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Que faire pourtant ? des philosophes qui ont sur Aristote le droit d'aînesse, accourent d'un autre côté, pour m'abêtir. Ainsi, Phérécyde me débite que les causes primordiales sont Zeus, Chthonia et Kronos ; que Zeus est l'air, Chthonia la terre, Kronos le temps ; que l'air engendre, la terre conçoit,1 et le temps fait naître.
Encore, si je ne retrouvais pas la mésintelligence dans cette classe de vieux sages ! Mais, traitant tout cela de balivernes : « Je pose, dit Leucippe, .comme fondement de tout, les infinis, les mobiles, et les parcelles corpusculaires. Les molécules les plus subtiles forment, en s'élevant, l'air et le feu; les plus denses, restant dans les régions inférieures, deviennent eau et terre. »
Combien de temps encore serai-je écartelé entre de pareils enseignements? Ne rencontrerai-je la vérité nulle part ? Voici Démocrite : Il va peut-être me mettre sur la voie. Ecoutons : « L'être et le non-être sont les seuls principes universels. L'être, c'est le plein ; le non-être, c'est le vide. Or, c'est dans le vide que le plein produit toutes choses avec évolution ou rythme. »
J'en croirais peut-être le gentil Démocrite, et volontiers je rirais avec lui, n'était Héraclite, qui me fait encore une fois virer de bord. « Ce pauvre homme se trompe, me dit-il la larme à l'œil : il n'y a d'autre principe du monde que le feu. Le feu passe par deux états : volatil ou lourd, il donne ou reçoit, assemble ou sépare. »
Pour le coup, c'est assez; ce déluge de causes primordiales me donne le vertige. Vainement, de son coin, Epicure me demande grâce pour sa sublime doctrine des atomes et du vide. « Ignores-tu que, par des myriades de combinaisons et sous des formes infinies, mes atomes donnent à tout la vie et la mort? »
Conjugis in gremium laetae descendit, et omnes
Magnus alit, magno commixtas corpore, fetus. (Géorg. l. II, v. 325.)
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Théorie que Virgile, après Lucrèce, a revêtue d'une admirable poésie : Tum pater omnipotens fecundis imbribus Aether ↩