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Examinons donc quelle est la véracité de Jésus-Christ dans toutes ses paroles ; car il ne s'est pas contenté de prédire la ruine de Jérusalem et du temple, il a fait encore beaucoup d'autres prédictions, qui devaient se vérifier dans la suite des temps. Nous allons donc produire ses autres prophéties : si vous le trouvez menteur dans une seule, ne recevez pas celle que nous défendons, et ne croyez pas qu'on doive ajouter foi à ses paroles; mais si vous le trouvez véridique dans toutes, si vous voyez que celle de la ruine de Jérusalem et du temple a eu son effet jusqu'à présent, et qu'un espace de plusieurs siècles en atteste et en confirme de plus en plus la vérité, ne vous opiniâtrez pas davantage, ne disputez plus contre des faits plus clairs que les rayons du soleil.
Voici une de ses prédictions. Une femme, dit l'Evangile, approcha de Jésus avec un vase d'albâtre plein d'une huile de parfum de grand prix, qu'elle lui répandit sur la tête. (Matth. XXVI, 7.) Ses disciples en murmurèrent, et se dirent entre eux : Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trente deniers, et donné l'argent aux pauvres? Jésus-Christ réprimanda ses disciples, et leur dit : Pourquoi tourmentez-vous cette femme? ce qu'elle vient de faire est une bonne oeuvre. Je vous assure que partout où sera prêché cet Evangile, c'est-à-dire dans tout le monde, on racontera à la louange de cette femme ce qu'elle a fait à mon égard. Jésus-Christ a-t-il dit la vérité, ou a-t-il menti? sa prédiction a-t-elle eu son effet ou ne l'a-t-elle pas eu? Interrogez les Juifs; ils auront beau s'armer d'impudence, ils ne pourront contredire ouvertement cette prophétie. On parle dans toutes les églises de la femme de notre Evangile. Il y a dans toutes les villes des magistrats principaux, des commandants de troupes, des femmes et des hommes distingués; dans quelques parties de la terre que vous alliez, vous verrez qu'on écoute en silence l'action de cette même femme : elle n'est ignorée dans aucune contrée du inonde. Que de princes ont comblé des peuples de bienfaits, ont terminé des guerres importantes, remporté de grandes victoires, relevé des villes, sauvé des nations, grossi considérablement leur trésor ! leurs actions cependant sont oubliées, on n'en parle plus. Plusieurs princesses , femmes célèbres, ont fait de grands biens à leurs sujets, et elles ne sont pas même connues de nom ; tandis qu'une femme obscure, qui n'a fait que répandre une huile de parfum , est célébrée par toute la terre, sans que la longueur du temps ait pu ou puisse jamais obscurcir sa mémoire. Cependant son action n'était pas éclatante : encore une fois, elle n'avait fait que répandre une huile de parfum; sa personne n'était pas illustre : c'était une femme ignorée et méprisée; elle n'avait pas agi devant plusieurs témoins : il ne se trouvait là que quelques disciples ; le lieu n'était pas remarquable elle n'avait point paru sur un théâtre public, mais dans une maison particulière, où il y avait très-peu de monde. Toutefois, ni le petit nombre de témoins, ni l'obscurité de la personne, ni le secret du lieu, rien en un mot n'a pu ensevelir dans l'oubli ni le nom ni l'action d'une femme, qui est maintenant plus célèbre que tous les princes et toutes les princesses. Quelle est la cause de ce prodige? qui en a été l'auteur? N'est-ce pas le Dieu lui-même sur qui elle a répandu son parfum, et qui a fait retentir par toute la terre le bruit de son action? Est-ce donc l'effet d'une puissance humaine, je vous le demande, d'avoir prédit l'éclat d'une action aussi simple? un homme de bon sens pourrait-il le prétendre ? Prédire ce qu'on fera soi-même est une chose admirable et peu commune ; mais prédire ce que feront les autres, et le prédire de manière à convaincre tous les hommes et à les frapper par l'évidence, est bien plus extraordinaire encore et bien plus merveilleux.
Jésus-Christ a fait au chef de ses apôtres une autre prédiction : Je bâtirai, lui dit-il, mon Eglise sur cette pierre, et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. (Matth. XVI, 18.) Dites-moi, Juifs, pouvez-vous attaquer ces paroles? pouvez-vous montrer la fausseté de cette prophétie? Quoi que vous puissiez dire, vous serez confondus par le témoignage des faits. Que de guerres ont été excitées contre l'Eglise ! que de troupes ont été préparées ! que d'armes ont été aiguisées contre elle ! exil, confiscation, mort, précipices, mers, lacs, chaudières bouillantes, fournaises, chevalets, dents de bête féroce, tous les genres et tous les instruments de peine et de supplice, tous les tourments les plus horribles et les plus insupportables ont été imaginés contre l'Eglise, de la part des étrangers, je dis même de la part des plus proches; car une guerre civile, plus cruelle qu'aucune autre guerre de cette nature, était allumée partout. Non-seulement les citoyens étaient soulevés contre les citoyens, mais les amis contre les amis, les parents contre les parents, les proches contre les proches. Aucune de ces attaques néanmoins n'a pu ébranler, n'a pu affaiblir l'Eglise ; et ce qu'il y a d'étonnant et d'incroyable, c'est qu'elle ait été en butte à tous ces assauts dès sa naissance. Si tous les orages eussent attendu pour fondre sur elle que la religion fût bien fondée , bien établie par toute la terre, il ne serait pas aussi surprenant qu'elle n'eût pas été renversée; mais que dès l'origine de la prédication, lorsque la foi venait d'être répandue, que les esprits des fidèles étaient chancelants et faibles, tant de guerres aient été excitées contre nous, et que, loin de perdre de nos forces, nous nous soyons fortifiés de plus en plus, c'est là ce qui est au-dessus de tous les prodiges; car, afin qu'on ne dise pas que l'Eglise est maintenant affermie par la paix que lui ont accordée les empereurs, Dieu a permis qu'elle. ait été attaquée, lorsqu'elle ne faisait que de naître, dans sa plus grande faiblesse, afin que l'on sache que son affermissement actuel est l'ouvrage de la puissance de Dieu et non de la paix dont les empereurs l'ont gratifiée.
Pour confirmer ce que nous disons, songez combien de philosophes, tels que Zénon, Platon, Socrate, Diagore, Pythagore, et une infinité d'autres, ont voulu introduire chez les Grecs de nouveaux dogmes et une nouvelle morale; mais loin d'avoir triomphé des obstacles inhérents à une pareille entreprise , ils ne sont pas même connus de nom par la multitude. Pour Jésus-Christ , non-seulement il a révélé , il a encore établi par toute la terre une morale nouvelle. Que de choses extraordinaires, dit-on, n'a pas faites Apollonius de Tyanes ! mais ce qui prouve qu'il n'y avait rien de vrai dans toutes ses oeuvres, qu'elles n'étaient que mensonge, imposture, illusion, c'est qu'on les a oubliées, c'est qu'elles n'ont eu aucune suite. Et qu'on ne croie pas que ce soit faire injure à Jésus-Christ que de le comparer à Pythagore, à Pluton, à Zénon, à Apollonius de Tyanes. Ce n'est pas d'après notre propre sentiment que nous le faisons, mais pour condescendre à la faiblesse des Juifs, qui croient que Jésus-Christ était simplement un homme; c'est ce qu'a fait saint Paul avant nous. Lorsque cet apôtre entra dans Athènes, il ne parla pas au peuple d'après les prophètes, ni d'après les évangiles, mais d'après l'autel qu'il avait rencontré. Non qu'il crût que cet autel était plus digne de foi que les évangiles, ni que l'inscription qu'il portait était plus précieuse que les écrits des prophètes; mais comme il parlait à des Grecs qui ne croyaient aucun de nos livres, il cherchait à les soumettre par leur propre doctrine. Aussi disait-il dans une de ses apures : J'ai vécu avec les Juifs comme juif, avec deux qui n'avaient point de loi comme si je n’en eusse point eu moi-même, quoique je fusse soumis à la loi de Dieu et de Jésus-Christ son fils. (I Cor. IX, 20 et 2l.) C'est ce que fait encore l'Ecriture dans l'Ancien Testament lorsqu'elle parle de Dieu aux Juifs : Seigneur, dit-elle, est-il parmi les dieux quelqu'un qui vous ressemble ? (Exod. xv) il.) Quoi doncl Moïse, y a-t-il quelque comparaison entre les faux dieux et le Dieu véritable? Je ne prétends pas, dit-il, établir aucune comparaison; mais tomme je parle aux Hébreux qui ont une grande idée des faux dieux ! je lob instruis de cette manière pour condescendre à leur faiblesse. De même nous, comme nous parlons aux mêmes Juifs qui ne voient dans Jésus-Christ qu'un pur homme et un infracteur de la Loi, c'est pour cela que nous le comparons aux philosophes les plus admirés chez es Grecs.
