XXX.
Je n'ignore pas qu'on torture celle prédiction pour lui donner aussi un sens allégorique. On veut que le Seigneur, en disant: Ces os, c'est toute la maison d'Israël, ait figuré son peuple par ces ossements arides, pris hors de leur signification naturelle: par conséquent, que ce n'est là qu'une image et non une véritable prophétie de la résurrection. La nation juive, dit-on, est réduite à l'humiliation, morte en quelque manière, aride et dispersée dans la plaine de l'univers. Elle est donc représentée sous l'emblème de cette résurrection, parce qu'elle doit se réunir ossement à ossement, c'est-à-dire tribu à tribu, peuple à peuple, et se rassembler en un seul corps de nation. Ces chairs qui la recouvrent, ces nerfs qui lui reviennent, ce sont ses richesses; les sépulcres dont elle est arrachée, ce sont les tristes demeures où elle a gémi dans la captivité. Ainsi délivrée, le rafraîchissement et le repos l'attendent pour toujours dans la Judée, son patrimoine.
Après cela que deviendront les Juifs? Ils mourront sans doute. Et une fois morts? Il n'y a plus, j'imagine, de résurrection, si ce n'est celle qui a été révélée au prophète. D'ailleurs, ce n'est pas la seule preuve qui l'établisse. Donc cette résurrection est vraie, et on ne peut sans témérité l'appliquer à la situation des Juifs. Ou si la résurrection que nous défendons est différente, qu'importé? pourvu qu'il y ait une résurrection des corps comme il y |480 en a une pour l'empire des Juifs. Enfin, le rétablissement des Juifs figuré par ces os, qui reprennent leurs corps et se raniment, est un témoignage de ce que les os éprouveront eux-mêmes. Les os ne pourraient fournir un symbole, si ce symbole lui-même ne devait se réaliser en eux. Car si la représentation réside dans l'image de la vérité, et l'image elle-même dans la vérité de l'être, il est nécessaire que la chose existe pour elle-même avant de servir d'image à un autre.
La similitude ne se fonde pas sur le vide; la parabole sur le néant. Il faudra donc croire que les os revivront et s'animeront comme il est dit, afin que cet événement puisse s'appliquer au rétablissement des Juifs, tel qu'on le suppose.
Mais il est plus conforme à la religion d'expliquer la vérité d'après l'autorité d'une interprétation simple, telle que la réclame le sens de ce tableau divin. Si la vision se rapportait à la situation des Juifs, il n'aurait pas plutôt mis sous les yeux de son prophète le champ de la mort, qu'il se fût hâté de lui dire: « Ces os, c'est toute la maison d'Israël, » et ce qui suit. Mais Dieu, après lui avoir montré ces ossements, parle de l'espérance de la résurrection. Il n'a pas encore nommé Israël, qu'il tente la foi de son prophète: « Fils de l'homme, ces os vivront-ils? » afin qu'il lui répondît: « Seigneur, tu le sais. » Le Seigneur n'aurait point tenté la foi de son prophète sur une chose qui n'eût pas dû avoir lieu, dont Israël n'eût jamais entendu parler, et qu'il n'eût pas fallu croire. Mais la résurrection des morts ayant été d'une part déjà annoncée; de l'autre, Israël, par son incrédulité, sa scandalisant de cette vérité, et, les yeux attachés sur la pourriture des tombeaux, désespérant de cette résurrection; ou plutôt, Israël n'élevant point son esprit jusqu'à la vérité de la résurrection, mais s'arrêtant à ses circonstances, que fait Dieu? Il met sous les yeux de son prophète, qui avait lui-même quelques doutes, le tableau de la résurrection, afin |481 de l'armer de confiance dans la prédication de ce dogme. Ce n'est pas tout. Il commande au peuple de croire ce qu'il a révélé à son prophète. A ceux qui n'admettaient pas que les os pussent ressusciter, il dit: « Vous êtes vous-mêmes ces os qui ressusciteront. » Enfin il termine ainsi: « Et vous saurez que c'est moi, le Seigneur, qui ai parlé et fait. » Il devait donc faire ce qu'il avait annoncé; mais il ne devait point faire ce qu'il avait annoncé, s'il devait le faire autrement.