XXIII.
J’ai vu des hommes alourdis par l’entraînement,1 traînant en quelque sorte le fardeau de leurs chairs; des récompenses et des couronnes les attendent; les agonothètes les appellent non pour un acte de bravoure, mais pour une compétition qui n’est qu’insolence et discorde; j’ai vu couronner celui qui frappait le plus fort. Les spectateurs siègent pour applaudir, les adversaires2 combattent sans motif, et nul ne descend leur prêter aide. Et ce ne sont là que les moindres maux ; qui n’hésiterait à dire les pires? Des gens, qui font profession de paresse se vendent eux-mêmes pour être égorgés conséquence de leur débauche. Celui qui a faim se vend, et le riche achète les meurtriers. Avez-vous raison de faire ces choses? Vos magistrats réunissent l’armée des assassins, annonçant publiquement qu’ils vont entretenir des brigands; et ils font paraître ces brigands en public, et tous vous courez au spectacle, vous y devenez les juges aussi bien de la méchanceté de l’agonothète que des gladiateurs eux-mêmes. Celui qui n’a pas pu assister au meurtre s’afflige de n’avoir pas été condamné à devenir le spectateur de ces scélératesses. Vous sacrifiez des animaux pour en manger la viande, et vous achetez des hommes pour offrir à votre âme la vue d’hommes qui s’égorgent entre eux; vous la nourrissez, contre toute piété, du sang versé. Le brigand du moins tue pour voler, tandis que le riche achète des gladiateurs pour tuer.
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La préparation aux jeux. ↩
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On est surpris, dans le texte reçu, de voir désigner les gladiateurs par le mot πυκτεύοντες, qui désigne proprement les pugilistes, et on est surpris également que Tatien parle deux fois, à peu près dans les mêmes termes, des spectateurs (οἱ μαρτυροῦντες καυίζονται). Je crois donc que la phrase que j’ai rendue par les spectateurs, etc. se rapporte aux pugilistes du commencement du chapitre, et je l’ai rétablie à la place qui me semble être la sienne. Elle a pu être déplacée par l’erreur d’un copiste ou d’un réviseur qui aura conclu à tort qu’il s’agit déjà des gladiateurs. ↩