y tombe pas avec elle, et ne participe point à ses abattements. Elle continue à s'agiter, elle est active pendant le sommeil; si elle était étendue, elle se reposerait: elle serait étendue, si elle tombait. Par conséquent, elle ne connaît point la réalité de la mort, puisqu'elle en ignore jusqu'à l'image.
Maintenant, examine aussi le second mot du décret divin: DES MORTS. A quelle substance s'applique-t-il? Ici, toutefois, nous admettons pour un moment avec l'hérésie la mortalité de l'âme, afin que si l'âme, toute mortelle qu'on la fait, doit ressusciter, il en sorte la présomption |462 que la chair, qui n'est pas moins périssable, doit participer à sa résurrection.
Mais avant, il faut rendre à sa signification la propriété de ce mot. Puisque la résurrection se dit d'une chose qui tombe, c'est-à-dire de la chair, elle se dira également de ce qui est mort, puisque la résurrection des morts n'est que la résurrection d'un être qui a cessé de vivre. Ainsi, nous l'apprenons d'Abraham, ce père des fidèles, homme que Dieu honora de son auguste familiarité. Lorsqu'il demanda aux enfants de Cheth un lieu où il pût inhumer Sara: « Accordez-moi, dit-il, le droit de sépulture au milieu de vous, afin que j'ensevelisse le mort que j'ai perdu, » c'est-à-dire la chair. Supposé même que l'on crut alors à la mortalité de l'âme, et que le mot de mort pût s'appliquer à cette substance, Abraham eût-il demandé un espace de terre pour l'inhumation d'une ame? Que si le mort c'est le corps, la résurrection des morts n'est donc pas autre chose que la résurrection des corps.