7.
« A vous appartient la gloire dans tous les siècles. Amen. » Dieu ne vous délivre pas seulement de vos maux, il peut encore vous donner la gloire. Comme sa puissance est infinie, sa gloire est ineffable, et l’une et l’autre s’étendront dans tous les siècles. Vous voyez combien de choses il nous propose pour nous exciter à combattre, et pour nous inspirer la fermeté et la confiance.
Et pour montrer ensuite, comme je vous l’ai déjà dit, qu’il ne hait rien tant que le souvenir des injures, et qu’il n’aime rien tant que la douceur et la modération qui lui est opposée; après qu’il a achevé cette prière, il reprend cet article, et il nous exhorte, et par la peine dont il nous menace si nous ne le pratiquons, et par la récompense qu’il nous promet, si nous avons soin d’y obéir.
« Car si vous pardonnez aux hommes, votre Père céleste vous pardonnera aussi (14). Mais si vous ne leur pardonnez point, votre Père ne vous pardonnera point (15). » Il parle encore d’un « Père » et d’un « Père céleste, » afin de nous faire rougir de honte, si, ayant un tel Père, nous devenions durs et inhumains comme les bêtes, et si, appelés au ciel, nous n’avions que des pensées basses et terrestres. Ce n’est pas assez d’être enfants de Dieu par la grâce qu’il nous a faite, il faut l’être encore par nos actions. Rien ne nous rend si semblables à Dieu, que la douceur et la charité que nous témoignons envers ceux qui nous outragent avec le plus de malice et de violence. C’est ce qu’il a marqué lui-même, lorsqu’il a dit que Dieu « fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants. » C’est pour ce sujet qu’il est indiqué dans tous les articles de cette prière qu’elle doit se faire en commun. « Notre Père, » dit-il, « que votre nom soit sanctifié; que votre royaume arrive; que votre volonté soit faite sur la terre comme dans le ciel. Donnez-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour, et remettez-nous nos dettes; ne nous laissez point succomber à la tentation, et délivrez-nous du mal. » Il veut que nous parlions toujours en commun pour nous apprendre que nous devons être toujours parfaitement unis, sans qu’il nous reste la moindre trace d’animosité ou d’aversion contre notre frère.
Quel supplice donc mériteront ceux qui, (165) après ces préceptes de Jésus-Christ, non seulement ne pardonnent point à leurs ennemis, mais osent même prier Dieu de les en venger, et qui ne craignent pas de combattre sa loi sainte, et ce soin qu’il nous témoigne en tant de manières de prévenir toutes nos divisions, et tout ce qui peut mettre dans nos esprits quelque semence d’aversion ou de haine. Comme il sait que la charité est la racine de tous les biens, il veut retrancher de nous tout ce qui pourrait l’altérer en quelque manière, afin que nous demeurions parfaitement unis, en nous réunissant tous ensemble, comme membres d’un même corps. Car il n’y a personne, non, je le dis encore une fois, il n’y a personne sur la terre, sans excepter père,. mère, ou quelque autre ami que ce soit, qui nous aime autant que Dieu nous a aimés. Il n’en faut point d’autre preuve que les grâces qu’il nous fait tous les jours, et les commandements qu’il nous prescrit.
Que s’il vous semble que es maladies, les misères publiques, et les autres maux dont Dieu nous afflige dans cette vie, ne s’accordent pas avec cette affection si tendre qu’il a pour nous; considérez combien vous l’offensez fous les jours, et vous ne vous étonnerez plus, quand vous en souffririez encore davantage. Vous serez surpris, au contraire, lorsque vous recevrez quelque bien. Mais pour nous, nous nous arrêtons à considérer les différents maux que nous souffrons, et nous ne considérons jamais cette multitude de fautes que nous commettons de jour en jour. De là vient que nous tombons dans la tristesse, et que nous nous abattons aisément.
Que si nous voulions compter exactement, seulement durant un jour, les péchés que nous commettons, nous reconnaîtrions aussitôt que nous mériterions de souffrir encore beaucoup plus que nous ne souffrons. Je ne m’arrêterai pas aux péchés que chacun de vous peut avoir jusqu’ici commis; je ne veux que vous représenter ceux de ce jour. Je ne sais pas en détail tout ce qui se passe chez, vous, cependant le nombre de nos fautes est. si grand, que ceux qui ne les peuvent toutes comprendre, peuvent au moins en connaître une partie par ce que je vais vous dire. Car qui de nous n’a pas été négligent dans ses prières? qui n’a point eu de vanité? qui ne s’est point enorgueilli? qui n’a point médit de son frère? qui n’a point eu de mauvais désir? qui n’a point jeté un regard trop libre? qui n’a point senti quelque émotion et quelque trouble en se souvenant de son ennemi.
Si jusque dans l’église et durant si peu de temps, nous nous sommes rendus coupables de tant de maux, que deviendrons-nous quand nous en serons sortis? Si nous ressentons tant d’orages dans le port, lorsque nous rentrerons au milieu de la mer, je veux dire au milieu du monde et des affaires de ce siècle, comment pourrons-nous nous reconnaître nous-mêmes? Cependant Dieu nous a donné un moyen bien court et bien facile pour nous délivrer de ce poids effroyable de tant de péchés. Car quelle peine, y a-t-il de pardonner à celui qui vous a offensé? Il y a de la peine à nourrir de l’aversion dans son coeur, mais il n’y en a point à pardonner., Car en étouffant notre colère, nous assurons la paix de notre âme, et notre volonté seule suffit pour cela. Il ne faut ni passer les mers, ni faire de longs voyages, ni traverser les montagnes, ni dépenser notre bien, ni lasser notre corps. Il suffit de vouloir, et tout le mal que notre ennemi nous a fait est effacé.