A PERGAMIUS. LVI—CCCLIV.
Pergamius s'était plaint à saint Basile qu'il n'avait pas répondu à une de ses lettres : saint Basile s'excuse sur le défaut de mémoire et sur l'embarras des affaires : il l'invite agréablement à lui écrire, en le priant de n'attribuer son silence à aucun motif d'orgueil.
J'AI naturellement peu de mémoire, et la multitude des affaires augmente encore dans moi cette infirmité naturelle. Quoique je n'aie nulle idée que vous m'avez écrit, je n’ai point de peine à croire que vous l'ayez fait, et je ne saurais vous soupçonner de mentir. Si je ne vous ai pas répondu, ce n'est nullement ma faute ; il faut s'en prendre à celui qui a négligé de me demander la réponse. La lettre que je vous envoie servira d'excuse à ma faute passée; ce seront aussi des avances pour en obtenir de vous une seconde. Quand vous m'écrirez , ne croyez pas que vous commenciez un second. tour ; comptez plutôt que c'est vous acquitter pour ma lettre présente. Quoiqu'elle soit un acquit du passé, comme elle est de moitié plus longue que la vôtre , elle duit suffire pour deux. Vous voyez que la paresse me rend un peu sophiste. Cessez, mon cher ami , de me faire de grands reproches en peu de paroles, d'autant plus que ma faute n'est pas un crime énorme. Oublier ses amis ou les mépriser, lorsqu'on se voit élevé à quelque dignité nouvelle , est ce qu'il y a au monde de plus indigne. Si nous n'avons point de charité, comme le Seigneur nous ordonne d'en avoir, nous ne sommes pas marqués au sceau de ses catins. Si nous nous laissons enfler par un vain faste et par des sentiments d'arrogance, nous ne pouvons nous soustraire à la peine dont a été châtié l'orgueil du démon. Si vous m'avez fait des reproches bien persuadé que je les mérite, priez lieu qu'il me fasse éviter le défaut que vous avez remarqué dans mon caractère. Mais si, comme il n’arrive que trop souvent, votre langue a parlé avant que votre esprit ait assez réfléchi , je me consolerai moi-même, et je vous prierai d’appuyer vos reproches sur des faits. Soyez persuadé que l'oubli prétendu dont vous me faites un crime , est la suite d'une foule de soins qui m'accablent , et que je ne vous oublierai que quand je pourrai m’oublier moi-même. N'imputez donc pas à un défaut de caractère ce qui est l'effet de toutes les affaires qui m'occupent.