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Mais, puisque j'ai parlé de sollicitude, ce mot me fournit l'occasion de répéter une parole de l'Apôtre; si la cohabitation des hommes avec les femmes et des femmes avec les hommes faisait disparaître ces soucis, saint Paul n'aurait pas dit, en exhortant à la continence Or, je veux que vous soyez sans sollicitude. (I Cor. VII, 32.) C'est comme s'il disait : que voulez-vous? le repos et la liberté? mais ne voyez-vous pas qu'en habitant avec des hommes, vous prenez pour partage la servitude, les peines et des misères de toutes sortes? il arrive souvent que des femmes, après avoir perdu leur époux, ne se marient plus afin de ne pas subir le joug une seconde fois. Si vous êtes pauvre , sans patrimoine , soyez un modèle de vertu, n'ayez rien de commun avec les hommes. Vivez en union avec des femmes vertueuses , vous ne perdrez pas votre couronne et vous jouirez de l'abondance et de la paix. Cela vous paraît difficile : cherchez avec soin, vous trouverez certainement : que dis-je, est-il nécessaire de chercher beaucoup? De même que nous sommes tous attirés vers la lumière, ainsi, quand votre vertu rayonnera au loin, toutes les femmes pieuses vous rechercheront à l'envi; elles se disputeront l'honneur et l'avantage de vous servir et de pourvoir à vos besoins; vous serez regardée par elles comme le soutien de leurs maisons, l'ornement, la couronne de leur vie, selon la parole de Jésus-Christ; car il a dit: Cherchez le royaume de Dieu et toutes ces choses vous seront données par surcroît (Matth. VI, 33), et nous pouvons vous dire, en toute assurance, que la félicité temporelle ne nous est refusée que parce que nous négligeons les choses du ciel; quand je dis nous , je ne parle pas seulement des hommes, mais aussi de vous, et de vous plus encore que des hommes. Dès le commencement du monde la femme fut punie plus sévèrement parce qu'elle contribua davantage à la fauté; Dieu imposa un châtiment plus sévère à celle qui séduisit qu'à celui qui fut séduit tremblez donc pour vous si vous ne voulez pas vous corriger et recouvrer votre première dignité. Lorsque la femme fut reprise pour avoir présenté du fruit défendu, elle n'osa pas se justifier en disant que l'homme, vu sa dignité n'aurait pas dû se laisser persuader et induire en erreur, elle laissa de côté cette misérable défense; elle recourut à une autre, misérable elle aussi, mais qui avait plus d'apparence de raison. Par là on voit qu'il est plus permis à ceux qui sont séduits de rejeter la faute sur ceux qui les séduisent qu'à ceux-ci d'accuser ceux-là.
Une femme de mauvaise vie attire chez elle celui qui déshonore son corps, et après avoir dormi avec lui, elle le renvoie ; mais vous, après avoir appelé celui qui déshonore et souille votre âme, vous l'enfermez dans votre maison, vous ne lui permettez pas de sortir, vous l'enchaînez par la flatterie, par les caresses, liens difficiles à dénouer, et, travaillant à satisfaire votre vaine gloire, vous vous couvrez de honte.
Ah ! dites-moi , vous ne réfléchissez donc pas à la vie présente? Qu'elle est courte! n'estce pas un songe, une fleur qui se fane, une ombre qui passe? pourquoi voulez-vous vous réjouir maintenant dans l'illusion d'un songe pour être punie un jour dans la terreur de la réalité? Mais que parlé-je de se réjouir? quelle joie pourriez-vous rencontrer là où vous trouvez votre condamnation , et les reproches, et les injures, et les scandales? et quand même il y aurait une certaine jouissance, qu'est-ce qu'une goutte d'eau auprès d'un océan sans bornes? Ecoutez, ma fille, et voyez; prêtez l'oreille, et oubliez votre peuple et la maison de votre père, et le roi désirera votre beauté. (Psal. XLIV, 11 , 12.) Telles sont les paroles que David adressait à toutes les âmes entraînées par des affections coupables. Voilà ce que nous vous dirons en introduisant un léger changement dans les paroles du Prophète : Ecoutez, ma fille, et voyez, prêtez l'oreille et laissez de côté votre mauvaise habitude, oubliez ceux qui font votre malheur en habitant avec vous, et alors le roi désirera votre beauté. Que peut-on désirer de plus grand? que peut-on même comparer à la gloire d'avoir pour partage et pour ami le Maître de la terre, le Roi des anges et des archanges, le Souverain du ciel et des Vertus des cieux? quoi de plus heureux pour vous que d'être complètement délivrée des vils compagnons de votre servitude qui avilissent votre dignité ! Nous ne saurions mieux faire que de terminer ici ce discours tout ce que nous ajouterions serait faible à côté de cette gloire qui vous est promise. Celle qui épouse un roi de la terre se croit au comblé du bonheur, et vous, vous aurez non un roi de la terre, non un homme ordinaire; mais celui qui règne dans le ciel, qui est élevé au-dessus de toute principauté , de toute puissance, de toute vertu, de tout ce qui a un nom dans l'univers entier, celui qui repose sur les chérubins, qui ébranle la terre, qui déroule le ciel comme un pavillon, celui que les chérubins eux-mêmes et les séraphins n'abordent et ne contemplent qu'en tremblant, vous l'aurez pour époux, vous l'aurez pour amant, amant beaucoup plus passionné qu'aucun homme ne peut l'être; comment pour en jouir ne quittez-vous pas tout ce qu'il y a sur la terre, fallût-il sacrifier votre vie?
Cette parole du Prophète doit suffire pour corriger notre mauvaise habitude, et fussions-nous plus lourds que le plomb, pour nous soulever jusqu'au ciel; aussi nous finissons et nous vous prions de chanter ce divin cantique à la maison, dans les rues, le jour, la nuit; en voyage et sur votre lit de repos, parlez à votre âme et de bouche et de coeur en répétant a Ecoute, ô mon âme, et vois, prête l'oreille et oublie cette détestable habitude, et le roi désirera ta beauté. » Bien pénétrée de cette parole, vous rendrez votre âme plus pure que l'or. Cette parole, plus brûlante, plus active que le feu, aura assez de vertu pour dissiper vos pensées criminelles et pour purifier votre cœur de toutes ses taches, par la grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui appartient la gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
(Traduit par l'abbé P. J***.)