CHAPITRE V : DERNIER SIÈGE DES JUIFS APRÈS LE CHRIST
[1] Néron avait régné treize ans [54-68] ; ses successeurs Galba et Othon, seulement dix-huit mois pour les deux [68-69]. Vespasien devenu célèbre par ses combats contre les Juifs fut proclamé empereur en Judée même, par les armées qui s'y trouvaient. Il se mit aussitôt en route pour Rome, laissant à Titus son fils le soin de continuer la lutte. [2] Après l'ascension de notre Sauveur, les Juifs non contents de l'avoir fait périr, dressèrent aux apôtres des embûches sans nombre ; d'abord, Etienne fut lapidé; ensuite, Jacques, fils de Zébédée et frère de Jean, décapité; puis surtout, Jacques, qui avait obtenu le premier après l'ascension de notre Sauveur le siège 254 épiscopal de Jérusalem, fut mis à mort de la manière qui a été racontée. Le reste des apôtres fut aussi l'objet de mille machinations dans le but de les mettre à mort. Chassés de la Judée, ils entreprirent d'aller dans toutes les nations, pour enseigner et prêcher avec la puissance du Christ qui leur avait dit : « Allez enseignez toutes les nations en mon nom. » [3] Le peuple de l'Église de Jérusalem reçut, grâce à une prophétie qui avait été révélée aux hommes notables qui s'y trouvaient, l'avertissement de quitter la ville avant la guerre et d'aller habiter une certaine ville de Pérée que l'on nomme Pella. C'est là que se retirèrent les fidèles du Christ sortis de Jérusalem. Ainsi la métropole des Juifs et tout le pays de la Judée furent entièrement abandonnés par les saints. La justice de Dieu restait au milieu de ceux qui avaient si grandement prévariqué contre le Christ et ses apôtres, pour faire disparaître entièrement du genre humain cette race d'hommes impies.1 [4] Quels malheurs fondirent alors en tous lieux sur le peuple entier ; comment surtout les habitants de la Judée furent poussés jusqu'au comble de l'infortune ; combien de milliers d'hommes, à la fleur de l'âge, sans compter les femmes et les enfants, périrent, par le glaive, la faim et 239 cent autres genres de morts ; combien de villes juives furent assiégées et de quelle façon ; de quelles calamités terribles et plus que terribles furent témoins ceux qui s'étaient réfugiés à Jérusalem, comme dans une métropole fortement défendue ; quel fut le caractère de cette guerre et quelle fut la suite des événements qui s'y succédèrent ; comment, à la fin, l'abomination de la désolation annoncée par les prophètes s'établit dans le temple de Dieu, si illustre autrefois, et qui n'attendait plus que la ruine complète et l'action destructive des flammes : quiconque voudra connaître exactement tout cela pourra le trouver dans l'histoire de Josèphe. [5] Toutefois il est indispensable de transcrire ici les termes mêmes dans lesquels cet écrivain rapporte comment une multitude de trois millions d'hommes qui avait afflué de toute la Judée au temps de la fête de Pâques fut enfermée dans Jérusalem ainsi que dans une prison. [6] II fallait en effet qu'en ces mêmes jours où ils s'étaient efforcés d'accabler des souffrances de la passion le sauveur et bienfaiteur de tous, le Christ de Dieu, ils fussent rassemblés comme dans une prison pour recevoir la mort que leur destinait la divine justice.
[7] Je ne donnerai pas le détail des maux qui leur arrivèrent ; je laisserai ce qui fut tenté contre eux par 241 le glaive ou autrement. Seulement' je crois nécessaire d'exposer les tortures que leur causa la faim : afin que ceux qui liront ce récit puissent savoir en partie comment leur vint le châtiment du ciel qui punit sans tarder le crime commis- contre le Christ de Dieu,
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Πέλλαν : renseignement dû à Eusèbe exclusivement ; voy. les ouvrages cités sur I, vιι, 14. ↩