Dérision des philosophes paiens
La puissance de la raillerie était grande sur l'esprit des Grecs. L'un d'eux, dont on ignore la ville natale, philosophe et chrétien zélé du second siècle, Hermias, lançait avec dextérité ces flèches légères, tandis qu'entre les mains des autres Pères orientaux le glaive de la parole sainte, toujours arme défensive, frappait des coups plus salutaires encore. L'opuscule d'Hermias, peu connu, et, en maint endroit, fort obscur, a pour titre les Philosophes païens raillés. Dans un cadre ingénieux et sous une forme vive et piquante, l'auteur, doué d'un vaste savoir, passe en revue tous les rêveurs célèbres du paganisme. Une épithète, un trait, lui suffisent pour caractériser, avec une justesse enjouée, l'homme et le système. Chacun vient exposer rapidement son opinion sur la Divinité, sur l'âme humaine, sur les principes des choses. C'est un petit drame, un peu bouffon vers la fin, qui rappelle, moins le cynisme, la causticité de Lucien vendant, vers la même époque, les philosophes à l'encan, et crayonnant ce Ménippe qui, rebuté de leurs interminables disputes, prend le parti d'imiter Icare, et d'aller voir par lui-même ce qui se passe aux cieux. Mais la plaisanterie du sophiste de Samosate n'aboutit qu'au scepticisme universel, tandis que celle d'Hermias conduit à la foi. Ici les acteurs se succèdent sur la scène, de manière que le second détruit toujours ce qu'avance le premier. Joignez à cela une heureuse flexibilité, qui prévient la monotonie, écueil du sujet, et sait trouver autant de tours nouveaux que l'auteur évoque de personnages. Faiblesse de notre raison abandonnée à elle-même, besoin qu'elle a de la lumière d'en haut, grandeur du bienfait de la révélation : telles sont les conclusions implicites et graves de ce pieux pamphlet, que l'auteur du Voyage d’Anacharsis avait lu sans doute, lorsqu'il fait parler le grand-prêtre de Cérès sur les causes premières.1 Et même, pour se convaincre de l'exactitude des assertions d'Hermias sur la doctrine sommaire de chaque philosophe ancien, on ne consulterait pas sans fruit les sources diverses où Barthélémy a puisé.
Nous traduisons le Διασυρμὸς, en déclarant bien haut qu'aujourd'hui on en sait plus long, on s'exprime plus clairement, on s'accorde infiniment mieux qu'autrefois.
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Voyage d’Anacharsis, chap. XXX. ↩