8.
Mais, si vous le trouvez bon, ne nous bornons plus seulement à prononcer le mot de cohabitation, examinons la chose elle-même, afin qu'elle se montre à nous dans toute sa turpitude. Elles ne craignent pas l'œil de Dieu, qui est toujours ouvert, elles ne redoutent que l'œil de l'homme. Enlevons-leur donc la consolation qui leur reste; révélons au grand jour les secrets que cachent les parois de leurs maisons, ouvrons la porte à ceux qui veulent voir, faisons-les sortir du lit on se cache leur infamie. Voyons d'abord ce qui se passe dans leurs maisons; supposons que des murailles les séparent et qu'ils couchent dans des lits différents : car je ne pense pas, quelle que soit leur dépravation , qu'ils avouent partager la même couche. Ils sont donc dans des appartements séparés. Et qu'est-ce que cela fait? ils ne sont pas pour cela à l'abri du soupçon, quand même il y aurait plusieurs personnes de service, que dis-je? nous voilà sur la trace d'une nouvelle ignominie.
Souvent ils se lèvent en même temps, non pour de pieuses veilles (il ne faut rien attendre de semblable de leur part), mais pour se rapprocher l'un de l'autre, et pour s'entretenir pendant la nuit. Quoi de plus honteux ? Qu'une indisposition survienne tout à coup, le mur de séparation devient inutile. Vite, l'homme qui dort sous le même toit se lève, et, devançant toutes les personnes de service, il entre dans la chambre de la jeune fille qu'il trouve au lit; et, prenant la maladie pour prétexte, à défaut des servantes souvent en retard, il s'établit garde-malade et rend des services qu'une femme seule peut rendre et encore à peine l Pour elle, elle n'en rougit pas, elle en tire vanité ; lui de son côté, loin d'en être humilié, s'en réjouit et cela d'autant plus que les services qu'il rend sont plus bas. Ici se réalise la parole de l'Apôtre : Ils mettent leur gloire dans leur propre déshonneur. (Philipp. III, 19.) Mais voici les servantes qui se sont levées : la scène va être plus humiliante encore. Ces femmes arrivent la tête nue, vêtues d'une simple tunique, les bras découverts, en un mot, dans tout le désordre d'un sommeil interrompu; elles courent ça et là, comme lé requiert le devoir de leur charge, et pendant ce temps-là, notre homme est au milieu d'elles courant et s'agitant aussi? Peut-on se figurer quelque chose de plus révoltant. La sage-femme viendrait qu'il ne rougirait pas davantage. Des vierges étrangères se présentent-elles pour visiter la malade, leur présence ne le déconcerte pas, elle ne fait que l'encourager. Une seule chose le préoccupe, faire valoir ses services auprès de la malade, oubliant que plus il en rend, plus il se déshonore lui-même en même temps qu'elle. Et faut-il s'étonner qu'il ne rougisse pas, quand la sage-femme est présente? Souvent au milieu de la nuit, faisant l'office de la dernière des servantes, il court sans difficulté chercher la sage-femme? Voilà la sage-femme arrivée : quelquefois on le chasse malgré lui, quelle que soit son effronterie; ensuite on lui permet de rentrer et de s'asseoir dans l'appartement. Pourquoi le renvoyez-vous? vous feriez plus encore qu'il ne rougirait pas ; il en fait lui-même bien davantage.
Quand la nuit est passée, il s'agit de se lever .alors on s'épie, on s'observe; elle, c'est à peine si elle ose sortir de sa chambre; elle se hasarde pourtant. Quel est le premier objet qui frappe les yeux de cette vierge? un homme qui n'est pas encore vêtu. Celui-ci, qui s'en doute, annonce quelquefois sa présence; d'autres fois il se laisse surprendre, et c'est une scène honteuse, ridicule. Je ne veux rien dire de plus à la vérité, ces choses sont légères en elles-mêmes, mais ordinairement elles soufflent 1'in1pureté dans les coeurs et y allument un grand incendie. Voilà ce qui se passe à la maison et pis encore.
Mais quelle honte plus grande encore quand cet homme sort, par hasard, et qu'en rentrant sans se faire annoncer, comme il en userait chez lui , il trouve , avec la vierge , d'autres femmes qui sont venues pendant qu'il était sorti; quel embarras et quelle confusion pour la malheureuse ! La même chose lui arrive à lui en pareille circonstance. Femme, elle ne peut sans honte recevoir des femmes, ni lui, homme , des hommes. Ils ne rougissent pas d'habiter ensemble et ils se gardent bien de recevoir chacun des personnes de leur sexe. Que peut-on supposer de plus détestable ? Souvent on le trouve assis auprès de cette femme qui tient le dévidoir ou la quenouille. Qu'est-il besoin de parler dés disputes et des querelles de chaque jour ? Il est impossible que cela n'arrive pas , quelle que soit l'amitié qui les unisse l'un à l'autre. J'ai appris que quelques-uns étaient dévorés de jalousie. Là, en effet, où n'est pas l'amour selon Dieu, nécessairement se trouve la jalousie : de là mille aventures, des séductions, le dévergondage et l'effronterie dans les vierges. Leur corps peut être pur, leurs moeurs sont mauvaises; car, quand on s'habitue à parler librement avec un homme, à s'asseoir familièrement à côté de lui , à le regarder avec complaisance, à badiner avec lui et à se permettre mille autres indécences, le voile de la virginité tombe, sa fleur est fanée , foulée aux pieds! quand une fois elles en sont venues là, il n'est rien qu'elles n'entreprennent, elles ne reculent devant rien , elles s'occupent de négocier des alliances , de faire le commerce pour les autres, elles détournent de leur pieux dessein celles qui voudraient rester veuves, pensant trouver là une excuse de leur conduite; mais tout le monde les méprise, et les personnes mariées, en se comparant à ces vierges, se glorifient de leur état, et elles n'ont pas tort; car mieux vaudrait contracter un premier mariage, voire même un second, que de mener un tel genre de vie. On se fait passer pour une entremetteuse; qui s'abstient des douceurs du mariage pour en porter le fardeau. Quel fardeau plus grand que d'avoir un homme à soigner et d'avoir toujours le souci de ce qui le concerne. Dieu vous a délivrée de cette inquiétude exprimée par ces paroles : Tu t'occuperas de ton mari et lui-même sera ton maître. (Gen. III, 16.) Vous en êtes affranchie par votre condition de vierge, pourquoi vous soumettre de nouveau au joug ? le Christ vous a rendue libre; pourquoi vous forger de nouvelles chaînes ? il vous a exemptée de toute sollicitude, et vous inventez mille soucis pour vous tourmenter !