XXVI.
Voulez-vous donc connaître ceux qui entraînent les hommes aux pieds des idoles : Ce sont les démons dont nous avons parlé, ils sont altérés du sang de leurs victimes et s'en repaissent; ces dieux eux-mêmes, si agréables à la multitude, et dont les noms ont été imposés aux statues, que furent-ils autre chose que de simples mortels, comme le prouve leur histoire? ou plutôt ne peut-on pas prouver par les œuvres que ce sont réellement des démons qui ont emprunté des noms d'hommes? Les uns commandent la mutilation comme Rhéa; d'autres, frappent et blessent comme Diane; les habitants de la Taurique vont même jusqu'à égorger leurs hôtes.
Je ne parle pas de ceux qui se déchirent eux-mêmes avec des fouets ou des couteaux, et des différentes espèces de démons ; ce n'est point Dieu qui pousse à des actes contre nature.
« Si le démon, a dit un poète, prépare aux mortels quelque chose de funeste, il commence d'abord par altérer la raison. »
Mais Dieu, qui est souverainement bon, est toujours bienfaisant; autres sont les êtres qui agissent par ces statues, autres ceux à qui on élève ces statues; Troie et Paros vous en offrent une preuve incontestable : l'une possède les statues de Neryllynus, qui a vécu de notre temps, et l'autre conserve celles d'Alexandre et de Protée. Le tombeau et l'effigie d'Alexandre sont encore sur la place publique ; quant aux sta- tues de Neryllynus, la plupart ne servent que d'ornement (si c'est là toutefois un ornement pour une ville). Il en est une cependant à laquelle on attribue la vertu de rendre des oracles et de guérir les malades : aussi voit-on les habitants du lieu lui offrir des sacrifices, la couvrir d'or et la couronner de fleurs. Mais voyons ce qui concerne les statues d'Alexandre et de Protée : ce dernier, ainsi que vous le savez, s'élança lui-même dans les flammes près d'Olympie; on dit que sa statue rend encore des oracles ; quant à celle d'Alexandre, dont un poète a dit :
« Malheureux Pâris, d'une beauté si rare et d'une fureur si effrénée pour les femmes! »
on leur consacre, comme à un Dieu favorable, des jours de fêtes, on leur offre des sacrifices dont l'état fait les frais. Or, je vous le demande, est-ce donc Neryllynus, Protée et Alexandre qui agissent dans ces statues, ou bien est-ce la nature de la matière dont elles sont faites? Mais la matière n'est autre chose que de l'airain. Or, que peut par lui-même un vil métal auquel il est si facile de faire prendre une autre forme, comme fit Amasis qui, selon Hérodote, convertit un Dieu en un bassin? et que peuvent faire de mieux pour les malades et Neryllynus, et Protée, et Alexandre? Chose particulière, la statue de Neryllynus opérait de son vivant, et lorsqu'il était malade, les prodiges qu'elle fait aujourd'hui, c'est à dire qu'elle guérissait les malades; que ne le guérissait-elle lui-même?