PRÉFACE DU TRADUCTEUR.
Notre siècle semble avoir pris à tâche de remettre en lumière tous les travaux intellectuels des siècles qui le précèdent; car il comprend que les lettres, les arts et les . sciences ne peuvent pas avoir de fondements plus solides que ceux qui reposent sur l'expérience des temps passés. C'est d'ailleurs un acte de justice que de faire connaître ce que nous devons à nos devanciers, et de leur restituer l'honneur qui leur est dû pour leurs patientes et laborieuses recherches, leurs observations judicieuses, leurs systèmes ingénieux, leurs heureuses découvertes. Recueillons leurs leçons, mettons à profit leur expérience, enrichissons-nous de leurs idées, rien de plus légitime, mais ne laissons pas ignorer que nous leur en sommes redevables, iv et que nous ne faisons que prendre possession de l'héritage que nous a laissé leur génie.
Telles sont sans doute les considérations qui excitent maintenant beaucoup d'hommes laborieux à rechercher avec soin tous les vestiges de la science de nos pères, à feuilleter leurs manuscrits, à revoir les textes de leurs ouvrages et à en donner des traductions fidèles, afin de faire revivre leur pensée dans toute son exactitude. Tels sont aussi les motifs qui nous ont engagé à donner une traduction française du traité de la Nature de l'Homme, par Némésius.
Le nom de Némésius, évêque d'Émèse1, est à peine connu des érudits ; plusieurs historiens de la philosophie ne le mentionnent même pas du tout; cependant il devrait occuper une place honorable parmi les noms les plus illustres de la science, car le traité de la Nature de l'Homme est un ouvrage d'un mérite éminent. On y trouve une morale excellente, une foi vive, des pensées élevées, un raisonnement solide, une vaste érudition.
« Émèse, aujourd'hui Hems, sur l'Oronte, à l'ouest de Palmyre : c'est dans cette ville qu'Héliogabale fut proclamé empereur.
v Non-seulement il est d'une grande importance sous le rapport du christianisme et de la philosophie, mais encore il est du plus haut intérêt sous celui de la physiologie. Car Némésius ne se borne pas à étudier dans l'homme l'être intelligent et moral, il applique aussi à l'être physique son analyse délicate et judicieuse. Ce n'est pas sans étonnement qu'on lit les observations qu'il a écrites, il y a quinze siècles, sur les organes des sens, sur le mouvement régulier de dilatation et de contraction des artères, qui, dit-il, procède du cœur, sur le phénomène de la respiration qu'il compare à celui de la combustion, etc.
On se demande comment ce monument précieux de la science des temps anciens a pu rester dans une sorte d'oubli, tandis qu'il est si digne d'attention et même d'admiration. C'est bien ici le cas de dire : Habent sua fata libelli.
La traduction que nous donnons aujourd'hui de l'ouvrage de Némésius est la seule qui ait été publiée jusqu'à ce jour dans notre langue. Nous nous estimerons heureux si elle peut contribuer à faire connaître davantage vi notre auteur, et à lui faire restituer le rang qui lui est dû.
Au reste nous sommes loin d'avoir la prétention de vouloir être le premier à signaler le mérite du traité de la Nature de l'Homme; car il a obtenu depuis longtemps des suffrages d'un plus grand poids que le nôtre : Van Ellebode2, Jean Fell3, Fabricius4, Brucker5, Haller6, Schœll7, Mathœi8, Gérando9, etc., lui ont déjà rendu une éclatante justice. Nous nous bornerons à reproduire ici l'opinion de notre illustre compatriote.
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Émèse, aujourd'hui Hems, sur l'Oronte, à l'ouest de Palmyre : c'est dans cette ville qu'Héliogabale fut proclamé empereur ↩
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Préface de l'édition de Némésius, imprimée à Anvers, en 1565. ↩
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Préface de l'édition de Némésius, imprimée à Oxford, en 1571. ↩
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Bibl. gr., tome vii, page 540 et suiv. ↩
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Hist. crit. philosoph., tome iii, page 530 et suiv. ↩
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Bibl. anatom., tome 1, page 113 et suiv. ↩
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Hist. de la litt. gr., tome vii, chap. XCII. ↩
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Préface de l'édition de Némésius, imprimée à Hall, en 1802. ↩
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Hist. comp. des Syst. de Philos., tome iv, chap. xxii. ↩